Seine-Saint-Denis Balades

Des parcours pour raviver la mémoire des aîné∙e∙s

Le Département, attentif au bien-être des seniors, a mis en place depuis mars une vingtaine de parcours « Autonomie, Culture et Sport » coordonnés par la FSGT93 dans des EHPAD et résidences autonomie de Seine-Saint-Denis. Parmi eux, trois étaient davantage centrés sur la question mémorielle et l’expérience vécue des habitant∙e∙s. Zoom sur ces projets culturels inédits présentés lors de la Semaine bleue.

« Le Conseil départemental souhaite ouvrir les champs culturel et sportif aux aîné∙e∙s accueilli∙e∙s dans des structures médico-sociales pour lutter contre leur isolement et recréer du lien social » affirme Stéphane Blanchet, vice-président chargé de l’autonomie. Pour ce faire, les services départementaux et leurs partenaires ont imaginé des activités variées : rencontres, ateliers... mettant en lumière le passé des personnes âgées. « Au départ, on avait un peu de mal à comprendre ce qui était attendu de nous pour les parcours mémoire » reconnait Myriam, enseignante à la retraite lors de la restitution le 7 octobre. « Puis on a fait une séance de photos absolument folle dans le sens heureux du terme, ce qui a libéré la parole et les souvenirs des participants ». Comme les autres résident∙e∙s de l’ex foyer-logement Basilique à Saint-Denis, la dynamique sexagénaire a exhumé du fond de ses armoires « un objet du passé », en l’occurrence de vieilles photos du quartier, pour évoquer les moments forts de son existence avec Sébastien Radouan, docteur en histoire de l’art et membre de l’association AMuLoP. Après une douzaine d’entretiens, le chercheur et la photographe Jessica Servières ont retracé les histoires singulières des retraité∙e∙s dans une émouvante et unique Gazette de la résidence autonomie.

Faire revivre la mémoire des territoires

La vie des habitant∙e∙s reste en général marquée par l’histoire sociale ou politique de leur ville, qu’ils∙elles le revendiquent ou pas. Ursula, installée à Saint-Denis en 1963, a connu les belles années du communisme municipal et le développement des logements sociaux pour les ouvriers tandis que sa co-résidente Louisa, immigrée portugaise, a vécu quelques années dans un bidonville à Aubervilliers. Les parcours de travailleur∙euse∙s ou de militant∙e∙s brossés dans la Gazette ont généré l’émotion de Jeannine, 91 ans, nostalgique d’une solidarité et d’un enthousiasme « révolus » selon elle.
Les animateur∙e∙s du second parcours ont choisi pour leur part « de recueillir les souvenirs » des retraité∙e∙s de la résidence autonomie Camille Saint-Saëns d’Épinay-sur-Seine. Deux médiatrices de l’association Les Cultiveuses ont animé des balades urbaines au centre-ville d’Épinay puis dans la cité-jardin Blumenthal. La responsable des archives de la Ville leur a ensuite présenté des cartes postales pour mieux revisiter l’histoire de la commune. Le photographe Éric Facon a terminé la douzaine de séances en réalisant de beaux portraits en noir et blanc des seniors dans leurs logements, rassemblés plus tard dans un livret. « Certaines séances se sont faites avec enfants et petits-enfants, ce qui était super-agréable sur le plan humain » confie le professionnel.

Transmettre le témoignage des aîné∙e∙s aux jeunes

Les échanges d’expériences suscités lors des deux premiers parcours ont créé de beaux moments de partage entre les résidents, les porteur∙euse∙s de projets et les professionnel∙le∙s des établissements médico-sociaux. Le Service départemental du Patrimoine culturel a innové en réalisant un troisième parcours dédié au fait aérien en lien avec la résidence autonomie Aline-Marlin au Bourget. Des membres de l’association Passerelle de Mémoire ont interviewé et filmé les ateliers réalisés par une douzaine de résidentes, le documentaire vidéo étant destiné à être versé aux Archives départementales.
Les participantes ont ensuite visité le musée de l’air et de l’espace du Bourget et exploré un Boeing 747 en compagnie d’un ancien pilote. Antoine Furio, chargé d’inventaire du patrimoine culturel leur a par la suite proposé un jeu de piste dans le quartier autour de l’aéroport qui a permis de multiplier les échanges. Eliane, 74 ans, avait une multitude d’anecdotes à partager. L’élégante bourgetine venait souvent le dimanche sur une terrasse voir décoller les avions. Très fidèle aux Salon de l’aéronautique, elle évoque son admiration pour le Concorde et la peine ressentie par les habitants lors du crash du Tupolev en 1973 au cours d’une démonstration au Bourget. « L’aviation a fait la fierté et la richesse de la ville, après la guerre, tout le monde connaissait quelqu’un qui y travaillait » déclare-t-elle.

Les quarante retraité∙e∙s séquano-dionysien∙ne∙s qui ont participé aux parcours mémoire ne sont pourtant pas dans le regret ou la mélancolie. À l’heure du Grand Paris et à l’aube des Jeux olympiques de Paris 2024, ces ateliers ont permis de graver sur le papier ou dans la pellicule le patrimoine immatériel de la Seine-Saint-Denis et rappeler l’histoire de celles et ceux qui ont « fait » notre territoire. Avis aux nouvelles générations !

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Crédit-photo : Bruno Lévy et Eric Facon
Crédit-vidéo : Passerelle de Mémoire

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