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Le Panorama des cinémas du Maghreb met le focus sur la Tunisie

La 14e édition du Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient se tient jusqu’au 20 avril en Seine-Saint-Denis. Au programme, un focus sur la situation tunisienne et des discussions qui promettent d’être foisonnantes sur l’actualité du cinéma outre-Méditerranée.

L’embarquement pour la 14e édition des Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient se tenait au cinéma Le Louxor à Paris, jeudi 28 mars. Dans le cockpit, son fondateur, Kamel El Mahouti, réalisateur dionysien, professeur à Paris 8, et la directrice artistique du festival Emma Raguin, ont cette année partagé les manettes avec Leïla Shahid. Outre le rôle de déléguée générale de l’Autorité palestinienne, qu’elle a tenu en France puis à l’Union Européenne pendant des années, celle qu’on peut classer dans la catégorie des « grandes femmes » se pique de cinéma, au point qu’elle court, apprendra-t-on, les avant-premières.

Une odeur de jasmin

C’est avec une gourmandise non dissimulée que l’ex-diplomate s’est lancée dans la présentation du programme du festival de cinéma qui aura lieu principalement au cinéma L’Ecran, à Saint-Denis, mais aussi à l’espace 1789 de Saint-Ouen, ou au cinéma Le Studio, à Aubervilliers. Le beau rôle est laissé cette année aux réalisatrices tunisiennes, à travers une table ronde intitulée « Femmes et transgression », mercredi 3 avril à 14h15 au cinéma L’Ecran. « Salma Baccar, Raja Amari avec son film « Le satin rouge », « La Belle et la Meute » de Kaouter Ben Hania, Leyla Bouzid... La place des réalisatrices tunisiennes est très importante, grâce au statut laissé par Bourguiba lors de l’indépendance, puis au code du statut personnel, en 1957. Elles ont non seulement fait de bons films, mais des films qui ont marqué la cinématographie tunisienne », commente Leïla Shahid, qui a beaucoup fréquenté Tunis notamment pendant l’exil d’Arafat.

Le focus sur la Tunisie est aussi l’occasion de se pencher sur la situation politique du pays, huit ans après la révolution. C’est l’objet du film « A l’aube des rêves » d’Emna Rabet, programmé le 9 et le 11 avril, ainsi que celui de la rencontre avec Kamel Jendoubi, militant des droits de l’Homme et grand organisateur du processus constituant au lendemain de la Révolution de Jasmin.

Un pont entre les cinémas

« Alors que les pays du Maghreb sont très segmentés et éparpillés, que le festival international de Dubaï est en veille, que la biennale de cinéma de l’Institut du Monde Arabe n’existe plus, le PCMMO permet aux professionnels du cinéma de se rencontrer, de créer des synergies. Lorsqu’ils rentrent dans leur pays, être passés par le PCMMO est un gage de qualité auprès des professionnels et des institutions », témoigne la marraine de l’édition. C’est notamment la fonction de la journée d’études du 9 avril sur les nouvelles dynamiques cinématographiques au Maghreb et au Moyen-Orient.

Ce dernier n’est pas en reste : la soirée du 5 avril sera dédiée à Jocelyne Saab, cinéaste de la guerre civile au Liban, récemment disparue. Le film « La pêche et l’olive », trace de la rencontre entre de jeunes Montreuillois et leurs homologues palestiniens en 2014, sera projeté à Aubervilliers le 19 avril, lors d’une soirée dédiée à une association contre l’emprisonnement arbitraire d’enfants arabes dans les prisons israéliennes. Enfin, on ne saurait trop vous conseiller de réserver votre soirée du 2 avril pour savourer « Les pastèques du Cheikh » et « Tel Aviv on fire ». Parce que comme le dit Kamal El Mahouti, « pour sortir du marasme d’un monde qui ne va pas très bien », rien ne vaut une bonne comédie.

Demandez le programme ! https://fr.calameo.com/read/004688056d844a56965e0

Leïla Shahid : « On trouve dans la culture l’universalisme perdu dans le politique »

Pourquoi avoir voulu marrainer le Panorama cette année ?

Je leur dois bien ça ! J’ai une grande estime pour le PCMMO, c’est pour moi plus qu’un festival. C’est une initiative citoyenne, une rencontre complice entre les cinéastes, les intellectuels et le public. Dès le début, j’ai été saisie par cette atmosphère qui régnait entre les réalisateurs et le public, d’égal à égal. Les films du tiers-monde sont très peu diffusés au cinéma, ou alors à Marrakech, à Toronto... Ça fait beaucoup de kilomètres à parcourir... et je refuse de regarder les films à la télévision.

Après les moments historiques auxquels vous avez participé en tant que femme politique, endosser le rôle de programmatrice de festival de cinéma est pour le moins surprenant...

Pour moi, il n’y a plus de diplomatie. Elle s’est effondrée, comme le politique s’est effondré. Dans un contexte politique tendu, où l’on entend parler de chasse aux Roms, où le rejet de l’autre progresse, le cinéma parle aux citoyens d’une manière différente. Contrairement aux médias, très caricaturaux, il permet d’insuffler de la complexité aux situations, d’être plus proche d’une certaine réalité. C’est une forme d’expression politique. Et paradoxalement, alors que le politique est en crise partout, on assiste à un bouillonnement culturel. Regardez en Syrie, où le pays est à feu et à sang, il n’y a jamais eu autant de publication de romans ! Je crois qu’on retrouve dans la culture l’universalisme perdu dans le politique. L’indignation est fertile...

Le fait qu’il se déroule en Seine-Saint-Denis revêt-il une signification particulière pour vous ?

Saint-Denis est bien la seule ville dont je suis citoyenne d’honneur avec mon ami Mickael Warschawski ! Lorsque j’étais ambassadrice en France, j’ai énormément travaillé avec le Département, nous avons organisé des échanges culturels entre les femmes, les jeunes, nous avons fait de la coopération décentralisée. Mais surtout, je n’oublierai jamais qu’en 1998, de jeunes Palestiniens avaient vu leurs billets pour la coupe du monde de foot annulés. Ils étaient dépités, et j’en ai parlé à l’ancien président Robert Clément, qui m’a ouvert sa loge au Stade de France... J’ai vu l’équipe de France gagner, et j’ai fait deux bises à Zidane, qui est devenu tout rouge...

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