Emmanuelle Jary, suivez la guide gastronomique sur les réseaux
Avec son site « C’est meilleur quand c’est bon », et ses 900 000 abonné·e·s sur les réseaux sociaux, cette habitante du Pré-Saint-Gervais a su conquérir la communauté de tous ceux et celles qui aiment manger. Retrouvez ses coups de cœur en Seine-Saint-Denis à la suite de son interview.
Vous êtes une défricheuse de bonnes adresses où manger…
Emmanuelle Jary : J’ai toujours bien aimé chercher. Je suis ethnologue de formation. Lorsque j’étais étudiante j’ai proposé pour me faire de l’argent des articles sur la truffe, et ça a tellement bien marché que j’ai quitté l’ethnologie pour la presse. J’essaie de défricher, de faire découvrir des restaurants que j’aime et qui n’ont jamais d’article dans la presse. Mais je ne cherche pas forcément des lieux ultraconfidentiels : certaines de mes adresses sont dans le Michelin ! Les vidéos que je fais pour mon émission « C’est meilleur quand c’est bon » sont mes adresses coups de cœur. Des restaurants bien franchouillards, des rads perdus avec des nappes à carreaux rouges et blancs, comme des restos branchés. Je n’ai pas d’a priori. Toutes les adresses que je donne, je suis capable de les défendre. Mais ça ne reste que mon point de vue à moi.
Vous vivez en Seine-Saint-Denis mais vous y avez tourné peu de vidéos. Pourquoi ?
On en a envie. On a même commencé à y réfléchir. J’ai le projet d’y réaliser ma première vidéo long format -attention quand je dis « long format » il s’agit d’une vingtaine de minutes- avec une multitude d’adresses. L’idée n’est pas de mettre en avant UNE adresse mais une dynamique. J’ai déjà pas mal d’adresses… mais j’ai envie d’en chercher d’autres. J’habite au Pré. Il y a autour Pantin, Les Lilas, Romainville. Mais j’aimerai aller un peu plus loin : Aubervilliers, Drancy… Vous connaissez « C juste » ?
Non. C’est un resto ?
Non, c’est un producteur dans le Sud de la France qui a traversé la France à pied pour sensibiliser au problème paysan. Il était arboriculteur, il avait des pommiers, des poiriers et a décidé de tous les couper parce qu’il n’arrivait plus à en vivre. Il a créé « C juste ». Il s’appelle Pierre Priolet. Le principe : il achète directement aux paysans et revend le double en toute transparence. Sur les étiquettes vous trouvez les deux prix. Il est présent sur le marché de Pantin. C’est quelque chose que je pourrais aller filmer.
Pourquoi ne proposez-vous pas de vidéos pour les restos qui livrent ?
J’ai essayé et quand ça arrive c’est mou, c’est tiède, c’est humide. Avec la chaleur, pendant le transport ça crée une espèce de condensation. Toutes les gouttes se forment et ça retombe dessus, ce n’est jamais terrible. Parfois, ça arrive… renversé. La semaine dernière j’ai dû racler le fond de la boîte pour récupérer une tartelette au chocolat. C’est toujours un peu approximatif. Et puis ensuite, il faut jeter une montagne de couverts en plastique, de boites en carton, de suremballages. Déjà ça, ça me rend dingue. Il faut être cohérent.
Vous leur avez préféré les tutos cuisine maison.
Oui et ça a cartonné. On a proposé des recettes sans trop y croire et on a doublé nos abonnés pendant cette période-là. En février-mars 2020 on devait être à 300 000 abonnés Facebook, aujourd’hui on est à 700 000. On a été contactés par Facebook, surpris de cela.
Pourquoi Facebook vous a t-il contactés ?
Pour nous dire qu’on avait sur certaines de nos vidéos un taux d’engagement de 25 %. Ces taux sont calculés à partir du nombre de personnes qui ont aimé, partagé, commenté nos contenus. Un très bon taux d’engagement est situé entre 9 et 10 %, un taux moyen entre 1 et 2 % et nous sommes à 25 %.
Comment avez-vous vécu l’année qui vient de s’écouler ?
Le confinement nous a permis de nous poser, de réfléchir et de créer notre société. Il nous a permis de diversifier nos contenus. On a été obligés, les restaurants étant fermés. On a parlé des épiceries. Celle de Loïc Ballet qui ne fait que des produits français, a fait 2 millions de vues. Le premier mois il a doublé son chiffre d’affaires du samedi et a augmenté le reste de la semaine et le second ça a continué. On est contents. L’idée est de donner des coups de pouce, en restant dans la ligne de ce en quoi moi je crois. On a filmé des sandwichs pastrami, une petite épicerie grecque et à chaque fois ces commerces ne reviennent pas des retombées.
Vous vous sentez utiles ?
Les gens nous suivent. Ils ont confiance en nous. On essaie de rester digne de la confiance qu’ils nous accordent. Lorsque des chefs nous proposent de nous payer pour faire des vidéos. On a toujours refusé. Lorsque l’on nous propose de faire de la publicité pour des marques de supermarchés. On a toujours refusé. On n’a jamais dérogé à cette règle. Notre but n’est pas de gagner un maximum d’argent. Le but est de vivre de ces vidéos. Mathieu travaille pour la télé, moi pour la presse écrite. J’aimerais bien petit à petit ne travailler que pour C’est meilleur quand c’est bon. Mon but c’est d’en vivre normalement en faisant des choses auxquelles je crois. D’aller à la rencontre des gens que j’aime bien, parce que j’aime ça. Ça dépend des rêves qu’on a. j’habite au Pré, j’y vis bien. Mon but n’est pas d’avoir de grands bureaux avec vue sur la Seine, dans le 16e.
Vous vivez au Pré-Saint-Gervais depuis 2016, mais d’où êtes-vous originaire ?
Je suis originaire de la Dombes, entre Lyon et Bourg-en-Bresse. On n’est encore jamais allés filmer là-bas, dans l’Ain. On mange beaucoup de grenouilles. Elles sont protégées. La pêche est autorisée une ou deux journées par an. Elles sont cuisinées avec du beurre, une persillade, comme les escargots. Quand mon grand-père disait dimanche on va manger des grenouilles, ça signifiait qu’on allait au restaurant. On ne les mangeait pas trop chez soi. Les grenouilles c’est le restaurant.
La cuisine française est reconnue dans le monde entier… avez-vous des admirateurs lointains ?
On est beaucoup suivis au Canada, Maroc, Cameroun, Côte d’Ivoire, Suisse, Belgique. Beaucoup d’expatriés aussi, à San Francisco, Boston mais aussi des Américains. A une époque on avait sous-titré un peu en anglais. Lorsque j’ai demandé « D’où nous regardez-vous ? » j’ai obtenu 70 pays en notant toutes les destinations. « Je suis dans l’archipel des Vanuatu et je viens de regarder votre recette de bœuf bourguignon, je vais la faire demain ». On est très suivis à la Guadeloupe, La Réunion, La Nouvelle Calédonie, la Polynésie française.
Ça ne vous manque pas les restos ?
Si. Le dernier à l’étranger c’était en janvier 2020 à Toronto. En France c’était en octobre 2020 lorsque je suis allée à Orléans. Avant la crise sanitaire j’allais une fois par mois à l’étranger. En gros il y a 24 reportages dans des restaurants qui ont sauté. Ça me manque énormément : les restaurants, les interviews, les rencontres, beaucoup, beaucoup. Je n’aime pas me faire livrer. J’ai besoin de l’humain. De voir ma fromagère, de voir mon boucher. Les QR codes m’angoissent. Même l’heure je la lis sur une montre. Le succès de notre émission est dû aux réseaux sociaux, mais bizarrement je ne suis pas du tout Internet.
Propos recueillis par Isabelle Lopez
Photographies : Nicolas Moulard, Marion Saupin
3 lieux recommandés par Emmanuelle Jary
« Le bon sens » à Bagnolet
« Cette épicerie a ouvert il y a quelques mois. Elle propose des plats à emporter et on peut même y manger. Elle favorise les circuits courts, le locavore. Sur leur site ils ont écrit « épicerie responsable et cuisine engagée ». Ils ont du jambon très bon et une carte de vins natures et bio. Et moi, je ne bois que des vins natures et bio. »
« La Fromagerie du Pré » au Pré-Saint-Gervais
« Elle a ouvert lors du premier confinement, voilà un an. La personne qui tient cette boutique s’appelle Emmanuelle. Je ne connais pas son nom de famille. Ce que j’aime chez elle, c’est qu’elle me fait découvrir des fromages. Et ceux que je connais déjà sont de très bons choix. Cette fromagerie a aussi un coin épicerie avec des conserves, de la brandade de morue. Quand le Jaja a fermé (c’est une cave à vins du Pré-Saint-Gervais) elle continuait à vendre ses vins. Emmanuelle est très ouverte, très bavarde. Certains s’en plaignent car une queue se forme devant sa boutique mais c’est ça que j’aime chez elle, qu’elle me parle de ses produits. »
Primland à Romainville
« C’est un supermarché portugais. J’y vais pour acheter de la morue, des bières portugaises. Ils ont aussi un coin épicerie. Y aller me dépayse et j’y trouve des produits qu’on ne trouve pas ailleurs. J’ai un rabatteur dans cette zone, un ami infirmier, qui m’a informé qu’ils avaient à côté créer un traiteur avec des morues cuisinées et des accras. Il faut que j’y retourne. »
1973 Naissance à Bourg-en-Bresse
Mars 1998 Emmanuelle mange sa première truffe fraîche, elle décide d’en faire son sujet de DEA d’ethnologie
2016 Elle emménage au Pré-Saint-Gervais
Avril 2019 La vidéo « Chez Erwan » comptabilise 35 millions de vues
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