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La Sauvegarde 93, la cinquantaine combattante

Créée en 1968 par un juge du Tribunal de Bobigny, l’association spécialisée dans la protection de l’enfance, de l’adolescence et de l’adulte célèbre depuis juin ses cinquante ans. L’occasion de mener une large réflexion sur les actions à mener dans ce domaine.

Ni bougies, ni gâteau pour les cinquante ans de la Sauvegarde 93 qui seront célébrés jusqu’en juin 2019, mais une farouche envie de « tracer des avancées sur les droits de l’enfant ». C’est le cap d’un cinquantième anniversaire combattant qui a été donné par Alain Lavalle, président de l’association départementale –lire notre encadré- de sauvegarde de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte en Seine-Saint-Denis, mercredi 14 novembre, lors d’une conférence sur les droits de l’enfant organisée à la Maison de la Culture de Bobigny (MC 93).
Mais plus que d’ « avancées », il est d’abord ce matin-là question des reculs pointés quelques jours plus tôt à l’occasion d’un SOS lancé dans la presse par les juges pour enfants du tribunal de Bobigny, qui dénonçaient les 900 mesures de protection d’enfants en danger laissés en plan pendant plusieurs longs mois d’attente, faute de moyens et d’éducateurs sur le pont. Alors, le président de la Sauvegarde 93 lance aussi un appel aux accents solennels : « Aujourd’hui, nous savons qu’il n’est plus possible de travailler comme cela. »
Un constat que dresse également, au cours de la conférence, Frédéric Molossi, le vice-président du Conseil départemental en charge de l’enfance et de la famille : « Je souscris aussi à l’idée d’une table ronde sur ce sujet, trouvons une issue pour qu’il n’y ait plus de délais d’attente intolérables. Mais faisons aussi en sorte d’inventer une aide sociale à l’enfance toujours plus à l’écoute des besoins des enfants. L’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), ce ne sont pas que ces 900 dossiers. Il va bien falloir que l’Etat se mette autour d’une table et prenne ses responsabilités dans ce domaine. »

Un budget en hausse

Un Etat « absent » qui fait aussi réagir Geneviève Avenard, Défenseure des enfants et présidente du réseau européen des défenseurs des enfants, lors de son intervention pour présenter les missions de son institution : « Si la protection de l’enfance est une compétence décentralisée dans les départements, elle doit rester une préoccupation de l’Etat qui doit mobiliser l’ensemble de ses compétences » à son service.
Chef de file des politiques publiques de protection de l’enfance, le Département a beau consacrer le plus large budget d’Ile-de-France (hors Paris) à l’Aide Sociale à l’Enfance -253 millions d’euros en 2018 à 273 millions d’euros en 2019- il a en effet bien du mal à juguler seul les carences de l’Etat dans ce domaine. Un exemple parmi d’autres ? La Seine-Saint-Denis accueille les enfants de retour de théâtres de guerre –Irak, Syrie – parce qu’ils arrivent par l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, lequel relève du tribunal de Bobigny. Une dépense qui représente 2,8 millions de budget que l’État ne compense qu’à hauteur de 250 000 euros.

La Seine-Saint-Denis, modèle d’action publique

Des difficultés loin d’inciter les acteurs de la protection de l’enfance à baisser les bras. Surtout lorsqu’Edouard Durand, juge des enfants à Bobigny, insuffle un vent favorable à la réflexion du jour : « Il y a sur ce département une grande force de repérage des situations de violence. Sur ce point, la Seine-Saint-Denis est un modèle en France », assure le magistrat, qui a également exercé à Marseille dans le même domaine. Et d’ajouter : « La grande violence que peuvent vivre les enfants, à la maison, une fois la porte et les volets fermés, n’est pas spécifique au 93. »
Juriste et formateur dans les écoles de travail social, habitué à sillonner la France de la protection de l’enfance, Christophe Daadouch abonde dans le même sens : « Dans le 93, il y a une vraie dynamique sur le secteur de la protection de l’enfance, alors que dans d’autres départements, je peux vous assurer que c’est assez compliqué de réunir les acteurs du secteur autour d’une même table. » Ce qui est déjà chose faite ce mercredi matin de novembre avec des propositions qui vont émaner de la table ronde et des échanges avec la salle, comme la mise en place de maraudes de nuit ou le projet d’un bus qui réuniraient travailleurs sociaux, soignants et éducateurs. « Il y a une nécessité de ré-investir le champ de la prévention et de recréer du lien sur le terrain, pense Jean-Christophe Brihat, le directeur territorial de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Et, on avance tous, parce que ce qui donne corps à nos projets dans nos métiers, ce n’est pas le salaire, mais la volonté de donner du sens à ce qu’on fait au service de l’enfance. »

L’Etat interpellé...

Une réflexion qui provoque les applaudissements de la salle où se trouvent de nombreux jeunes éducateurs spécialisés en formation à Aubervilliers. En sortant, l’un d’eux apprécie d’avoir « entendu des gens passionnés par leur métier. Même s’il y a des difficultés, ça me donne confiance dans le choix de vie que j’ai fait. » De quoi satisfaire Alain Lavalle, le président de la Sauvegarde 93, qui quelques minutes plus tôt, se félicitait que « la Sauvegarde puisse permettre d’organiser de telles rencontres où les gens s’entendent et s’écoutent… »
Celle de la MC93 devrait bientôt être suivie d’une prochaine table ronde pour laquelle Frédéric Molossi, le vice-président du Conseil départemental, a prévu d’interpeller le Préfet de Seine-Saint-Denis pour inviter l’Etat au débat.

Aider, prévenir, protéger, agir…
Fondée en 1968 sous la houlette de Marcel Puzin, alors président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny de l’époque, la Sauvegarde de Seine-Saint-Denis est aujourd’hui la première association de protection de l’enfance, de l’adolescence et de l’adulte dans le département, et plus largement d’aide et de soutien aux familles -parents, enfants, adolescents, jeunes adultes. Elle assure une mission de service public habilitée par le Ministère de la Justice et le Conseil Départemental, et financée par ce dernier à hauteur de 85 %. S’appuyant sur un budget annuel de 28 millions d’euros et l’expertise de 430 professionnels, elle accompagne ainsi plus de 6000 enfants et adolescents en Seine-Saint-Denis à travers de nombreux dispositifs comme Etap’Ado à Pantin. La Sauvegarde 93 appuie aussi près de 4000 adultes en difficulté avec un même credo : Aider, Prévenir, Protéger, Agir.

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