Dans le département, le MMA attire de plus en plus de femmes et d’enfants

Dans le département, le MMA attire de plus en plus de femmes et d’enfants
Nouveaux sports

Légalisé en France depuis bientôt trois ans après avoir été longtemps décrié, aujourd’hui mieux réglementé, le MMA (arts-martiaux mixtes) rassemble de plus en plus d’adeptes, et pas que des mâles adultes. En Seine-Saint-Denis, certains clubs spécialisés proposent des créneaux ouverts exclusivement aux femmes et aux enfants. L’occasion de tordre le cou… à certaines idées reçues. Reportage.

Samedi, 15 heures. Le District Training Zone (DTZ pour les intimes), un club de Montreuil spécialisé dans les sports de combat, se prépare à accueillir le cours de MMA (arts-martiaux mixtes) exclusivement ouvert aux femmes. Réunies au centre de l’octogone, cette fameuse surface de combat entourée d’une cage qui fait tant gloser depuis son apparition aux États-Unis dans les années 1990, les combattantes, une dizaine cet après-midi, enchaînent les mouvements de boxe anglaise, une des composantes du MMA. Direct, crochet, uppercut, chaque coup est savamment disséqué par Ghania, coach dans l’arène, banquière à la ville. Charlotte, une habituée des lieux venue spécialement de Pantin, ne ménage pas ses efforts.

« J’ai débuté le sport tardivement, à 25 ans (elle en a aujourd’hui 34) avec le MMA, sans aucune expérience dans ce domaine, raconte cette attachée de production dans le théâtre. La réputation sulfureuse de ce sport dégoulinant de testostérone et le fait que les compétitions soient interdites à l’époque en France avaient aiguisé ma curiosité. Or, ce n’est pas du free fight, il y a des règles très strictes. »

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Le MMA, qui mélange différents arts martiaux, la boxe pieds-poings, le jiu-jitsu brésilien et des sports dérivés de la lutte (le grappling par exemple), et qui, de ce fait, peut donner l’impression d’être dépourvu de règles, en regorge au contraire. Le règlement contient une liste interminable de coups interdits. De plus, depuis sa légalisation en France en janvier 2020 (autorisant de fait l’organisation de compétitions, la pratique en loisirs existait déjà), cette discipline est encadrée par la Fédération française de boxe (FFB) et son évolution est observée de très près par le ministère des Sports en raison de sa réputation sulfureuse mais aussi de sa popularité grandissante, aussi bien chez les hommes que chez les femmes et les enfants. « Contrairement aux idées reçues, tous les coups ne sont pas permis, explique Ghania, du haut de ses dix années de MMA. C’est un sport de combat, certes, mais l’intégrité physique des combattants n’est pas mise en danger. Si cela avait été le cas, jamais je n’aurais pratiqué. »

« Le meilleur antidépresseur possible »

Dans sa version compétition (en mode loisir, les coups ne sont pas portés), le MMA est spectaculaire, mais pas plus violent que la boxe traditionnelle. La variété des disciplines qu’il regroupe incite les combattants à frapper à différents endroits, ce qui induit des dégâts moins violents sur chaque zone visée. Si les petits gants utilisés peuvent faire apparaître plus facilement des lésions susceptibles de saigner, il est, sur le long terme, en particulier sur le cerveau, moins dangereux que la boxe anglaise. En effet, lors d’un KO en boxe, l’arbitre compte jusqu’à dix pour donner au boxeur la possibilité de revenir se battre. Rien de tel en MMA : le combat est arrêté immédiatement et sans retour possible. Enfin, l’appétence d’un certain nombre de pratiquants pour les combats au sol limite le nombre de coups reçus.

« Comme ce sport est particulièrement scruté depuis ses débuts, il doit faire preuve d’exemplarité. Les protocoles médicaux sont très stricts et les médecins sévères, précise Ghania. Le fait qu’il soit aujourd’hui affilié à la FFB oblige les clubs à faire uniquement appel à des éducateurs diplômés d’Etat. Un avancée importante quand on sait que le MMA est de plus en plus enseigné aux enfants. »

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« Paradoxalement, la multiplicité des disciplines confère quelque chose de rassurant à ce sport, estime Charlotte. Pour se sortir de situations difficiles ou mal engagées, il existe plein de possibilités : si on est dépassé par son adversaire sur la partie pieds-poings, on peut prendre l’ascendant dans le combat au sol, par exemple. Tout comme la danse, que j’ai pratiquée enfant, le MMA est esthétique et chorégraphique. »

Le DTZ, un des rares clubs de Seine-Saint-Denis à disposer d’un octogone, a déjà attiré une quinzaine de filles depuis que la section féminine a vu le jour en septembre dernier. Âges, niveaux, classes sociales : les profils sont aussi divers que le MMA et toute sa palette de sports de combat. « Un des points forts de cette discipline est qu’elle repose sur des techniques très différentes, note Yasmine, lycéenne montreuilloise de 16 ans. On peut exploiter toutes nos capacités face à toutes sortes de combattants. Résultat, on ne s’ennuie jamais. » Morgane, 50 ans, chef d’entreprise dans le secteur de la finance, abonde dans le même sens. « Les sports de haute intensité comme celui-ci permettent d’évacuer les énergies négatives qu’on peut emmagasiner dans la vie de tous les jours ou de faire face à la pression qu’on rencontre au travail. Pour moi le MMA est le meilleur antidépresseur possible. »

« Moins blessée au MMA qu’à la course à pied »

A Bondy, Mohamed Lamraoui, préparateur physique passé maître dans l’art du sport santé, a créé à la rentrée le Kiwi Wod, un club de grappling et de jiu-jitsu brésilien, disciplines de combats au sol qui constituent l’antichambre du MMA, composé au deux tiers d’enfants et d’adolescents. Comme Yasmine, 17 ans. « Mon objectif à terme est de faire du MMA parce que ce sport est complet et technique. Je m’entraîne souvent avec des garçons et même si je plus légère, moins imposante, cela ne m’empêche pas de prendre le dessus sur eux car au sol, tout le monde a ses chances. » La jeune Bondynoise avoue aussi, par ailleurs, avoir été séduite par le côté self-défense. « Le MMA nous met dans des situations réalistes par rapport à un agresseur dans les techniques de prise, les coups… Il aide les femmes à prendre confiance en elles de ce point de vue-là et à avoir moins peur dans la rue le soir ».

Le Mata Leão, un club de Drancy qui a vu le jour il y a neuf ans, propose pour la deuxième année consécutive deux créneaux de MMA « Kids » (5-11 ans et 12-15 ans) les lundi soir et mercredi après-midi au complexe sportif Roger Petieu. « Nous avons mis en place cette section car la demande des parents et des enfants était très forte. A la rentrée, nous avons été obligés de refuser du monde », constate Gilles-Habib, éducateur au club. Après sept ans de football, Salim, 14 ans, a décidé de délaisser le ballon rond au profit du MMA. « Je me sens plus à l’aise sur le tatami que sur un terrain de foot alors que je débute, affirme le jeune homme originaire de Dugny. Ici, la notion de respect est profonde, on est dans l’univers des arts martiaux. » « Avant de découvrir ce sport, j’avais beaucoup de préjugés car son image n’était pas bonne, confie Souhila, qui enseigne le MMA aux enfants au Mata Leão. Mais j’avais envie de pratiquer un sport de combat, alors j’ai essayé et tout de suite accroché. Premier constat : je me blesse bien plus souvent en faisant de la course à pied qu’au MMA. »

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Dans le milieu, la réputation de la Atch Academy n’est plus à faire. Fondé en 2003 par Stéphane « Atch » Chaufourier à Aubervilliers, enfant de la ville et pionnier français en matière de MMA, le club a depuis essaimé à Pantin et à Bobigny. Pourvoyeuse de nombreux talents, la Atch Academy accueille depuis une dizaine d’années des enfants de 4 à 15 ans. « Sur nos quelque 2000 adhérents, environ 800 sont des enfants, relate Atch. Aux plus jeunes d’entre eux, on propose des exercices autour de la motricité, des déplacements ludiques, car l’objectif, c’est qu’ils s’amusent. » Arrivé au club à 11 ans, Salahdine Parnasse est un pur produit de la formation Atch Academy. Surnommé le « Kylian M’Bappé du MMA français », le combattant d’Aubervilliers a été sacré en novembre dernier champion des légers (après l’avoir été en poids plume) dans le KSW, une organisation polonaise très influente en Europe. « Salahdine est une de nos grandes fiertés, on espère que d’ici peu d’autres jeunes du club marcheront sur ses pas », prophétise Atch.

Photos : ©Franck Rondot

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