Chau-Cuong Lê : photographier le 93 avec poésie

Le lauréat du concours photos Territoire(s) 3 se décrit volontiers comme quelqu’un de calme et réservé. Un état d’esprit qu’il insuffle à son travail photographique et qui lui a valu d’être remarqué par le jury du troisième concours photo lancé par la marque In Seine-Saint-Denis. Ses images comme en suspens disent l’attente, le doute, la remise en question, la fragilité. Il souhaite donner à voir la beauté du 93, révéler la poésie du quotidien, la vie des gens qui nous entourent.

Pourquoi vous intéresser à la Seine-Saint-Denis ?
Il y a quelques années, j’avais initié un travail à Bobigny avec la médiathèque et la mission locale d’insertion. J’y avais animé des ateliers photo sur le portrait avec l’écrivain Sylvain Pattieu. Cette expérience m’avait plu et je trouvais que c’était l’occasion de réinvestir le territoire du 93 pour le documenter.

Vous souhaitez documenter le réel ou lui rendre sa poésie ?
Je veux documenter le réel, en y apportant mon ressenti, un regard personnel en essayant de leur donner du sens, pour qu’un dialogue puisse se passer entre les images et les personnes qui les regardent. Se confronter à ces photos nous force à nous interroger, à nous identifier ou pas du tout. Je suis quelqu’un de plutôt calme et réservé. Je pense que mes photos reflètent ce côté-là aussi.

Quelle est votre formation ?
J’ai commencé la photo dans une école de photojournalisme et ensuite je me suis dirigé vers la photo en studio. Mon travail c’est un peu un mélange de ces deux mondes. C’est vrai que je suis moins dans l’urgence et plus dans la longueur. Ce ne sera pas un reportage mais une série photographique.

Comment comptez-vous vous y prendre ?
Depuis quelques temps, je mélange des portraits avec des vues d’ensemble, des détails, pour essayer de faire des mosaïques. Cela permet d’avoir une sorte d’immersion un peu plus intense au niveau photographique.

Qu’allez-vous photographier ?
J’ai l’impression qu’on a une image plutôt urbaine de la Seine-Saint-Denis, des cités, d’une ville… comme c’est un territoire assez vaste j’aimerai montrer un autre côté de ce département. Peut-être à la périphérie, peut-être plus rural, comment l’espace y est organisé, comment il peut faire écho à la vie des gens et à leur manière de vivre au quotidien. J’aimerai aller à la rencontre des gens, parler avec eux. Ce sont des notes d’intention que j’ai proposé pour le concours, maintenant il va falloir revoir sur le terrain comment ça peut se mettre en place.

Pourquoi photographiez-vous souvent les ados où que vous alliez ?
Photographier les adolescents, la jeunesse m’intéresse car cela me permet d’illustrer des thématiques qui me sont proches comme l’attente, le doute, la remise en question, la fragilité, tout ce qui peut se passer dans nos vies. Ce sont des sentiments qui m’animent encore, qui sont encore assez présents au quotidien. Il y a une sorte d’écho entre eux et moi. Écrire leur histoire c’est un peu écrire la mienne.

Allez vous vous intéresser à la jeunesse de ce département ?

Mon but c’est de parler d’eux, de leur environnement et d’eux. J’espère que ces personnes se laisseront photographier. Ce qui est intéressant dans ce concours c’est que je vais avoir une aide au travers d’un mentorat de plusieurs institutions et acteurs du métier. Je vais ainsi me rapprocher d’associations sur place. Des contacts qui en amènent d’autres. Je laisserai aussi faire le hasard pour rencontrer ces personnes à photographier. Je verrai sur le moment. Tout est incertain encore. Je fonctionne un peu comme ça, au feeling.

Habitez-vous en Seine-Saint-Denis ?
Non, mais j’ai vécu dans des cités dans le 94. J’ai ensuite été élevé plus tard dans des zones pavillonnaires. Je connais les deux. J’ai travaillé en revanche quelques années dans le 93. Je faisais partie d’un collectif de photographes dont les locaux étaient basés à Montreuil, rue des deux-communes. On avait repris ceux du collectif Tendance Flou.

Où allez-vous trouver la poésie de la Seine-Saint-Denis ?
J’essayerai de la trouver dans un quotidien. On est un peu happé par notre quotidien, par notre travail, les difficultés. On peut oublier effectivement de regarder la beauté qui nous entoure, que ce soit dans des endroits délabrés ou des lieux de vie un peu difficiles. Je vais essayer de trouver cette poésie-là, essayer de la révéler. J’ai pu montrer lors d’atelier avec des jeunes collégiens, lycéens, qu’à l’endroit où ils vivent, il y a aussi de la beauté parfois et qu’il faut juste essayer de la regarder et de s’y intéresser.

Son exposition est prévue en décembre à la MC93.

Dans l'actualité