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Décryptage de la violence

Dans son livre "Laisse pas traîner ton fils", l’écrivain dionysien Rachid Santaki part d’un fait divers sanglant et dresse le portrait d’une jeunesse en proie à la violence, dans la rue, la famille et les réseaux sociaux.

Rachid Santaki les connaît bien, ces jeunes. Il a grandi dans les mêmes cités, il les croise toujours près de chez lui à Saint-Denis où il habite toujours, à la salle du Derek boxing où il s’entraîne encore. Il les met en scène dans ses polars made in Seine-Saint-Denis. Lors de ses dictées géantes ou d’ateliers d’écriture, dans les cités, les écoles et même les prisons, il partage avec eux son amour de l’écrit, souligne l’importance de savoir exprimer clairement sa pensée.
Mais lorsqu’en 2017, il apprend qu’un jeune de dix-sept ans a filmé et posté sur les réseaux sociaux le tabassage, la torture puis le meurtre d’un autre jeune, Rachid Santaki est stupéfait de la cruauté de l’acte, tout comme de la froideur du tournage et de la diffusion de la vidéo. Alors pour comprendre, il enquête. Laisse pas traîner ton fils est le récit de cette recherche de la vérité. Pas à pas, le romancier devenu journaliste avance. Il est en terrain connu et grâce à ses contacts parmi les éducateurs, rencontre les différents protagonistes. Pas de jugement de sa part, mais un désir de compréhension. La violence a toujours fait partie du décor des cités. Des quadragénaires racontent que dans les années 80, 90, les rixes existaient déjà, que grandir en cité impliquait d’au moins côtoyer cette violence, sinon en être auteur et/ou victime. Mais ce qui n’existait pas, c’est cette froide mise en scène, ce partage de l’horreur sur les écrans des smartphones. Au fil des pages se dessine le portrait d’une frange de la jeunesse en perte de repères, qui s’invente de nouveaux codes, ici en France, comme au Maroc ou ailleurs autour de notre globe connecté. Des règles de vie où l’image est reine, celle que l’on regarde tout comme celle que l’on donne à voir.
Au fil des pages du livre, au fur et à mesure de l’avancée du procès des meurtriers, des discussions entre l’auteur et leur famille, la famille de la victime, la violence s’infiltre, prend de nouveaux visages. Rachid Santaki montre comment elle s’immisce dans nos vies, qu’elle les influence, qu’elle nous marque comme elle a marqué la propre jeunesse de Rachid. Une fois refermé, ce livre continue d’agir, de questionner. Normal, pour Rachid Santaki, l’écriture n’est pas une fin en soi. Comme ses dictées au Stade de France ou sur France Culture, ses ateliers d’écriture à Paris 8 ou à Fleury-Mérogis, l’écriture est un des moyens qu’il a trouvés pour agir, pour « donner du sens à ce que je fais ». Rachid Santaki écrit ses livres comme on forge un levier, un pied de biche. Pour nous décoller de la profondeur de nos certitudes, enfoncer les portes de notre indifférence.

JPEG - 930.2 kioLaisse pas traîner ton fils , Rachid Santaki éditions Filatures
Photo : P.Bevilacqua

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