Gaby Bazin, une femme de lettres

Gaby Bazin, une femme de lettres
Livres

Gaby Bazin, autrice et dessinatrice de Saint-Denis, a réalisé un livre illustré, « Le Typographe », qui traite de l’histoire de l’impression typographique. Elle anime également des ateliers à destination des enfants. Rencontre à la Briche dans son atelier.

Pour découvrir la Briche, là où travaille Gaby Bazin à Saint-Denis, il suffit de passer le pont de chemin de fer en venant du centre-ville et de franchir le seuil surmonté du nom du lieu en lettres de métal. C’est sur ce site, ancien lieu de récupération de métaux, dans une maison en pierre meulière, qu’elle a posé ses outils et sa table à dessin, pour installer son atelier en 2015. Depuis plus de 25 ans, des artistes et des artisans – on les appelle les Brichoux – ont fait de ce site, un lieu de travail, de culture et de grande convivialité. L’atelier dont fait partie Gaby Bazin se nomme le Patte-Pelue… « Patte-Pelue signifie quelqu’un qui arrive à ses fins sans montrer ses intentions », confie en souriant l’autrice. Ne cherchez pas un sens caché à cette dénomination ! Elle existait avant que Gaby n’intègre le groupe des 17 artistes, artisans et créateurs occupant les trois étages de la bâtisse. Des musiciens, des illustrateurs, une créatrice de bijoux, un fabricant de triporteurs et aussi plasticien… « Nous sommes à l’image de la Briche, nous représentons des corps de métiers très divers avec des savoir-faire différents. Des constructeurs qui travaillent le bois, le métal, des gens qui se concentrent sur les matériaux de synthèse, des céramistes, des sérigraphes, des sculpteurs. » Aujourd’hui, la Briche accueille 13 ateliers soit près de 85 personnes. Une association chapeaute l’ensemble des ateliers, la Briche Foraine (voir encadré).

Les livres l’accompagnent depuis longtemps

La jeune femme de 29 ans, née à Ollioules dans le sud de la France, est montée à Paris faire ses études aux Arts Déco dans la section « Images imprimées ». Cette passion qu’elle développe pour les livres et les lettres, – elle lui a permis de donner naissance à plusieurs ouvrages – vient de loin. « Cet intérêt pour la typographie remonte à mon enfance, j’en ai retrouvé des traces dans un carnet où je copiais mes logos de céréales préférés. » Avec un oncle libraire, elle a grandi au milieu des livres et très tôt a été attirée par les lettrages de Franquin, le père de Gaston Lagaffe, les maquettes d’Etienne Robial pour Futuropolis, ou celle d’Odette Ducarre pour les livres de Robert Morel. « Pendant quelques années, ma mère a décoré des vitrines et le geste du pinceau lorsqu’elle écrivait, me fascinait. » Elle n’arrête pas de lire et de dessiner. C’est décidé, c’est cela qu’elle fera quand elle sera grande.

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Son entrée dans l’école lui a permis d’apprendre à mettre un pied dans la vie d’atelier. « Toutes ces ambiances, cette façon de réaliser les images, mais aussi les odeurs, les bruits, les gestes, le travail du corps, c’est tout cela qui m’a donné envie de le partager ensuite dans des albums pour la jeunesse », confie l’illustratrice et graphiste. L’histoire de l’imprimerie, les techniques d’impression, alors que la révolution numérique est passée par là, elle souhaite les faire partager avec le plus grand nombre, petits et grands. Elle réalise pour l’éditeur MeMo, deux superbes ouvrages « La Lithographe » et « Le Typographe » et s’attelle actuellement à achever son petit dernier « La Taille-doucière ». « J’ai pu aller travailler à Marseille, et me familiariser pendant deux mois à l’atelier Altiplano avec la sérigraphie et surtout la taille-douce. »

Choix du papier, mise en page, couleurs, textes concis et didactiques, dessins d’une grande précision, rien ne manque à ces ouvrages pour combler les amateurs de belles lettres et ceux qui souhaitent apprendre tout sur les techniques d’impression.

Ecrire c’est dessiner

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Pour son travail de diplôme, Gaby Bazin a suivi pendant 6 mois des élèves d’une classe de primo-arrivants (UPEAA) à l’école Joliot-Curie à Pantin. Âgés de six à dix ans, ces élèves originaires d’Europe de l’Est, d’Afrique, d’Amérique latine, « entretenaient un rapport singulier à l’alphabet et à l’écriture. » Elle réalise à leur intention un jeu en bois à base des lettres de l’alphabet. Et complète son projet avec un livre : « Ecrire c’est dessiner ». Ce livre-jeu décompose l’écriture en sept mouvements qui constituent les sept chapitres du livre. Un rhodoïd inclus dans le livre permet avec un feutre effaçable d’exercer sa main aux gestes de l’écriture. « Cela les a plongés dans la concentration et aussi dans le plaisir d’arriver à dessiner une forme complexe, et en fait il s’agit des mêmes gestes que l’écriture, les mêmes formes, le même chemin, simplement l’ordre n’est pas le même », souligne Gaby Bazin.

Un lien fort avec Saint-Denis

Grâce à son installation dans son atelier à la Briche, il y a sept ans, elle découvre petit à petit la ville et s’y installe rapidement. « Saint-Denis est pour moi une ville à part, parce qu’elle située tout près de Paris, mais pas dépendante d’elle. C’est une ville qui a son autonomie propre, avec un réseau associatif important, de nombreux créateurs, une université, des médiathèques, un théâtre, un marché… Plein de ressources en fait qui sont importantes pour moi. Il y a de la vie comme dans un village ! » Lors d’une grande parade organisée cet été à travers la ville avec les enfants, juste avant la Briche foraine, elle a pu mener avec d’autres un projet avec les écoles et des associations. Des étendards en sérigraphie ont été réalisés au 110, – le centre socioculturel coopératif – et brandis pendant toute la parade où les enfants masqués défilaient. Habituée du Salon du livre jeunesse à Montreuil, Gaby sera présente à la prochaine édition pour présenter son Typographe, qui faisait partie cette année de la sélection de l’ADAGP pour le prix Révélation livre jeunesse. Si vous passez par là, n’hésitez pas à vous arrêter, feuilleter ses livres et pourquoi pas lui demander une dédicace.

La Briche à Saint-Denis, un lieu pas comme les autres

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Ce site industriel, un ancien « casse-fonte » pour ferrailleurs, a été réhabilité en ateliers d’artistes et de créateurs depuis plus de 25 ans. Ancien atelier de récupération de métaux construit en 1910, le site est un témoignage du passé industriel dionysien. Aujourd’hui, ils sont 85 créatifs à occuper le site, hangars, ateliers et maisonnettes, propriété d’une SCI. Le sculpteur Nicolas Cesbron est le premier « brichou » à s’être installé pour travailler ses sculptures et échanger avec d’autres artistes. Il cède son premier lieu de création à Olivier Darné et à son Miel Béton. Ensuite, des étudiants de l’école Olivier de Serres se sont installés.
Aujourd’hui, les 85 exercent plus de 24 métiers liés à la transformation de la matière (menuiserie, serrurerie, feutre, sculpture, sérigraphie, boulangerie, vitrail, céramique, bijouterie, électromécanique, coutellerie, ébénisterie, soclage…)

Concentrant une grande diversité de compétences techniques et de savoir-faire, la Briche est un lieu de fabrique reconnu avec lequel travaillent des entreprises publiques et privées.
Pendant le confinement, le collectif a soutenu l’installation de l’Armée du Salut dans le gymnase de la Plaine Saint-Denis ; il a mis en place à la Briche un système de paniers solidaires de légumes de producteurs locaux pour les familles en grande précarité ; certains se sont engagés bénévolement à l’hôpital Delafontaine ou pour des maraudes auprès des migrants de l’avenue Wilson et de Porte de Paris.

Les créateurs de la Briche se sont par ailleurs regroupés au sein du label Made In Briche pour diffuser et distribuer directement leurs productions (objets, bijoux, sérigraphie, illustration, textile…), réalisés manuellement et en auto-production. Made In Briche édite des pièces uniques ou en petites séries, réalisées directement dans les ateliers des créateurs de la Briche.
Lauréate avec le 6B et le chapiteau Raj Ganawak de l’appel à projets « Quartiers culturels créatifs », la Briche et ses occupants doivent faire face à un projet de vente du site par la SCI propriétaire. A suivre…

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