Festival JOP 2024

Hors Limites, un festival à fond la forme

Dans le cadre du festival littéraire Hors Limites, nous avons pris la roue de Pierre Senges, écrivain engagé avec ses étudiants dans l’élaboration d’une encyclopédie des sports imaginaires. Samedi 18 mars, nous avons fait avec lui le tour d’un département qui pourrait accueillir les Jeux en 2024. Reportage.

Connaissez-vous la boxe sous-marine, le whisky alpin ou encore le lancer du requin-marteau ? Tous ces sports très populaires – vous les avez peut-être déjà pratiqués sans le savoir – ont été inventés par les élèves de Pierre Senges, écrivain en résidence dans le département et animateur de plusieurs ateliers autour du thème du sport.

En sa compagnie et en celle de beaucoup d’autres - car l’homme aime jouer collectif - nous sommes partis samedi 18 mars pour un petit parcours de santé littéraire proposé dans le cadre du festival de littératureHors Limites (voir encadré).
En grands sportifs que nous sommes, et pour ne pas éventer les secrets des 24 km de randonnée qui sont prévus en avril en soutien de la candidature de Paris et de la Seine-Saint-Denis aux JO 2024, nous avons évidemment effectué ce parcours… en bus. Accrochez-vous, c’est parti. Revoyons les images au ralenti.
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La journée-marathon a d’abord commencé par une partie de ping-pong intellectuel entre les écrivains Pierre Senges, Arno Bertina et l’historien du sport Luc Robène à la médiathèque de Romainville.

« Quand on m’a proposé cette résidence sur le thème du sport, j’ai d’abord eu un mouvement d’hésitation parce que je ne suis vraiment pas un spécialiste, confie Pierre Senges. Un bref aperçu à sa bibliographie aurait déjà pu nous renseigner : le chasseur de baleines Achab, le mathématicien allemand Lichtenberg ont en effet eu droit chacun à un ouvrage, mais pas Carl Lewis ni Nadia Comaneci. Mais l’auteur de « Ruines-de-Rome » de continuer : « Le sport m’intéresse quand même pour ce qu’il dit d’une époque, d’une société. Une question notamment me fascine : celle de l’origine d’un sport ou de sa disparition. Celle de la légende dont s’entoure un sport à sa naissance aussi : souvent, on attribue une discipline à un seul inventeur, un étudiant du XIXe qui aurait fébrilement accouché des règles en une nuit, alors que bien souvent, elle s’est forgée de manière beaucoup plus lente. Donc à notre tour, on a joué aux inventeurs d’un sport en nous consacrant à cette encyclopédie des sports imaginaires »

A la médiathèque de Romainville, les propos de l’historien du sport Luc Robène complétaient utilement les jeux littéraires de Pierre Senges. « Ce qui définit les sports modernes, ce sont deux grands principes. Il y a d’abord un ensemble de règles presque bureaucratisées qui aboutit à la naissance de sports codifiés. Le rugby obéit à un tout un corpus de règles alors qu’à la soule, son ancêtre ultra violent, on se mettait d’accord avant le début du match. Et puis, il y a la notion assez fondamentale de record, qui naît avec la Révolution industrielle », rappelle cet universitaire qui compte parmi ses autres champs de recherche atypiques le punk et l’histoire de l’aviation.

Nouvelles balles, nouvelle donne, on passe du ping-pong à la natation. A Saint-Denis, devant le Centre nautique La Baleine, on nage dans le bonheur en découvrant la fameuse encyclopédie des sports imaginaires. Etonnante comme un revers de Berasategui ou un flip-flap de Ronaldinho, elle nous est présentée en direct par les étudiants du Master de création littéraire de Paris-8 Saint-Denis, auxquels les lycéens de Jacques-Brel à La Courneuve ont aussi prêté main forte.
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Justement, Caroline, l’inventrice de la « molluscation », est en train d’en énoncer les règles au micro : « Comme son nom l’indique, l’objectif ultime de ce sport est la diminution progressive de la masse musculaire au profit de l’augmentation de la masse graisseuse ou de la perte complète de tonicité, voire les deux pour les plus expérimentés. » Allons bon, encore ce cliché des écrivains réfractaires au sport...

Mais attention, contrairement à ce que ces dernières déclarations pourraient laisser supposer, littérature et sport font bon ménage. Sylvain Pattieu, encadrant du Master de création littéraire - le seul de toute la région Ile-de-France - est là pour en attester : « On a souvent l’image de deux milieux qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre, alors que plein de passerelles existent entre les deux : depuis pas mal de temps, le sport est devenu un objet d’écriture, y compris en France ».

On joint aussitôt le geste à la parole, on laisse notre pizza de côté et on ressaute dans le bus. En passant à côté du Stade de France, on a une pensée émue pour un Quinze de France qui joue les prolongations aux Gallois. Mais bon, on a bien mieux que ça : on va réinventer l’histoire du foot au stade Bauer. Dans cet antre du Red Star - actuellement orphelin de son équipe première parce qu’il n’est pas homologué pour la Ligue 2 - le journaliste Xavier de La Porte va nous exposer l’histoire du foot comme nous ne l’avons jamais vue.

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« Et pourquoi le football est-il le seul grand sport collectif à avoir rejeté l’usage de la main, exception faite du gardien ? », s’est demandé un jour ce fou du ballon rond. Influence du darwinisme, religion catholique, théorie géopolitique : s’ensuivent 5 hypothèses séduisantes qui expliquent pourquoi le foot a fait sienne la maxime « jeu de main, jeu de vilain ».
« En 1863, le foot naît d’une violente scission entre les partisans d’une utilisation exclusive du pied et ceux qui tolèrent aussi la main, détaille le journaliste posé dans les tribunes du vieux stade audonien. Et comme par hasard, cette interdiction de la main coïncide presque avec l’apparition du darwinisme qui établit que ce n’est pas la main, mais finalement la bipédie, le fait de se tenir debout, qui est le propre de l’homme. »
Dans le petit groupe des supporters littéraires de Hors Limites, on a en tout cas pris son pied. Clinton, un jeune de 24 ans ou Micheline, une jeune retraitée, en redemandent. « Des événements comme ce festival, c’est super pour montrer le travail réalisé dans les bibliothèques du département. Et puis, ça attire aussi un autre public », souligne cette habitante de Bobigny. Hors Limites, le festival qui vous apprend à repousser vos limites !

Le Festival Hors Limites, mode d’emploi

JPEG - 46 kioUne baleine qui remonte le Canal de l’Ourcq. Des flamants roses qui survolent l’échangeur autoroutier de Bagnolet. Les affiches faisant cette année la promotion de Hors Limites reflètent bien la philosophie de ce festival littéraire atypique. Portée par l’association des Bibliothèques en Seine-Saint-Denis, cette quinzaine littéraire s’efforce chaque année de faire la fête au livre à travers cet outil privilégié que sont les bibliothèques. Privilégié car gratuit.
Pour cette 9e édition, ce sont ainsi 42 bibliothèques dans 25 villes différentes qui participent à la manifestation. Pour un total de 104 auteurs et artistes invités. Car voilà une autre des originalités de Hors Limites, expliquée par son co-organisateur Sébastien Zaegel : « Une des volontés de ce festival est de multiplier les chemins d’accès au livre. D’où notre recours à des formes hybrides qui intègrent le spectacle vivant, la musique ou à des ateliers d’écriture. L’idée, c’est d’aller chercher le public le plus large possible. » Cette année encore, collégiens, actifs ou retraités pourront donc profiter des différentes rencontres, lectures ou concerts prévus. Sur le même modèle que le parcours littéraire de Pierre Senges, une autre déambulation à travers le département est prévue le 25 mars, cette fois-ci autour de l’univers de l’auteur Valentine Goby.

- Le Festival Hors Limites se déroule cette année du 17 mars au 1er avril

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