Seine-Saint-Denis Court-métrage

Des graines de cinéastes en Seine-Saint-Denis

Le 15 octobre, le concours vidéo Moteur ! parrainé par Grand corps malade a récompensé 36 jeunes lauréat∙e∙s venu∙e∙s de toute la France lors d’une soirée festive au cinéma Gaumont des Champs-Élysées. Parmi eux∙elles : deux étudiantes et un lycéen de Seine-Saint-Denis qui rêvent de percer dans les domaines du cinéma ou des médias.

« Votre avenir est entre vos mains. Foncez, ne vous censurez surtout pas et ne lâchez rien une fois votre projet ficelé » conseille Caroline Sénéclauze, présidente du projet Moteur ! à une salle chauffée à blanc. Parmi les lauréat∙e∙s présent∙e∙s, les jeunes banlieusard∙e∙s Salmata, Mehdi et Rachmia, sur leur 31, semblent boire les paroles des personnalités du cinéma et des médias : Isabelle Giordano, Samuel Le Bihan, Jacky Ido... venu∙e∙s les encourager. Portrait de trois cinéastes en herbe qui, en réalisant une vidéo de 1 minute 30 sur « la personne qui les inspire le plus » ont dévoilé une part de leurs rêves et de leurs idéaux.

Salmata Mladjao, 18 ans, pantinoise

JPEG - 62.7 kio

« Je vais commencer en novembre une formation à l’École supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) après une année en IUT à Bobigny et une amie m’a parlé du concours Moteur ! qui pourrait être un tremplin dans ma future carrière.
J’ai grandi au Comores dans une famille nombreuse et j’ai voulu rendre hommage à mon grand frère Ben qui m’a toujours soutenue. Il est actuellement coach d’une équipe féminine de football après avoir validé une licence en STAPS. Je l’ai accompagné sur le terrain et j’ai adoré sa capacité à motiver les joueuses et à toujours valoriser leurs capacités. À la maison, Ben m’a toujours répété que la vie est dure et que seul le travail paie malgré les épreuves. En France, les gens ont une peur pathologique de l’échec qui les empêche de réaliser leurs rêves et c’est bien dommage. Mon frère au contraire m’a toujours encouragé à tout faire pour atteindre mes objectifs sans être obnubilée par le regard des autres. C’est un combattant mais aussi un bon vivant qui sait prendre la vie avec le sourire.
Pour la réalisation du film en mars-avril, j’ai d’abord réalisé une sorte de story-telling, monté les images puis posé ma voix sur l’ensemble. J’ai littéralement sauté de joie fin juin lorsque j’ai appris que je suis sélectionnée pour le prix national d’autant plus que je vais aussi bénéficier d’une bourse de Moteur ! pour ma formation à l’ESRA. Après la remise des Claps d’or, je vais réseauter le plus possible et essayer de faire connaître un second court-métrage que je suis en train d’achever sur l’émancipation des femmes pour le Mobile film festival qui se déroule exclusivement en ligne ».

Mehdi Ben Abdallah, 17 ans, livryen

JPEG - 57.2 kio

« J’ai découvert le concours Moteur ! sur youtube et j’ai réalisé pendant le confinement ma vidéo L’Inspi à la fois par curiosité et par goût du challenge. J’ai voulu parler des valeurs de respect que trop de jeunes oublient dans la rue ou à l’école.
En bandes, certains adolescents font passer leur orgueil avant le respect et se laissent aller à des violences qui peuvent faire des blessés ou des morts. C’est bête car ce sont des drames stupides et évitables qui pourrissent la vie des quartiers. J’ai des copains qui se font contrôler par les policiers deux ou trois fois par jour, je comprends que ce soit saoulant et injuste mais l’agressivité ne change rien. Dans mon court-métrage, j’ai tenté de valoriser les exutoires à l’amertume des jeunes : le sport qui inculque la discipline, la lecture...
J’ai écrit le script en slam en une seule soirée car j’étais très inspiré par le sujet. J’ai ensuite filmé des plans avec un copain chez moi, dans ma cage d’escalier et j’ai aussi récupéré des images sur internet. Je suis super content de bientôt recevoir le prix national des mains des jurés et je vais également suivre demain les ateliers d’éloquence, de slam et de confiance en soi du Campus Moteur. J’espère que les formateurs me donneront des conseils pour m’aider à réaliser mon rêve de devenir acteur ou réalisateur. Et je travaille pour : j’écris le texte d’une vidéo pour le festival Film d’avenir sur un sujet qui m’inspire beaucoup : montrer qu’un autre monde est possible... ».

Rachmia Said Mze Cheikh, 19 ans, de Neuilly-Plaisance

JPEG - 58.9 kio

« Je suis tombée par hasard sur la story Facebook de Salmata qui présentait son désir de participer au concours vidéo Moteur ! Je me suis dit : pourquoi ne pas essayer et montrer ce que je vaux en terme d’écriture de scénario ? Lorsque j’étais jeune, je rêvais d’être réalisatrice pour transmettre des histoires et des émotions par le biais de la pellicule.
Dans mon film, j’ai voulu rendre hommage à l’écrivain et poétesse afro-américaine Maya Angelou dont les oeuvres m’ont marqué lorsque j’étais adolescente. Issue d’un milieu très défavorisé, elle a osé aller au bout de ses passions et a été successivement actrice, réalisatrice, professeure, autrice, militante pour les droits des noirs américains aux côtés de Martin Luther King... La puissance de ses poèmes m’a touchée et incitée à poursuivre comme elle mes rêves pour faire bouger les choses. J’aime beaucoup la poésie "Phenomenal women" qui dit en gros " pas besoin d’avoir la taille mannequin ni même de jalouser les jolies filles, vous êtes phénoménales lorsque vous osez être vous-mêmes...".
Actuellement étudiante en communication, je souhaite réaliser prochainement un documentaire sur un sujet qui me tient à coeur : la dépigmentation de la peau qui touche les femmes mais aussi les hommes en Afrique et aux Comores où j’ai grandi. Là-bas, la mode est au teint caramel et les communautés incitent insidieusement les jeunes à employer des produits toxiques pour être plus attirants. Ce fléau engendre des cancers de la peau, des diabètes, insuffisances rénales et la cécité dans les cas le plus graves. J’espère que mon documentaire permettra d’éviter des drames et aidera les gens à s’aimer davantage... ».

Les juré∙e∙s présent∙e∙s sur scène et dans la salle ont été impressionné∙e∙s par la maturité des jeunes qui se sont engagé∙e∙s sur les sujets des migrant·e·s, des femmes, de l’environnement, du handicap ou encore du droit à la différence... Fabien Marsaud, alias Grand corps malade, qui a présidé le visionnage des 300 vidéos de départ salue les belles valeurs des lauréat·e·s. " Les jeunes n’ont pas fait de films sur des gens bling bling de la télé mais ont mis en lumière leurs proches ou des personnes inspirantes pour leur combat comme Greta Thunberg ou Charles Villa, reporter en zones de guerre ". Un constat rassurant qui devrait inciter les adultes à leur donner davantage la parole...

JPEG - 185.1 kio

Crédit-photo : Concours Moteur ! et Carine Arassus

Dans l'actualité