Les inconfinables

Kévin, magasinier : « Travailler m’empêche de tourner comme un lion en cage »

Elle est pharmacienne, lui magasinier, il est chauffeur routier, elle infirmière. Tou·te·s opèrent en Seine-Saint-Denis. Et tou·te·s, malgré les mesures de confinement prises contre la pandémie de coronavirus, se rendent chaque jour sur leur lieu de travail pour maintenir le fonctionnement du pays. Pour Le Mag de Seine-Saint-Denis, ils·elles racontent leur quotidien d’"inconfinables".

Kévin, magasinier au Monoprix de la Croix-de-Chavaux à Montreuil.

« Depuis le début du confinement, je continuer à travailler. Je suis jeune, célibataire et en bonne santé, je n’avais aucune excuse à faire valoir si j’avais voulu arrêter. Certains collègues ont obtenu un arrêt de travail parce qu’ils devaient garder leurs enfants ou parce qu’ils souffrent de pathologies chroniques (diabète, obésité, maladies cardio-vasculaire et respiratoire, etc.) et que, de ce fait, ils font partie de la liste des personnes à risque face au coronavirus. [Un délégué syndical CGT du magasin précise que, pour l’heure, rien n’est prévu pour les salariés qui voudraient faire usage de leur droit de retrait, estimant que leur situation de travail présente un danger grave pour leur vie ou leur santé. Un abandon de poste sans autorisation peut entraîner une retenue de salaire et une sanction disciplinaire, voire un licenciement, ndlr.] Les personnes absentes ont été remplacées par des intérimaires et des étudiants.

Contrairement à d’autres, et bien que je sois confronté à une clientèle importante [pour le moment, les mesures de filtrage mises en place par Monoprix ne sont pas appliquées tout au long de la journée, ndlr], je n’ai pas peur d’être infecté. Je suis conscient des risques que je prends mais je respecte toutes les mesures de précaution : je porte un masque, change de gants cinq à six fois dans la journée et me lave les mains avec du gel hydro-alcoolique dès que j’en ai l’occasion. Le fait de continuer mon activité professionnelle rend mon quotidien moins monotone que celui de millions de gens (chez moi, je tournerais comme un lion en cage et finirais par péter les plombs) mais les conditions de travail ne sont plus du tout les mêmes. Les articles partent beaucoup plus vite que d’habitude, du coup on ne garde rien en stock, tout est mis en rayon. On ne s’embarrasse plus à faire de l’étiquetage pour les produits en promotion ou à mettre telle ou telle marchandise en tête de gondole. On se contente d’approvisionner nos rayons.

L’autre grand changement est la relation avec le client. Les questions se font beaucoup plus rares. La distanciation sociale ne favorise pas non plus les rapports humains. On a affaire parfois à des clients stressés, encore moins patients que d’habitude. D’autres apprécient notre courage et nous le font savoir en nous félicitant. Une dame m’a dit l’autre jour : ‘’C’est grâce à des personnes comme vous que je peux remplir mon frigo.’’ C’est gratifiant, on se sent important. Nos chefs aussi sont reconnaissants. C’est peut-être l’un des rares aspects positifs de cette crise : la solidarité entre collègues. On se rassure les uns les autres, on se parle beaucoup. Il y a un bel esprit d’équipe. »

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