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La Seine-Saint-Denis, 19 façons et plus encore de s’ouvrir sur le monde…

Déconstruire les idées reçues et les préjugés sur l’immigration, c’est l’objectif d’une exposition photographique retraçant le parcours de dix-neuf « citoyen·ne·s d’ici et de là-bas » engagé·e·s dans des projets de solidarité qui font le pont entre le 93 et leurs pays d’origines. Focus sur des parcours de vie qui racontent un monde ouvert.

« Moi, je n’ai jamais rêvé d’aller en Amérique parce que je ne connaissais personne là-bas… Mais, en Seine-Saint-Denis oui ! Le 93, on connaît par cœur au Mali… » En une phrase, Sidy Diallo a résumé le parcours qui l’a mené jusqu’à Bondy en 2001. Une histoire de migration qu’il raconte plus en détails dans « La Seine-Saint-Denis dans le monde et le monde en Seine-Saint-Denis », une exposition photographique présentée vendredi 4 octobre en salle des séances du Conseil Départemental à Bobigny.

Réalisée conjointement par Via Le Monde, le service international du Département et l’ONG internationale GRDR Migration-citoyenneté-développement, cette expo-étude, déjà démontée à Bobigny mais qui sillonnera bientôt la Seine-Saint-Denis, retrace l’itinéraire de 19 personnes immigrées accompagnées par Via Le Monde dans la réalisation de projets de développement à l’international. Une sorte d’instantané sur les raisons qui les ont poussés à quitter leur pays d’origine ainsi que celles qui ont motivé leur arrivée en Seine-Saint-Denis.

Un devoir d’hospitalité

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Le tout appuyé par un état des lieux de la population immigrée en Seine-Saint-Denis dressé par le Service de l’Observatoire départemental. « Deux études qui coïncident avec l’adhésion fin septembre du Conseil Départemental à l’Association Nationale des villes et territoires d’accueil et qui sont donc l’occasion de redire que la diversité et l’immigration sont dans l’ADN de notre département, pose Stéphane Troussel, le président du Conseil Départemental, au moment de lancer la soirée de présentation de l’exposition. Tout simplement parce que la Seine-Saint-Denis s’est construite au gré des vagues d’immigration et de main d’œuvre dont la France avait besoin pour se construire et se reconstruire. Et puis au moment où va se dérouler à l’Assemblée Nationale le débat sur l’immigration, nous voulons rappeler notre conception ouverte de l’accueil, portant le respect des droits humains. »

Un message relayé ensuite en chiffres soulignant les apports de l’immigration dans la construction du Département et plus largement de l’hexagone. Selon les statistiques collectées dans l’étude de l’Observatoire Départemental, les ouvriers et employés constituent ainsi 43 % de la population immigrée -contre 21 % pour les non-immigrés- de Seine-Saint-Denis, premier département d’accueil d’Ile-de-France avec 30 % de population immigrée, soit 473 000 personnes.

Camembert et beurre de karité

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Une diaspora de 130 nationalités qui rejoint la Seine-Saint-Denis pour des motifs économiques, d’études, politiques, familiaux, climatiques, avec souvent un facteur culturel très fort comme pour le couple Gérald et Jonise Saint-Jean qui a quitté Haïti pour s’établir à Drancy : « Aujourd’hui encore les Haïtiens aiment bien le système français, ils s’en sont inspirés. Donc, nous voulions voir la France. » Même tonalité du côté du Bondynois Sidy Diallo, membre dans sa ville de l’association « Une école dans mon village » : « Au Mali, beaucoup de personnes connaissent le nom de quartiers de Seine-Saint-Denis sans jamais y avoir mis les pieds », sourit-il.

Le prolongement aussi de l’action des diasporas immigrées qui créent des structures associatives leur permettant d’agir dans leurs pays respectifs comme autour de chez eux. « Dès que je suis arrivé en France, j’ai rejoint l’association », poursuit Sidy Diallo. Un investissement loin d’être anodin, commente Francis Monthé, le président de Migration-Citoyenneté-Développement : « De cette manière, les personnes immigrées construisent une citoyenneté des deux rives, créant dans le 93 un territoire d’échanges avec une dynamique de projets très forte et très éloignée de l’image de ghetto traînée par la Seine-Saint-Denis. »

Ce que Siré Balaba, Sénagalaise et présidente de l’Association pour la promotion de l’éducation, de la culture et des échanges avec Kedougou, résume, elle, d’une manière très imagée : « Nous, les immigrés, sommes d’ici et de là-bas. J’ai autant besoin du beurre de karité que du comté et du camembert ! »

La politique France-Afrique de demain

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Ici comme là-bas, les 19 visages de l’exposition « La Seine-Saint-Denis dans le monde » s’investissent donc dans des projets associatifs qui établissent des passerelles entre leurs régions d’origines et leur nouvelle terre d’accueil et de vie. « Ce sont des passeurs de liens qui favorisent au quotidien l’intégration, résume Magali Fricaudet, cheffe du service international-Via Le Monde du Conseil départemental. Ils permettent par exemple aux jeunes de Seine-Saint-Denis de se rendre compte de la réalité vécue dans des pays moins développés en menant des projets de solidarité avec des objectifs de développement durable. »

« A notre échelle, on essaye effectivement de montrer, ici dans le 93, la réalité des enjeux climatiques, d’expliquer qu’il n’est pas trop tard pour s’y attaquer en s’appuyant sur l’exemple de la désertification de notre région au Sénégal », poursuit Lassana Ba, président de l’Association des jeunes de Bakel en France basée à Aubervilliers. Et ça, on peut aussi le faire parce que le 93, avec Via Le Monde, nous accompagne et nous soutient dans nos projets de solidarité. »

Une manière de tracer une voie de développement solidaire, durable et partagé que Mampuya Lukau, président de l’Association congolaise pour le développement des PME, voudrait voir s’étendre : « Le travail qui est effectué en Seine-Saint-Denis par Via Le Monde auprès des associations de solidarité porte une politique qui apporte un échange de savoirs et de compétences réciproque. C’est la base d’une relation Nord-Sud plus équilibrée. En fait, tout ce qui se fait en Seine-Saint-Denis en ce moment devrait être la politique France-Afrique de demain… »

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