L’espace public a-t-il un genre ?
La rue, les lieux publics, les parcs, les transports en commun… sont-ils véritablement prévus pour toutes et tous, ou bien font-ils la part belle au genre masculin dominant ? Lundi 2 décembre, le Département organisait avec le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement un colloque Femmes et espaces publics en Seine-Saint-Denis, pour partager les connaissances, présenter des expériences de terrain et partager de bonnes pratiques.
« Beaucoup d’espaces publics, de transport sont pensés suivant le Modulor, la figure inventée par Le Corbusier en 1945, explique Claire Hancock, professeure à l’université Paris-Est Versailles. Ce Modulor figure une morphologie humaine, et est utilisé comme unité d’échelle pour adapter des habitations, des espaces publics à cette morphologie. Très bien, sauf que le Modulor culmine à 1m80, une silhouette clairement masculine. En suivant ce modèle, on se retrouve avec une ligne 14 de métro où les points d’appuis sont bien trop hauts pour des personnes d’1m60, soit 40 % de la population et en grande majorité des femmes… » L’exemple est frappant. Et d’autres suivent, tirés d’une étude sociologique sur l’espace public et le genre. « Les femmes n’utilisent pas les parcs de la même façon que les hommes. Les hommes y viennent avant tout pour leurs loisirs. Quant aux femmes, il est rare qu’elles aient autant de loisirs que les hommes. Lorsqu’elles viennent au parc, c’est souvent pour une forme de travail : elles accompagnent des enfants, des personnes âgées… (…) Penser l’aménagement pour les personnes les plus en difficulté, c’est pourtant se garantir de l’accessibilité pour tous. Mais malgré les nombreuses études menées depuis plus de trente ans, la question du genre ne figure toujours pas dans les cursus d’architectes et d’urbanistes. »
Combien de lieux, de rues, les femmes préfèrent-elles éviter dans leurs déplacements quotidiens pour se sentir en sécurité ? Imam Karzabi, chargée de mission au centre Hubertine-Auclerc, cite l’étude Virage de 2015 où 65 % des femmes déclaraient avoir un sentiment d’insécurité dans des espaces publics. Des solutions existent pourtant. La sociologue Dominique Poggi a mis en place des marches exploratoires, où les femmes d’un quartier, circulent ensemble dans la ville et rapportent ensuite aux élus locaux les points noirs à changer : trottoirs trop étroits pour faire passer une poussette, lieux mal-éclairés, donnant un sentiment d’insécurité, etc. « Le droit à la ville est le même pour tous et toutes, martèle la sociologue, c’est de circuler librement et en sécurité, partout et tout le temps ! »
Un droit qui sera respecté si, dès leur conception, les espaces publics, les voiries, les parcs, les cours de récréation prennent en compte de la même façon les besoins des femmes et des hommes.
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