Seine Saint-Denis
Coronavirus

Coronavirus et confinement : comment les plus jeunes traversent cette situation inédite ?

Depuis la fermeture des écoles et la mise en quarantaine, la vie des enfants est complètement chamboulée. Comment les parents et leurs progénitures réagissent-ils face à cette situation inédite ? Comment organisent-ils leurs journées pour éviter de tomber dans l’ennui ou se mettre à angoisser ? Des habitant.e.s du département témoignent.

« Dans notre résidence, nous avons la chance d’avoir une cour intérieure. Avec les voisins de l’immeuble, nous avons créé un groupe WhatsApp pour que les familles y aillent à tour de rôle. Quand vient notre tour, c’est certainement le meilleur moment de la journée », raconte Zoé, habitante du Pré Saint-Gervais et maman de Maya, 10 ans et demi. « Heureusement, à la maison, ma fille est autonome parce que je dois aussi m’occuper de Zach, mon fils de 21 mois », poursuit cette auxiliaire de puériculture en PMI enceinte de 8 mois. Lors des derniers jours de classe, Maya a entendu de nombreuses rumeurs toutes plus ridicules et racistes les unes que les autres. « A l’école, des enfants disaient qu’il ne fallait surtout pas manger de nourriture chinoise, ni approcher des Asiatiques sinon on pouvait attraper le coronavirus », relate la fillette, qui avoue par ailleurs craindre pour la santé de ses grands-parents avec qui elle parle fréquemment au téléphone. « Je demande à mon papy de ne pas oublier de se laver les mains et à ma mamie de tousser dans son coude », confie Maya qui, à force de s’enduire les mains de savon, commence à avoir des irritations.

Plus que le confinement, ce qui tracasse actuellement Mathieu, qui réside à Villemomble et qui est professeur des écoles à Noisy-le-Sec, ce sont les fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux ainsi que les nombreuses hypothèses qui rendent la situation encore plus anxiogène. « Ma fille Maëlia a 8 ans et comprend à peu près tout ce qui se dit, explique le père de famille. Avec mon épouse, nous filtrons les informations et mettons l’accent sur les règles de base à respecter. Nous insistons beaucoup sur l’hygiène et rappelons que tout ce que nous traversons est temporaire. » Dans l’école où il enseigne, le message a été plus difficile à faire passer, les fake news se répandant comme une trainée de poudre et ayant parfois la vie dure. « Mes élèves de CE1 m’ont demandé un jour si j’étais chinois car cela pouvait représenter, selon eux, un danger, révèle l’instit. Une autre fois, un enfant qui ne se sentait pas très bien s’est mis à paniquer car il était persuadé d’avoir contracté le coronavirus. »

Ecole à la maison

« La vie à quatre n’est pas simple en temps normal, mais là, on est face à notre plus grand défi  », affirme Thierry qui, avec Jessy sa compagne et ses deux enfants, Lou et Chane, habitent dans un deux pièces de 36 m2 à Montreuil. « Heureusement, nous avons un balcon de 10 m2 et un jardin adossé à notre immeuble où les enfants peuvent faire de la balançoire et des jeux de plein air. » Quand arrive la fin de journée, place à « l’apéro palier » où chaque voisin trinque depuis sa porte d’entrée. « Pour le moment, les enfants comprennent que le manège et les goûters chez les copains, ce n’est pas possible, soupire ce régisseur actuellement au chômage technique. Pour ritualiser les journées, nous avons mis en place un planning. Le matin, les enfants commencent par jouer puis on leur lit des histoires plus longues que d’habitude. Avant de passer au déjeuner, Lou, qui est en CP, fait ses devoirs. Quand elle a fini, nous envoyons des photos de son cahier à sa maîtresse, qui nous fait un retour par mail. C’est en créant cette routine et en mettant en place des activités bien définies que les enfants traverseront le mieux cette période. »

Depuis qu’ils vivent confinés dans leur appartement de Pantin, Anaïs et Mathieu passent beaucoup de temps à rassurer leurs filles, Louise, 7 ans, et Alice, 4 ans. « A l’école, elles ont été témoins de scènes choquantes. Un jour, après la classe, des parents ont reproché devant tout le monde à leur enfant d’avoir joué avec un élève asiatique, jure Anaïs. Nous avons donc désamorcé leurs inquiétudes les unes après les autres, balayé les idées reçues et leur avons rappelé que nous étions là pour les protéger. » Pour cette maman, plutôt que d’être de simples victimes, les enfants peuvent au contraire être acteurs de ce combat, en rappelant aux adultes les gestes barrières. Dernièrement, histoire de désacraliser l’épidémie de Covid-19 et prouver que ce phénomène pouvait s’inviter parmi les activités ludiques des plus jeunes, Louise a fait un grand dessin qui rappelle l’importance de se laver régulièrement les mains durant 30 secondes.

Ados responsables

« J’ai de la chance que mon anniversaire soit déjà passé. » Telle fut la première réaction de Paul, 6 ans, quand il a appris qu’il ne verrait pas ses copains et copines ces prochaines semaines. « Il m’a demandé ce que voulait dire une ‘’épidémie’’ », commente Gwennaëlle, sa maman, qui habite aux Lilas et qui reconnaît être « un peu déconcertée par les temps qui courent. » « Chaque jour apporte son lot de mauvaises nouvelles avec, comme annoncé, une liste des morts qui s’allonge. Pas évident de faire comme si de rien n’était. Pour nous vider la tête et parce que c’est vital, à la maison nous alternons animations et devoirs d’école. Mon fils m’en réclame beaucoup, je sens qu’il ne veut pas changer ses habitudes. » De temps en temps, « tant bien que mal », Gwennaëlle s’isole aussi pour travailler.

Depuis l’officialisation de la mise en quarantaine, Jean-Baptiste, montreuillois et père de trois garçons - Siméon, 18 ans, Achille et Jean, 15 ans – s’est mis en télétravail. Pour que ses enfants « ne s’abrutissent pas dans les jeux vidéo », il s’est approprié l’écran qui sert habituellement à la Play Station. « C’est la seule chose que je craignais, admet-il. Pour le reste, ils sont super disciplinés : ils ne sortent pas voir leurs amis, respectent les préconisations et étudient environ deux heures par jour sur des logiciels qui bugguent beaucoup. D’habitude, ils contestent sans arrêt notre autorité, là, ils sont irréprochables. A situation exceptionnelle, comportement exceptionnel ! »