Entre adaptation, réorganisation et créativité : comment les PMI gèrent-elles la crise sanitaire ?
Les centres de protection maternelle et infantile (PMI) ont vu leur organisation chamboulée durant le confinement. Une période difficile, parfois stressante, mais qui a donné lieu à des expériences novatrices et enrichissantes. Reportage.
Ce matin, dans la salle d’attente du centre de PMI (protection maternelle et infantile) Les Marnaudes, à Rosny-sous-Bois, il règne un calme absolu. Deux enfants assis sur les genoux de leurs mamans attendent patiemment de passer en consultation. Les jouets et les jeux de société sommeillent encore dans les étagères. « Avec le protocole sanitaire, les règles concernant les conditions d’accueil ont changé, explique Julie Gratiaux, éducatrice de jeunes enfants aux Marnaudes. Avant le confinement, cette salle était submergée de jouets, c’était le bazar complet. Aujourd’hui, ils ne sont plus en libre accès, c’est le personnel qui met à disposition des familles un panier individualisé. Après chaque passage, chaque boîte, chaque objet est soigneusement désinfecté. Car, si le souci d’assurer la sécurité des professionnels et des usagers prime, les PMI se doivent de rester des endroits invitants et accueillants. »
Durant le confinement, les trois centres que compte la ville de Rosny-sous-Bois, ainsi que deux autres, à Villemomble et au Raincy, ont été regroupés aux Marnaudes avec des effectifs très réduits en raison des autorisations d’absence (agents fragiles et garde d’enfant). « Durant cette période, nous n’avions pas d’autre choix que de limiter notre activité aux consultations sur site ou au téléphone, raconte Clotilde Carmusciano, directrice des Marnaudes. Une grosse réorganisation car il a fallu faire table rase de notre programme habituel (accueil parents-enfants, prévention à domicile, travail sur la protection de l’enfance avec les assistantes sociales, les psychologues et les psychomotriciens, etc.). Nous avons priorisé les vaccinations des enfants jusqu’à 18 mois, les consultations gynécologiques (contraception d’urgence, IVG) et les suivis de grossesse. Ce fut dur, parfois éprouvant, mais on garde toutes un excellent souvenir de cette expérience unique et enrichissante ».
La crise fait germer des idées créatives
Un temps redoutée, la cohue n’a pas eu lieu : entre des prises de rendez-vous devenues obligatoires et un nombre de consultations limitée à 12 par jour au lieu de 24, les consignes sanitaires ne l’ont pas permis. « Il y avait aussi des usagers qui rechignaient à venir de peur d’être infectés, nous avons passé avec eux beaucoup de temps au téléphone pour les rassurer », se souvient la directrice. Depuis la rentrée, le protocole sur les conditions d’accueil a été quelque peu assoupli. D’abord, les cinq centres cités ci-avant ont rouvert. Ensuite, la jauge d’accueil a été réévaluée à la hausse, portant à 16 le nombre de rendez-vous par jour.
Mais crise ou pas crise, il est un point sur lequel le centre Les Marnaudes n’a jamais dérogé : les activités artistiques et créatives. Dans le cadre du festival pour les tout-petits 1.9.3 Soleil (30 août-13 octobre), la PMI accueille des ateliers sur des thématiques maison (grossesse, soutien et accompagnement à la parentalité, etc.) animés par des comédiens et des clowns. Aussi, à la faveur d’un partenariat avec la médiathèque Louis-Aragon, l’espace propose des temps de lecture une fois par mois. De plus, dès le mois de mars dernier, l’équipe avait élaboré pour les familles confinées une dizaine de livrets d’activité ayant pour sujets les émotions, la construction de jouets avec des objets et autres ustensiles mis au rebut, des recettes de cuisine… Enfin, si tout va bien, la prochaine étape, d’ici peu, sera la reprise des bilans de santé (dépistage sensoriel et de psychomotricité) que les PMI mènent dans les écoles maternelles des villes du Département à l’attention des élèves de moyenne section (4-5 ans).
Les puéricultrices aux avant-postes
A Noisy-le-Grand, le centre de PMI Léonetti n’a lui aussi jamais cessé de fonctionner. Entre une cascade de départs en retraite et des agents en arrêt de travail, le service départemental a connu un début de confinement « compliqué », selon Audrey Duchesne, directrice des lieux où sont actuellement gérés près de 4 000 dossiers d’usagers. Et de préciser : « Mais nous avons pu rapidement compter sur le renfort de personnels issus des autres PMI de la ville. C’est d’ailleurs un des aspects positifs : travailler en vase clos, ou presque, nous a rapprochés et les liens que nous avons tissés entre centres nous sont utiles aujourd’hui. » La crise sanitaire a aussi eu quelques effets vertueux en faisant naître des projets qui étaient dans les cartons depuis plusieurs années comme des ateliers massage pour les bébés ou des cours de soutien à l’allaitement. « On s’est dit que le temps était trop précieux, qu’il fallait que les choses avancent », témoigne la responsable, qui confesse rester sur le qui-vive en ces temps incertains. « Nous avons repris un fonctionnement normal début octobre seulement mais on sait que celui-ci peut à tout moment de nouveau voler en éclat. On reste suspendus aux décisions gouvernementales et à l’évolution de l’épidémie de Covid-19, ce qui est parfois difficile à gérer. » Dans la salle d’attente, Winny, venue pour faire vacciner et peser son fils de 4 mois, Chris-Elysée, fait part de son grand soulagement. « Pendant le confinement, j’étais enceinte et très stressée même si les agents de la PMI ont toujours été prévenants avec moi, confie-t-elle. Là, le personnel est revenu et nous ne sommes plus tout seuls dans le hall d’accueil, j’avoue me sentir mieux. »
Particularisme séquano-dionysien, à Saint-Denis, les centres de PMI sont gérés par la municipalité mais restent dans le giron du Département à la faveur d’une convention. Sur les six centres existants, cinq sont restés ouverts pendant le confinement. Et sur la soixantaine d’agents en poste, douze seulement ont été arrêtés. « On a su anticiper la catastrophe, commente Véronique Lamy, responsable de circonscription. On avait gardé nos vieux stocks de masques. Et comme seuls les élastiques avaient dépassé la date de péremption, nous n’avons pas hésité bien longtemps… » Là aussi, le confinement a été l’occasion de mettre en place de nouvelles façons de travailler. Par exemple, les éducatrices de jeunes enfants, en télétravail pendant le confinement, ont eu à assurer le suivi des assistantes maternelles à distance. Elles les ont soutenues et accompagnées, notamment dans le décryptage du dense et verbeux guide ministériel Covid-19. Les psychologues ont quant à elles pris part à un dispositif, qui du reste a concerné toutes les PMI du Département, proposant écoute, conseil, aide et orientation par téléphone aux jeunes parents. « Dans les PMI, on constate qu’en l’espace de six mois, l’épidémie a plongé certains de nos usagers dans une grande précarité, analyse la responsable de circonscription. Face à ces situations qui sont amenées à perdurer, nous avons encore plus de responsabilités. »
Photos : ©Nicolas Moulard
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