La Seine-Saint-Denis, terre de céramistes
Juliette Vivien et Hugo Saby, deux artistes talentueux de notre département, représentants de la jeune céramique contemporaine, avec une formation commune, ont emprunté chacun leur propre sentier de la création. Rencontre.
L’un des rares moments de liberté que s’octroie Juliette Vivien (26 ans), entre le tournage d’une pièce ou la pose d’émaux, c’est celui où elle met le nez dans son jardin, se prépare un bon café chaud, qu’elle déguste dans une de ses propres tasses. Là, elle souffle le temps qu’il faut, bercée par le chant mélodieux des chardonnerets qui viennent picorer des graines de tournesol. Installée depuis quatre ans à Montreuil, elle est lauréate du Prix Ateliers d’art de France 2020, et nul doute que cela a contribué à son invitation au dernier marché des potiers de Saint-Sulpice. « C’était aussi génial que je le pensais ! Cela fait cinq ou six ans que je le visite et bien sûr, je rêvais d’y exposer. »
Pour le concours Ateliers Art de France, elle propose plusieurs pièces dont ses vases cathédrales avec des miniatures à l’effigie du vase-mère posées sur les échancrures. Vous ne pouvez pas vous tromper…
Reproduire sur une même pièce cette dernière mais à une échelle beaucoup plus petite est en quelque sorte sa signature, sa marque de fabrication. « J’aime bien ce rapport d’échelle », avoue-t-elle. La miniature a toujours bercé son enfance. A quatre ans, elle commence à modeler des petites pièces, plutôt bien réussies. Elle rencontre avec ses parents des artistes qui pratiquent la miniature tant sur bois qu’en céramique. C’est décidé, c’est ça qu’elle voudra faire plus tard.
À l’école Duperré, elle suit les cours de céramique d’où elle sortira diplômée en 2017 et y rencontre Hugo Saby. « Tous les cours étaient communs, explique-t-elle, sauf les jours d’ateliers où nous avions un thème de prédilection. J’ai choisi la miniature. » Quand elle comprend assez rapidement son attirance pour le travail de précision et la réalisation de pièces très fines, elle jette son dévolu sur la porcelaine. « C’est une toute autre façon de tourner. La porcelaine est beaucoup plus capricieuse. Elle recèle une mémoire de forme, la moindre erreur se verra après cuisson. » Elle se lance pendant deux ans pour maîtriser la technique et en parallèle s’intéresse aux émaux en cristallisation, très difficiles à dompter.
A Duperré, Hugo Saby (29 ans), comme Juliette, se frotte à toutes les techniques autour de la céramique. Le tournage, le modelage, le moulage, les cuissons au four à bois, au four à gaz, au four électrique. « C’était génial ! s’exclame-t-il. Nous avions de nombreuses possibilités, dans un même lieu, d’en tirer le meilleur pour soi. » Il se lance dans la réalisation de pots, de taille et d’aspect différents, montés en colombins. Les voies de la céramique sont multiples et chacun y trouve son chemin en avançant.
Pour Juliette Vivien, la rigueur de la porcelaine sera une révélation alors que pour Hugo Saby, les pièces produites révèlent un tempérament qui ne cherche qu’à s’exprimer en suivant son instinct. « Je travaille debout, je travaille penché, je me contorsionne pour créer mes pièces. Mon geste influence les formes. Je manquais de patience pour le travail au tour, et j’avais besoin de bouger autour de mes pièces ! Mon travail, c’est un peu un défouloir ! » Un des outils qu’il utilise le plus, hors ses mains, est un ébauchoir en bois lui permettant de souder les colombins entre eux. « Il laisse des marques assez visibles sur la pièce et je ne cherche pas, une fois celle-ci achevée, à masquer les traces de l’outil. Cela témoigne de mon geste et de mon énergie du moment. »
Installé à Saint-Denis, il vient de quitter l’atelier partagé où étaient disponibles deux fours électriques. Toutes ses pièces sont cuites à 1280°, cuisson grès haute température. Outre ses pots, Hugo Saby réalise un travail de prises d’empreintes amorcé dès sa sortie des études. « J’avais envie de documenter, d’archiver, d’essaimer mon travail de diplôme. » Il met au point une technique de moulage, et à travers ses pérégrinations dans la ville, choisit ses reliefs sur des façades, des sols. A partir de ces empreintes, petits jalons lui permettant de donner naissance à une histoire, Hugo crée un texte et le tout donne naissance à de belles éditions. Au marché des potiers de Saint-Sulpice où lui aussi est invité pour la première fois, il expose ses échiquiers aux « trois couleurs » avec non pas des cases noires et blanches, mais des cases hautes et basses. « De nombreux amateurs d’échecs sont passés par le stand et ont pu constater que c’était complètement jouable ! »
A partir du 5 novembre prochain, vous pourrez admirer les œuvres de Hugo Saby, au 60Adada à Saint-Denis, invité lors de l’exposition de Sophie Bravo de la Pena.
Claude Bardavid
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