De Sciences Po au combat pour l’égalité des chances dans les quartiers…
Quatre étudiant.e.s de Seine-Saint-Denis ont distribué fin juin des ordinateurs achetés via un crowdfunding à des familles clichoises en difficultés dont les enfants sont scolarisé.e.s au collège. Portrait de ces élèves de grandes écoles passionnément engagé.e.s contre la fracture numérique et les inégalités sociales.
Azad Bapir, 29 ans, originaire de Drancy
"Les jeunes des quartiers subissent un ensemble d’inégalités scolaires, économiques, d’accès à l’emploi, au logement… Je voudrais les convaincre que malgré ces difficultés, leur persévérance peut faire tomber les murs.
J’ai eu moi-même un parcours sinueux : orienté en BEP vente après une 4e difficile, j’étais fasciné par les chefs d’entreprise autodidactes que je voyais à la télé. J’ai passé un bac STG puis un BTS Management, complété par un Master Droit des affaires. Conscient de l’importance de l’éducation, j’ai fait un service civique dans une association d’aide aux devoirs et à l’orientation, aidé mon père à monter son restaurant puis j’ai intégré à 27 ans un Master Finances et stratégie à Sciences Po Paris.
J’ai alors découvert l’existence d’un ensemble d’acteurs (financeurs, accompagnateurs…) autour des entrepreneurs que j’ignorais totalement. Cet éco-système existe sur Paris mais très peu en périphérie, ce qui rend le sort des entrepreneurs des quartiers encore plus difficile. J’ai voulu créer des ponts entre la banlieue et Paris en fondant en 2018 l’association French Tess qui aide les jeunes de quartiers à créer leur start-up en lien avec les nouvelles technologies. J’ai lancé un an plus tard avec Ryan, Chaymaa et Abdullah l’opération Tous connectés pour offrir des ordinateurs aux familles non équipées dont les enfants risquent le décrochage. Ils ont géré le projet comme des pros !"
Ryan Abdelhakim, 19 ans, de Clichy-sous-Bois
"En seconde, ma prof d’histoire-géo nous a parlé de Sciences Po Paris, ce qui m’a mis la puce à l’oreille. Deux ans plus tard, j’ai préparé en candidat libre le concours de cette école que j’ai obtenu juste avant de décrocher le baccalauréat mention Très bien.
Mes camarades actuels sont curieux de la vie des banlieusards et m’ont confié avoir abandonné certains clichés en discutant avec moi ou avec la quinzaine d’étudiants de Sciences Po originaires des quartiers, ce qui m’a fait plaisir.
Réussir à l’IEP me paraît être une bonne façon de faire changer les mentalités et de remercier mes parents pour les sacrifices qu’ils ont faits pour moi.
Actuellement en deuxième année, j’ai choisi la majeure Politique et gouvernement car je suis très intéressé par les institutions et leurs actions concrètes, ce qui a quelques liens avec mon engagement sur le terrain. Je fais régulièrement de l’aide aux devoirs et participe à des maraudes pour les SDF et les personnes démunies à Paris.
Lorsqu’Azad a proposé à Chaymaa, Abdullah et moi-même de consacrer notre stage à la lutte contre la fracture numérique, nous avons tout de suite été séduits. Il nous a encadrés pour réaliser une cagnotte en ligne, acheter les ordinateurs, détecter les jeunes qui ont vraiment besoin des équipements... C’est un peu notre grand frère et on lui doit une expérience très utile en gestion de projets."
Chaymaa Amara, 20 ans, de Montreuil
"J’ai entendu parler en première de la Convention d’éducation prioritaire passée entre Sciences Po Paris et le lycée de Montreuil où j’étudiais. J’ai pu bénéficier d’une préparation au concours de deux heures par semaine en terminale et j’ai réussi l’épreuve d’admissibilité sur un thème d’actualité puis l’admission lors d’un entretien.
À Sciences Po, j’ai un peu souffert du fossé entre les étudiants parisiens qui ont toujours baigné dans un environnement culturel ultra-stimulant et ceux de l’autre côté du périph comme nous qui n’avons pas forcément leur bagage. Il nous a fallu fournir deux fois plus d’efforts pour être à la hauteur et ne pas douter de soi.
J’essaie de rendre ce qu’on m’a donné en aidant des jeunes de lycées REP ou REP + à préparer le concours de l’IEP Paris au sein de l’association Ambition Campus et en contribuant à un réseau de tutorat pour les étudiants de première année.
Azad m’a présenté son projet de distribution d’ordinateurs et avec le confinement, cette initiative s’est révélée particulièrement utile pour les familles. Je suis contente d’avoir contribué à cette initiative et je suis maintenant bénévole de cette association comme Ryan, Abdullah et Azad."
Abdullah Cissé Diallo, 22 ans, de Noisy-le-Sec
"J’ai suivi en terminale avec Chaymaa la préparation au concours de Sciences Po Paris mise en place dans le cadre de la Convention d’Éducation Prioritaire et j’ai été retenu à l’issue du concours adapté.
Dans cette grande école, les rapports entre étudiants étaient fluides mais nous avons été confrontés à des remarques acerbes de personnes qui nous faisaient comprendre que notre place n’était pas méritée. J’ai préféré laisser dire et me concentrer sur les études d’autant plus que cette année scolaire n’a pas été facile avec le coronavirus et les cours en ligne.
Sciences Po Paris oblige les élèves à faire un stage au sein d’une association et Chaymaa et moi, nous avons très vite rejoint le projet d’Azad, aussi parce que les besoins des habitants des quartiers nous sont familiers.
Plus globalement, je reste inquiet du décalage entre les équipements informatiques des établissements parisiens et ceux des écoles ou bibliothèques de Seine-Saint-Denis.
La société de demain tournera autour d’internet, dont la connaissance permettra d’accéder à un meilleur statut social. Il est crucial de préparer l’avenir et sensibiliser la population à cette révolution des usages pour ne pas laisser les gens sur la touche."
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