En Seine-Saint-Denis, les collégien·nes disent non au sexisme
Cette année, 23 collèges participaient au dispositif Jeunes contre le sexisme, soit 2500 collégiennes et collégiens mobilisé·es. Le 4 juin, à Bobigny, ils-elles se sont retrouvé·es à la Bourse du travail pour cette 12e édition afin de présenter films d’anticipation, théâtre-forum féministe, chansons engagées et slams d’une grande maturité.
C’est avec la chanson de Zazie interprétée par la chorale du collège Pablo-Picasso de Montfermeil que ces rencontres ont démarré. « Aux armes citoyennes » résonnaient dans la Bourse du travail de Bobigny. « Aux armes, citoyennes Nos armes seront Les larmes qui nous viennent Des crimes sans nom Aux hommes qui nous aiment Ensemble, marchons Et au Diable les autres... » Un moment très émouvant et une nouveauté pour ce dispositif qui n’avait jusqu’à présent jamais compté de chorale.
Les collégiennes et collégiens du département, nombreux dans le public, attendaient les films qui sont à chaque édition de véritables pépites. Provocantes, second degré, et même un peu gore avec "Pandémie" du collège Cesaria-Evoria de Montreuil dans lequel une épidémie dévastatrice vise les personnes coupables de sexisme. Trump en est la première victime. Un autre voit ses testicules exploser, un autre vomit son cerveau, et on assiste à un carnage à l’Assemblée nationale. Un film qui se termine par un avertissement en forme de clin d’œil : « Pour votre santé, veillez à consulter votre cœur et votre bon sens régulièrement ».
Autre moment fort de cette après-midi, le film "La sexualité est une fête" abordé par le collège Dora-Maar de Saint-Denis. Plaisir, liberté, partage... Pour Tessie, Grace, Sherine, Imane, Fatima et David, la réalisation de leur court-métrage leur a permis une libération de la parole autour des tabous dans leur collège : « C’était un sujet pas facile à aborder mais on a adoré le faire ! » Au collège Jean-Zay de Bondy, des élèves se sont regroupés pour endosser le rôle d’ambassadrices/ambassadeurs. Une prise de conscience salutaire comme l’explique Rayan : « Ces groupes de parole nous permettent d’apprendre à nous dévoiler et de prendre confiance en nous. » « Ce n’est pas facile quand nos parents ont vécu dans le sexisme et l’ont accepté, poursuit une jeune fille. En parler me fait du bien. J’ai même embarqué mes sœurs pour faire des affiches. Le 15 mars lors de la journée filles/garçons, je pensais que ça allait être difficile mais non : c’était comme si les élèves n’attendaient que ça pour en parler. » Confiante, Denisa ajoute : « Plus on redouble d’efforts, plus on va avancer ».
Lors de cette après-midi, des collégien-nes sont monté.es sur scène pour une séance de théâtre-forum où il était question de la place des femmes dans l’Histoire et.... dans les manuels scolaires. Kentin, 14 ans, élève au collège Eugénie-Cotton du Blanc-Mesnil, a participé à cet atelier où il a dû endosser le rôle du personnage sexiste : « Jouer l’agresseur, c’est dire quelque chose qu’on ne pense pas vraiment. C’est pour justement démontrer qu’il y a des inégalités. Dans la vraie vie, je n’ai jamais été agresseur. Pourquoi ? Mes parents m’ont transmis des valeurs : être respectueux envers les gens, qu’ils soient garçon ou fille ». Jules, 15 ans ignorait, totalement que ces ateliers allaient être centrés sur la question du sexisme. Une expérience inédite pour lui : « Au départ, je ne savais pas trop ce que j’allais faire dans ces ateliers. Ma première motivation était de faire du théâtre parce que je n’en avais jamais fait et que ça m’attirait. Mais pendant deux mois, on a travaillé une scène, on a écrit, on a pensé à ce qu’on disait. Les dialogues viennent principalement des élèves. Pas de nos « coaches », Léo et Pauline, qui nous ont par ailleurs vachement aidés et bien encadrés. »
Quant au travail sur les affiches, les revendications cette année sont argumentées et plus précises. La nouvelle génération de jeunes filles ne compte pas accepter d’être cantonnée aux tâches ménagères. Des messages explicites et menaçants : « Vous les mecs : ménage pour tous ou on vous quitte ! » ou encore « Les femmes ne doivent pas passer leur vie à pardonner mais aussi apprendre à se protéger. » On sent le ras-le-bol poindre. D’autres s‘interrogent : « pourquoi s’affirmer ou avoir du pouvoir ne pourrait pas être féminin ? » Des revendications qui concernent les écrans et leur dérive : « Protégez-moi, ne partagez pas » les photos qui relèvent de l’intimité, les réputations voire les rumeurs. « N’aies pas peur d’être toi ! » clament filles et garçons qui subissent au quotidien au sein du collège la loi du groupe.
Sans oublier les slams qui ont secoué le public. De l’énergie de Diamonds à la sensibilité de Rayan. Ils abordent avec Moi-même et Ne pas pleurer la question des injonctions faites à la gent féminine et masculine.
En Seine-Saint-Denis c’est dès le plus jeune âge qu’on réfléchit, qu’on prend du recul et qu’on prend conscience qu’il reste du chemin à parcourir pour faire disparaître le sexisme.
L’occasion de féliciter le collège Pierre-Brossolette de Bondy qui a obtenu le premier Prix du jeune public pour sa « Poudre respect » au festival Festiprev de La Rochelle le 18 mai 2019.
Isabelle Lopez
Photos : @Sylvain Hitau
Alexandre, 15 ans au collège Eugénie-Cotton du Blanc-Mesnil et acteur du court-métrage "Enquête au cœur du sport féminin"
« On a fait un court-métrage qui traite du sexisme dans le sport. Moi je pratique le basket. Et j’ai été témoin de sexisme. Par exemple : quand on joue contre une fille et qu’elle marque un panier, ça voudrait dire qu’on est nul, parce qu’on est un garçon. Et même quand on prend la balle à une fille, on est jugé comme faible. Tout peut être mal perçu. Il faut lutter contre ce sexisme : faire des campagnes. Lutter, combattre... Le fait de participer à ces ateliers Jeunes contre le sexisme et de réaliser ce court-métrage m’a permis de mieux repérer le sexisme. Avant, je ne le remarquais même pas. Quand j’ai appris ce que c’était que le sexisme j’ai compris que c’était un problème grave. C’est quelque chose de grave parce que ça peut aller très loin. J’ai l’impression que les adultes qui nous entourent n’en ont pas conscience. C’est trop tard pour eux. Par contre, je pense qu’en le montrant aux plus jeunes (qui vont grandir), en l’enseignant, on pourra peut-être faire disparaître le sexisme. »
Enquête au cœur du sport féminin Un film diffusé aussi dans le cadre du festival du film sportif 2019 FSGT93 "le sport univers’Elles » Un film très drôle qui compile tous les clichés qui circulent dans les milieux sportifs.
Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire des violences faites aux femmes
« Ce qui me marque c’est votre maturité. Vous avez parlé du sexisme et de la liberté pour les filles et pour les garçons. Faire ce qu’on a envie. Liberté d’être soi-même. Liberté dans la sexualité, liberté dans le sport. Troisième mot c’est « Ensemble » parce que tout seul on n’y arrive pas ! On ne se libère pas seule, on se libère ensemble. Nous les femmes on y est toujours arrivé.es en la jouant collectif. »
Juliette Gest, vice-procureure du Tribunal de Bobigny
« Je ne regrette pas une seconde d’être avec vous plutôt que d’incarcérer des maris violents comme je l’ai fait hier soir. Vous m’avez énormément émue. Bravo, bravo, bravo. Vous êtes vraiment très fort et très mature. J’ai les mêmes à la maison et j’aimerais bien qu’ils vous ressemblent plutôt que de traiter leur frère de fillette ce que j’ai repris pas plus tard qu’il y a trois jours. Vous pouvez monter sur scène en bombant le torse sans crainte, ni aucune peur parce que vous assumez parfaitement votre rôle. Vous me donnez énormément d’espoir. (...) mon quotidien c’est un mari qui vient d’exploser la rate de sa femme. C’est de la violence, de l’inégalité, du sexisme. (...) Les inégalités sont indéfendables. Continuez comme ça. Cela vous parait évident mais parfois on se relâche. Et puis faites des études et entrez dans la magistrature ! »
Stéphane Troussel, président du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis
« Nous avons décidé en Seine-Saint-Denis que le sexisme, les inégalités entre les filles et les garçons c’était peut-être une réalité mais il ne fallait pas que ce soit une fatalité. Et cela nécessitait la mobilisation de chacun et chacune d’entre nous et notamment dès le plus jeune âge. Il existe oui du sexisme : à la maison, à l’école, sur Internet mais notre responsabilité individuelle est de les combattre. (...) J’ai fait il y a quelques années une proposition au ministre de l’Éducation nationale. En France, chaque année, les collégiens passent un brevet de la sécurité routière... eh bien, nous, en Seine-Saint-Denis, nous sommes volontaires pour expérimenter un brevet contre le sexisme ! »
Slams présentés par les élèves Rayan et Diamonds
Ne pas pleurer,
C’est compliqué.
J’aimerai que ce soit normal.
Quand les filles le font, il n’y a rien de mal,
Mais quand c’est un garçon ce n’est pas un comportement de mâle.
Des fois, on a besoin de ça, car ça soulage,
Mais il y a toujours des blocages.
Si on ne faisait pas ça, on ferait des choses inimaginables
Comme Peter un câble (à la place).
Quand les nerfs lâchent
Les nerfs lâchent.
Après ça dépend des gens
Mais je suis sûr qu’ils font semblant.
Il faudrait que personne ne Juge
Parce que là ça URGE.
Rayan
MOI-MEME
Je suis des deux sens
Peu importe le sexe, c’est ton style qui danse,
Toi seule tu es toi,
C’est ça l’ipséité
N’écoute pas ces préjugés,
J’ai plein de comportement
Je ne me qualifie pas finalement.
Le sport c’est pas que pour les gars,
La cuisine c’est pas que pour les meufs,
Le Rap c’est pas que pour les gars,
La Danse c’est pas que pour les meufs,
Etre viril c’est pas que pour les gars,
Etre sensible c’est pas que pour les meufs.
Démarque-toi avec ta personnalité
Souris et laisse les parler
Ils insultent car ils n’ont que cette force
Réussir en étant soi-même est un pouvoir plus FEROCE.
Diamonds
*contre 18 collèges et 1500 élèves en 2017-2018
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