Chez les étudiants aussi, la « corde se tend »
Depuis le reconfinement, le Secours populaire de Seine-Saint-Denis a repris ses distributions alimentaires à destination des étudiants de Paris 8 et Paris 13. Selon les responsables de l’association, les sollicitations de ces derniers auraient doublé, voire triplé depuis le premier confinement en mars, avec l’arrêt des petits boulots. Nous avons assisté lundi 9 novembre à une distribution alimentaire à destination des étudiants du campus de Villetaneuse.
Devant l’antenne locale du Secours populaire de Villetaneuse, de jeunes visages affluent. Manel, 21 ans, a eu l’info de la distribution alimentaire organisée ce soir-là par les réseaux sociaux. Doha, Zineb et Otman, tous les trois en colocation, sont venus en bus, équipés de leurs cabas, depuis Deuil-la-Barre, à 5 km de là. D’ordinaire, tous ces étudiants font le chemin pour se rendre à leur campus de Paris 13-Villetaneuse. Mais voilà, depuis le 30 octobre, il est à nouveau fermé pour cause de reconfinement, et c’est le « distanciel » qui règne.
Pendant qu’ils font patiemment la queue, tous disent plus ou moins la même chose : le désarroi après la perte de leurs jobs étudiants, l’inquiétude du lendemain, la difficulté de se concentrer dans ces conditions sur leurs cours, voire l’impossibilité matérielle d’y assister quand l’ordinateur ou la connexion internet font défaut.
« Moralement, c’est dur. Jusqu’en mars, j’étais assistante dans un cabinet d’avocats, mais j’ai perdu ce boulot avec le premier confinement. Depuis, je recherche un job, mais franchement c’est le désert. En plus, normalement, je suis boursière, mais comme j’ai changé de Master début septembre, ma bourse a été suspendue et le Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) ne répond pas, malgré mes multiples relances », expose Manel, étudiante à Paris 13-Villetaneuse en Master 1 de droit.
« La situation n’est vraiment pas facile. Le premier confinement nous a déjà fait mal, et là c’est une nouvelle période d’incertitude qui s’ouvre, renchérissent Laura et Andrès, deux Colombiens inscrits en Master 2 de coopération internationale pour elle, d’économie pour lui. En plus, en tant qu’étudiants étrangers, on n’a pas de bourses, ni de logement au Crous. On ne peut pas non plus compter sur le soutien de nos familles car l’envoi d’argent est devenu extrêmement cher. »
En octobre, le gouvernement a certes annoncé une nouvelle attribution de 150 euros aux étudiants boursiers et aux bénéficiaires des APL en décembre, mais « ça ne pèse pas lourd », comme le fait remarquer une étudiante présente sur place.
80 colis alimentaires
Dans cette situation, les colis alimentaires composés d’ingrédients de première nécessité – semoule, boîtes de thon et sardines, petites salades, lait, café et quelques patates, pommes et carottes venues de Rungis - c’est toujours ça de pris. Au total, ce sont 80 colis alimentaires et autant de kits hygiène (shampoing, savon, dentifrice, plus deux masques par personne) qui seront répartis ce soir-là par les bénévoles du Secours populaire et de l’association Bob’Uni, une association étudiante de Paris 13, à l’origine de l’opération.
« Les étudiants sont particulièrement frappés par la crise sanitaire. Avec la fin des petits boulots liée au confinement – baby-sitting, soutien scolaire, restauration rapide – beaucoup se sont retrouvés sans ressources. Et là, ça recommence. Avant le coronavirus, j’avais environ 50 demandes d’étudiants par mois. Là, ça a doublé, voire triplé », souligne Kab Niang, responsable au Secours populaire, association soutenue entre autres par le Département de Seine-Saint-Denis.
« La corde est en train de se tendre, clairement, abonde Alexia Guidicelli, présidente de l’association Bob’Uni, qui remettra ça dès lundi prochain au comité du Secours Populaire de Bobigny cette fois. Lancée en juin avec comme objectif de départ d’organiser des maraudes pour les SDF, l’association, composée de quelque 70 bénévoles dont une bonne part d’étudiants en médecine, a vite compris qu’elle devait élargir son champ d’action. « On s’est mis en contact avec le Secours populaire pour les distributions alimentaires et, au-delà de ça, on essaie aussi de faire le point sur les besoins des jeunes qui nous sollicitent. Les étudiants étrangers sont particulièrement en difficulté car, à l’inverse de certains étudiants français, ils n’ont pas pu rentrer chez leurs parents. On essaie de les renvoyer vers un pôle au sein de la fac qui peut les aider sur l’ouverture de leurs droits santé ou la prolongation de titres de séjour. Mais il n’y a qu’une assistante sociale pour les 2 campus et on estime que 120 étudiants en ont besoin... »
Mobilisée, Bob’Uni essaie aussi, avec le Secours populaire, de combattre la fracture numérique, un autre problème à l’heure où les cours s’effectuent à nouveau en « tout distanciel » Depuis octobre, le Secours populaire a ainsi acheté et distribué 95 ordinateurs, en partie avec l’aide de la Fondation Seligmann. « A chaque fois, nous passons par les profs des étudiants pour savoir lesquels ont besoin d’être équipés en priorité », précise Kab Niang.
Leur sac réceptionné, les étudiants tournent lentement les talons. Juste avant qu’ils ne regagnent leur logement, à pied ou en bus, certains bénévoles en profitent pour discuter, repérer un début de détresse psychologique, alléger un peu les cœurs. Dans la nuit désormais tombée devant le Comité local de Villetaneuse, un membre de Bob’Uni se rapproche ainsi d’un jeune homme, étudiant en maths, paniqué à l’idée de se voir bientôt sans aucune ressource, avec une famille très éloignée. Une oreille se tend, ce n’est pas grand-chose, mais c’est déjà quelque chose.
Christophe Lehousse
Photos : ©Bruno Lévy
– Au comité de Villetaneuse, 1 rue Auguste Blanqui- lundi 23 novembre à 16h puis tous les 15 jours
– Au comité de Bobigny, 2 avenue Paul Eluard rez de dalle - lundi 16 novembre à 16h puis tous les 15 jours
Merci de remplir au préalable un formulaire sur la page FB de l’association Bob’Uni
– A Paris 8 Saint-Denis, vendredi 13 novembre à 11h
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