Des collégiens de Gagny se penchent sur la guerre d’Algérie
Toute cette année scolaire, une classe de 3e du collège Théodore-Monod de Gagny a travaillé sur la mémoire de la guerre d’Algérie, dans le cadre d’un projet d’éducation aux médias. 60 ans après l’indépendance de l’Algérie, leur documentaire, réalisé grâce à l’intervention au long cours d’une journaliste d’Arte, restitue avec justesse la complexité de cette terrible guerre de décolonisation.
« Avant ce projet, je ne connaissais quasiment rien à la guerre d’Algérie. Maintenant, j’en connais non seulement les dates, mais j’ai aussi pris conscience des conséquences que ça a encore aujourd’hui. » Basmala parle avec maturité et enthousiasme du documentaire qu’elle et ses 24 camarades de classe ont réalisé cette année. Au départ, le sujet était pourtant tout sauf facile : la mémoire de la guerre d’Algérie, 60 ans après son indépendance obtenue au terme d’une sanglante guerre de décolonisation. Une thématique qui leur avait été suggérée par la professeure documentaliste du collège et Philomène Bon, une journaliste d’Arte qui les aura accompagnés toute l’année dans le cadre d’un parcours Agora, dispositif d’éducation aux médias porté par le Département.
Pour un traitement équilibré du sujet, les élèves auront donc interviewé différents acteurs du conflit : un ancien appelé de l’armée française, une « pied noir », une petite-fille de harki, deux historiens et le réalisateur franco-algérien Lyes Salem, auteur du film « L’Oranais ».
« On s’était réparti les 6 interviewés par groupes. Pour chacun, on a fait des recherches et tenté de comprendre quel lien ils avaient avec cette guerre. Ensuite, on est allé à leur rencontre, soit ici au collège soit à l’extérieur », raconte Adriana, qui aura interviewé l’ancien appelé Nicolas Povoroznuk. Ce faisant, ces 3e auront aussi mis les mains dans le cambouis du journalisme et dans sa matière première : l’interview. « Ils se sont énormément impliqués et ont posé des questions sensées et sensibles, nourries par leurs recherches », explique la journaliste d’Arte Philomène Bon, qui les a aussi emmenés à la découverte du plateau télé de la chaîne de France info.
Au-delà de la technique de l’interview, nombre d’élèves avaient aussi retenu l’émotion, présente lors de certains entretiens. « On voit bien que de nombreuses personnes sont encore marquées par ce qui leur est arrivé, à elles et à leur famille », insiste Manassé, qui comme la moitié de sa classe aura présenté ce documentaire comme sujet de son oral de brevet. « En Algérie comme en métropole, il y avait des groupes qui voulaient l’indépendance et d’autres non. C’était partagé et tendu de tous les côtés », a retenu Steven.
Des remarques qui allaient dans le sens du bilan général très positif que Philomène Bon, la journaliste intervenante, tirait de cette expérience. « Avant ce projet, certains élèves pouvaient avoir des a priori sur certaines dimensions de la guerre. Rencontrer des témoins du conflit leur a permis de toucher du doigt la complexité de l’histoire et d’en affiner leur compréhension. »
C’est le cas de cet élève qui se confiait après coup : « J’ai appris beaucoup de choses sur les Harkis : je pensais que c’étaient des traîtres, mais en réalisant le projet, j’ai appris que certains avaient agi par loyauté envers les Français avec lesquels ils avaient combattu avant. »
Si le projet n’a pas déclenché de vocation journalistique parmi les collégiens - « c’est trop de boulot et trop de patience ! » - il aura en revanche participé à une connaissance approfondie de cette période charnière de l’histoire de France. « Ca prouve aussi qu’on peut tout à fait parler de guerre d’Algérie au collège. Evidemment, il faut être accompagné, mais quand c’est bien préparé comme là, ça porte ses fruits », soulignaient la documentaliste Sandrine Bchini et l’enseignante de français Elise Terra. Sous réserve de l’accord des interviewés, le documentaire réalisé par les 3e de Gagny pourrait même être diffusé dans d’autres établissements du département à partir de l’année prochaine. Sur les visages des 25 apprentis journalistes, on pouvait voir quelques sourires de fierté.
Christophe Lehousse
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