L’ancien cinéma l’Etoile rayonne à nouveau en Maison des pratiques artistiques amateurs
Bâtie en 1934 par quatre frères italiens à La Courneuve, rachetée par la ville dans les années 1970 et préservée de la spéculation immobilière depuis, cette mythique salle est devenue en novembre dernier une Maison des pratiques artistiques amateurs. C’est la compagnie de théâtre Les Enfants du Paradis qui a été choisie pour faire vivre le lieu.
Toujours pas de clap de fin pour l’ancien cinéma l’Etoile de La Courneuve. Moribonde depuis deux ans, cette salle, située rue Gabriel-Péri, dans le centre-ville, connaît un énième souffle depuis que la compagnie de théâtre Les Enfants du Paradis a investi cet espace pour y créer une Maison des pratiques artistiques amateurs (MPAA). Depuis novembre dernier, la compagnie est liée à la ville de La Courneuve par une convention au titre de son activité artistique et de son rôle de coordination du lieu pour 3 ans renouvelables pour une durée identique. Elle a été choisie dans le cadre d’un appel à projet lancé par la commune. Si cette MPAA a vu le jour sans tambours, ni trompettes – elle a quand même été inaugurée le 21 novembre en présence d’habitants et d’huiles locales -, sa création constitue un événement : il n’en existe aucune autre dans la ville et même dans le département.
« En 2016, la Courneuve a organisé ses propres Etats généraux de la culture qui ont fait ressortir que les habitants et les associations de la ville souhaitaient ardemment un lieu pour pratiquer une activité artistique, quelle qu’elle soit », raconte Géraldine Szajman, créatrice et directrice artistique de la compagnie des Enfants du Paradis et qui vit à Saint-Denis depuis plusieurs années. Et d’ajouter : « Ce cinéma a connu de nombreuses vicissitudes. Il fait partie du patrimoine historique et culturel de la ville. A La Courneuve, tout le monde connaît ce lieu. C’est bien que les habitants puissent enfin se l’approprier. »
De l’ancien cinéma l’Etoile, construit en 1934 par quatre frères italiens, les Martin-Perolino, il ne reste que la façade décatie. Ouverte de 1935 à 1965, cette salle de 700 places a été rachetée dans les années 1970 par la ville, avec l’idée de préserver le bâtiment atypique et d’éviter, déjà à l’époque, la spéculation immobilière. Le centre dramatique de La Courneuve (nom d’une compagnie théâtrale locale - ne pas confondre avec un Centre dramatique national, ou CDN, label attribué par l’État français à une institution théâtrale, lié à la notion de théâtre public) s’y installe entre 1990 et 2017, avant de devoir quitter les lieux.
Gratuité des lieux
« Nous devons répondre à un cahier des charges très précis, explique Géraldine Szajman, avec la mise en œuvre d’une action culturelle volontariste et rassembleuse. Cette maison est ouverte à tout le monde et a vocation, avec les moyens qui sont les siens (la ville alloue à la compagnie une enveloppe de 10 000 euros par an), à redynamiser le territoire. A La Courneuve, 42 % de la population vit sous le seuil de pauvreté [en 2016, chiffre confirmé par l’Insee]. » La nouvelle équipe a également planché sur le règlement intérieur et les conditions d’accueil du public. Les associations qui souhaitent y poser leurs pénates doivent s’acquitter de la modique somme de 5 euros la demi-journée. Elles pourront profiter d’un vaste espace composé d’une salle polyvalente et d’un plateau de théâtre, baptisé à bon escient la Boîte Noire. Dans cette aventure, le projet de la compagnie s’articule autour de trois volets : l’animation du lieu (organiser, accueillir, planifier), l’accompagnement des associations, en lien avec le service Art, Culture et Territoire de la Ville de La Courneuve, et la diffusion de ses propres créations (en janvier, Les Enfants du Paradis vont attaquer les répétitions de leur prochain spectacle, l’Ile des esclaves de Marivaux). « La MPAA est aussi un théâtre, c’est ce qui rend cet endroit très riche, commente Géraldine. Il y aura notamment des répétitions publiques, des représentations gratuites et, surtout, aucune billetterie. Ce lieu doit conserver sa singularité. »
Singularité toujours, chaque résident s’engage à apporter sa pierre à l’édifice pour faire vivre la MPAA en mettant à profit son savoir-faire pour la communauté. Par exemple, une compagnie de théâtre qui loue l’espace pour répéter pourra en contrepartie inviter une classe à venir assister à la répétition puis à débattre du spectacle. Ou encore, un graffeur qui loue une salle pour peindre sur toile sera très bien reçu s’il propose de réaliser une fresque ornementale sur un des murs de l’ancien cinéma. « C’est un échange de bons procédés, résume Géraldine. Encore une fois, l’objectif est que tout le monde s’empare de cet endroit. » Si le spectacle vivant sera particulièrement à l’honneur, la Maison des pratiques artistiques amateurs espère aussi héberger des associations dont ce n’est pas le cœur de métier (des associations spécialisées dans l’aide aux migrants et aux réfugiés, le soutien scolaire, l’aide aux chercheurs d’emploi, etc.) mais qui dans le cadre de leur activité pourraient être amenées à y recourir. « C’est un espace de rassemblement, un carrefour. Notre rôle en tant qu’artistes et citoyens est de mettre les gens en lien et d’apporter notre savoir-faire pour les aider dans leur démarche », proclame la gardienne du temple.
©crédit photo/Ville de la Courneuve, Léa Desjours
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