Actions pour les Jeux Natation

De l’eau au moulin du savoir-nager…

Le 3 décembre, le collectif départemental « Nager en Seine-Saint-Denis » se réunissait pour la première fois. Son objectif : rendre plus accessible l’apprentissage de la natation dans notre département d’ici à 2024 en mutualisant expériences et solutions. Petit tour d’horizon de quelques pistes d’actions.

Il n’y avait que de l’eau en bouteilles, lundi 3 décembre, dans la salle des séances du Conseil départemental à Bobigny, mais il y a eu malgré tout un grand bouillonnement d’idées lors de l’inauguration du « Collectif Nager en Seine-Saint-Denis ». Prolongement du plan piscines de 40 millions d’euros qui doit permettre de rénover la moitié du parc des 35 piscines publiques de Seine-Saint-Denis et d’en construire cinq nouvelles à l’horizon des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, le travail de ce collectif d’acteurs de l’apprentissage de la natation doit participer à « ne laisser aucun enfant sur le bord des bassins » a imagé Stéphane Troussel, le président du Conseil départemental. Il y aurait en effet un paradoxe à ce que près la moitié (46%) des enfants entrant en 6e en Seine-Saint-Denis ne sachent pas nager à l’heure où les meilleurs nageurs du monde investiront en 2024 le nouveau Centre Aquatique Olympique de Saint-Denis. Bref, toutes les idées sont bonnes à prendre. En voici quelques-unes émanant de ceux qui oeuvrent au quotidien autour des bassins du 93.

« Améliorer le savoir-nager doit être un héritage immédiat des Jeux Olympiques »

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Mathieu Hanotin, conseiller départemental, délégué au sport et aux grands événements
« La Seine-Saint-Denis va accueillir en 2024 les meilleurs nageurs du monde, c’est une réalité qui nous oblige à ne pas rester statique, et c’est pour cela que ce collectif départemental « savoir nager en Seine-Saint-Denis » doit être une vraie belle œuvre d’intérêt général. On doit à la fois exploiter ce qu’on sait faire de mieux à l’heure actuelle chacun dans sa « ligne d’eau », son périmètre et puis travailler ensemble à combler les trous dans la raquette qui font qu’en Seine-Saint-Denis on dénombre aujourd’hui moins d’un enfant sur deux sachant nager lorsqu’il arrive en sixième. Il nous faut produire une feuille de route qui va nous emmener jusqu’en 2024 afin que l’amélioration du savoir-nager global en Seine-Saint-Denis soit une des actions phares de l’héritage olympique pour ce département. Il faut montrer que les Jeux olympiques produisent du bien, du plus, tout de suite. Le programme de l’héritage olympique va commencer à être mis en place au début de l’année 2019 par le comité d’organisation, donc on doit d’ores et déjà se mettre en capacité de produire de l’intelligence collective pour s’inscrire dans cette dynamique-là. »

« Revalorisons le métier de maître-nageur ! »

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Bernard Chevalier, responsable de la piscine de Marville à Saint-Denis, ex-maître-nageur :
« Pour changer la donne de l’apprentissage de la natation, il faut d’abord plus de créneaux pour accueillir les clubs et les scolaires. A Marville qui est une piscine interdépartementale, il nous faut aujourd’hui trouver de la place pour les écoliers de Paris, de Pierrefitte, de Stains, de Villetaneuse, de la Courneuve, de Saint-Denis… C’est clair qu’il n’y a pas assez de bassins en Seine-Saint-Denis, chaque nouvelle construction sera une bouffée d’air. Après, il faut aussi qu’on puisse trouver des maîtres nageurs parce que c’est un métier qui se perd. Moi, j’ai débuté en 1985 comme maître-nageur à Saint-Ouen et j’ai vu les candidats à la profession se raréfier. D’abord parce que les mauvaises conditions de travail dans les anciennes piscines pas assez ventilées ont entraîné pas mal de maladies professionnelles et aussi parce que le métier n’est pas assez valorisé : les salaires en entrée de carrière -1300 euros- sont trop bas. On a aussi perdu pas mal de potentiels maîtres-nageurs parce que les nageurs en compétition s’arrêtent de plus en plus jeunes. Avant les « vieux » nageurs se reconvertissaient en maitres-nageurs, ce n’est plus le cas… »

« Plus de temps dans l’eau, c’est la clé »

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Géraldine Cabut, professeur d’EPS au collège Lenain de Tillemont à Montreuil :
« A Montreuil où j’enseigne depuis quatre ans, on a dû mettre en place un accompagnement supplémentaire pour les élèves de 5e parce qu’on n’arrive pas faute de temps à finaliser un apprentissage de la natation pour tous les non-nageurs dont nous nous occupons en sixième. Ils représentent à peu près la moitié des effectifs d’une classe de 20 élèves et au bout du compte, seuls 50 % finiront leur sixième en sachant nager. Les collégiens n’ont clairement pas assez de temps dans l’eau parce que sur une séance de deux heures, on va en passer une à aller à pied à la piscine, se changer. En plus de ça, on doit souvent partager nos lignes d’eau de la piscine des Murs à pêches avec les primaires, donc il y a embouteillage dans le bassin. Là-dessus, il nous faut aussi batailler chaque année avec l’Education nationale et donc notre direction académique, pour obtenir plus de temps consacré à la natation mais aussi suffisamment de profs pour l’encadrement. Le problème, c’est qu’on se retrouve en concurrence avec d’autres disciplines. Au final, tout mis bout à bout, les enfants ne passent pas assez de temps dans l’eau ! Alors, si le collectif peut dégager des solutions pour que les collégiens de Seine-Saint-Denis passent un peu plus de temps dans l’eau d’une manière ou d’une autre, on pourra enfin apprendre à nager à plus de collégiens pendant leur sixième. »

« Mieux accueillir les familles à la piscine »

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Hervé Borie, président de Saint-Denis Union Sports :
"Une des idées pour améliorer l’apprentissage de la natation aujourd’hui, c’est d’ouvrir davantage les pratiques et de mieux correspondre aux attentes des familles. Même si les clubs en ont terminé avec le 100 % compétition qui a pu régner jusque dans les années 90, on doit aujourd’hui faire en sorte que le club soit davantage un lieu de vie et ça peut passer par des éléments très pratiques comme la mise à disposition d’un local où les parents peuvent ranger les poussettes. Tout ce qui peut enlever des freins à l’apprentissage de la natation, du côté des familles, doit aussi être pris en compte. »


« Rendre la natation plus ludique »

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Julie Eissen, présidente du Cercle des Nageurs Noiséens, co-organisatrice des 24 heures de water-polo :
"Ce dont on se rend compte aujourd’hui, notamment dans le cadre du projet de territoire que nous avons monté avec Noisy-le-Sec aux côtés des clubs de water-polo de Saint-Denis et de Livry-Gargan, c’est que les enfants ont du mal à se concentrer très longtemps : c’est une génération zapping. Or la natation et son apprentissage restent quelque chose de très peu ludique, mais si on introduit justement un peu de jeu, on peut changer le cours des choses. Dès qu’on met un ballon en jeu dans l’apprentissage, on obtient des résultats tout à fait intéressants, tout simplement parce que le savoir-nager devient le résultat d’une action ludique. Pour des enfants de 7-8 ans, l’apprentissage avec le jeu de balles peut donc être un axe de travail efficace. »


« S’appuyer sur la technologie pour enseigner la natation »

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Mehdi Rhaiem, ancien nageur, membre de la Ligue d’Ile-de-France de natation, consultant en innovation et performance :
« Un des soucis majeurs de l’apprentissage de la natation, c’est que les techniques d’interaction n’ont pas changé depuis des années. Dans une piscine où le niveau sonore est très haut et peut atteindre 100 décibels, le maître-nageur n’a qu’une solution pour se faire entendre, c’est crier. Et ce n’est pas précisément la meilleure manière d’avancer avec les plus petits. En s’appuyant aujourd’hui sur la technologie de casques de communication aquatique qui fonctionne sur le principe de la conduction osseuse, on peut lever cet accueil et améliorer la communication : le coach ou le maître-nageur n’a plus besoin d’élever la voix et ça change beaucoup de choses : différentes études ont démontré qu’un cours de natation connecté équivaut à trois cours de natation standard. »

Photos : @Franck Rondot

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