L’engagement au bout de l’aiguille
S’inspirant de l’édifice gothique de la Basilique de Saint-Denis, Lamyne M. a conçu pour l’exposition Les Grandes robes royales des modèles de 3 mètres de hauteur pour représenter les reines et princesses.
Des robes au plissé traditionnel mêlant tissus d’aujourd’hui et d’hier, et surtout, qui ressemblent à la population diversifiée dionysienne. Le styliste de 37 ans n’en est pas à son coup d’essai. En 2012, Lamyne M. avait créé une exposition « Les robes Géantes » au Maroc, avec la problématique de la place de la femme dans une société d’hommes. Aujourd’hui l’exposition se veut encore plus engagée.
Dans cette exposition, vous avez décidé de mettre une fois encore les femmes en avant, pourquoi ?
Ces 5 dernières années, mon travail s’est porté autour d’une question importante pour moi : la place de la femme dans la société. Les Grandes Robes nous parlent de la grandeur de l’histoire, de la femme, mais aussi de l’histoire de Saint-Denis qui est particulière.
Pour vous rapprochez au maximum de la population, vous avez chiné les tissus dans les différents marchés du département. Dès le départ vous vouliez une exposition en accord avec les dionysiens ?
Oui car pour faire entrer le projet dans la Basilique il fallait qu’il corresponde à la population, à Saint-Denis et à la Basilique. Concrètement il fallait aussi qu’il soit en accord avec notre époque, mais aussi figée comme l’histoire et les gisants. J’ai voulu mettre en relation les différents tissus trouvés sur les marchés du 93 et le large tissu social, très riche dans ce département pour créer un vrai lien avec la population.
Ca prend du temps de monter une exposition comme celle-ci ?
Précisément 2 ans, 6 mois, et 27 jours. J’ai travaillé avec du monde, car je voulais un projet participatif. J’ai travaillé avec une école de Nogent-sur-Marne, qui ne connaissait pas du tout Saint-Denis et encore moins la Basilique. L’école est très fière de ce projet, car il lui a permis de casser certains stéréotypes. On a également collaboré avec des femmes de la maison de quartier Floréal à Saint-Denis, et avec l’association Franciade.
Pour pouvoir mener à bien un tel projet, il faut un soutien total. Vous l’avez ressenti en vous engageant ?
Absolument. C’est un bonheur sans limite, d’avoir le soutien des personnes qui m’ont aidé à faire ce projet, comme le curé de la Basilique qui est très ouvert. En Italie, des gens m’ont témoigné leur surprise. Un journaliste polonais m’a dit qu’une telle expo était impensable dans son pays, elle aurait déclenché des manifestations. Je suis très fier de cette exposition, qui équivaut au Grand Palais pour moi !
La Basilique a été rénovée l’année dernière, pensez-vous qu’elle attirera plus de monde dorénavant ?
Je l’espère ! La Basilique est un outil pédagogique au niveau de l’Histoire de la France. Beaucoup de familles dionysiennes n’en profitent pas car on met une barrière culturelle, religieuse alors que ça n’a rien à voir. Ce n’est pas juste un lieu de culte. Je demande aux Dionysiens d’être fier de cette basilique. Il faut se vanter, s’approprier ce patrimoine qui est capital. Des touristes viennent du Japon, des États-Unis juste pour la Basilique ! Nous sommes à coté et on n’y va même pas. Mais avant tout ça, c’est la plus grande nécropole d’Europe : 43 rois et 32 reines y sont enterrés ! Ce n’est pas négligeable.
En parlant de nécropole, pourquoi avoir choisi de représenter des gisantes ?
J’ai choisi ces femmes car elles étaient des reines, des princesses connues à travers leurs maris, leurs fils. Ces femmes n’existaient pas en tant que femme. C’était une vraie démarche personnelle de faire ce projet là. Ce n’était pas une commande de la Basilique, ça me tenait à cœur.
Vous êtes originaire du Cameroun, vous avez beaucoup voyagé… Et vous avez choisi de venir vivre à Saint-Denis, pourquoi ?
Je m’y plais. Je n’échangerais Saint-Denis pour aucune ville. J’y suis plus attaché qu’à mon propre pays. Je refuse d’entendre dire qu’on ne peut pas faire des choses parce qu’on habite dans le 93. On a tout ! L’étiquette qu’on colle aux habitants, il faut savoir en jouer, la retourner. En habitant ici, certaines portes se sont fermées devant moi, mais beaucoup plus se sont ouvertes. Je ressens une fierté incontestable d’être dionysien.
Saint-Denis compte beaucoup pour vous, que faites-vous pour elle ?
J’organise un défilé de mode sur une péniche avec Tourisme 93, avec des gens piochés dans la rue : Monsieur et Madame Tout le Monde. Au mois de mars, ça sera la 3e année. Ce concept n’existe que dans la Seine-Saint-Denis. J’en suis très fier. Il y a un atelier de customisation des vêtements récupérés également. Cela sensibilise à l’écologie, au recyclage, et en même temps, on informe les gens sur les matières de qualités ! Au Franc Moisin, une action a permis aux jeunes de venir chercher des vêtements pour des entretiens d’embauche : la Cravate solidaire.
Comment fait-on pour redonner espoir et envie aux jeunes de banlieue aujourd’hui ?
Par la transmission mais pas uniquement. La Seine-Saint-Denis est le département qui compte le plus de jeunes en France, et de talents, mais c’est aussi là où il y a le plus de pauvres et d’illettrisme… Il faut donner un idéal aux jeunes, les faire rêver, provoquer quelque chose en eux. Les faire aimer ce qu’ils font, les pousser à s’accepter, et surtout accepter d’où ils viennent. Le problème n’est pas de toujours injecter des sous, il faut trouver quelque chose de solide pour vivre ensemble. Je pense que l’outil culturel peut rassembler, mais il faut incontestablement le soutien de nos politiques…

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