Cameron Woki, Bobi boy
Samedi 19 mars, il est allé cueillir le Grand Chelem dans le Tournoi des 6 nations avec le XV de France, 12 ans après le précédent. Formé à l’AC Bobigny rugby 93, le gamin de la cité de l’Abreuvoir a bien grandi. A 23 ans, Cameron Woki peut continuer d’écrire l’histoire avec dans un an une Coupe du monde qu’il espère jouer à domicile, à Saint-Denis. Nous l’avions interviewé avant son exploit.
Si on vous avait dit que vous alliez battre les Blacks à 23 ans au Stade de France…
Forcément, ça reste un match assez particulier. Les Blacks sont considérés comme la meilleure équipe du monde et les jouer à 23 ans, c’est quelque chose d’énorme. C’a été une super expérience pour tout le monde : on en sort grandis.
Quels sont vos objectifs sur ce Tournoi des 6 Nations ? Un Tournoi où vous aviez vécu votre première sélection il y a deux ans…
Les objectifs, ils sont forcément élevés : on y va pour gagner ! Sur ma première sélection, oui, c’était un France-Angleterre, où je rentre en cours de match (victoire 24-17, ndlr). J’ai ressenti énormément de fierté, un peu d’appréhension aussi. Mais surtout beaucoup d’émotion parce que j’avais ma famille au Stade de France.
Vous êtes repassé en septembre dernier à l’AC Bobigny, le club de vos débuts. Quels souvenirs en gardez-vous ?
C’est un club familial, qui m’a tout de suite accueilli. Je ne connaissais pas grand-chose aux règles du rugby à l’époque. A 8 ans, j’avais juste suivi mon grand frère Marvin. Mon premier entraîneur, c’a été Gabriel Lignières. J’ai pas mal grandi dans ce club…
Vous êtes très proche de votre frère, qui est aussi rugbyman professionnel (à Rouen). Vous debriefez entre vous ?
Oui. Lui joue le vendredi et moi le samedi ou le dimanche, donc ça nous permet de regarder nos matches respectifs. On s’envoie toujours un message de soutien avant le match et un petit debrief après. C’est une chance, cette relation entre frères : elle n’a jamais varié depuis notre naissance.
Cameron Woki en 2012, sous le maillot des minimes de Bobigny
Une autre personne a compté dans votre parcours, c’est Yacouba Camara, passé comme vous à l’AC Bobigny puis Massy et 3e ligne comme vous…
Oui, quand j’ai commencé, on m’a mis 3e ligne et quand j’allais voir jouer les grands, je ne voyais que lui. Je l’ai suivi et j’étais admiratif de tout son parcours : Bobigny, Massy, le Stade Toulousain, l’équipe de France… Et est arrivé le jour où je l’ai affronté, assez récemment d’ailleurs : c’était un Bordeaux-Montpellier. C’était assez spécial, forcément…
La Seine-Saint-Denis, ça représente quoi pour vous ?
C’est mon enfance. C’est là que j’ai grandi, là où j’ai appris mes valeurs. Aujourd’hui je suis fier d’être issu de quartiers : j’ai grandi à l’Abreuvoir, ce n’était pas tout rose, mais le fait d’y avoir vécu pendant 10 ans, ça m’a forgé. C’est pour ça aussi que les clichés à l’égard de la Seine-Saint-Denis, oui, c’est agaçant car tout le monde juge les cités sans les connaître.
L’Abreuvoir, c’est aussi là qu’a grandi Jean-Marc Mormeck. Pourquoi tant de sportifs de premier plan sont-ils issus des quartiers selon vous ?
Parce qu’en grandissant dans les quartiers, on a cette envie de réussite, cette rage de vaincre. On se rend vite compte qu’on est dans des situations où on n’a pas toujours les mêmes facilités, les mêmes avantages donc on on fait tout pour s’en sortir. Quand on réussit, on sait qu’on a vraiment travaillé pour avoir ce qu’on a.
Chose pas si fréquente pour un rugbyman, vous êtes aussi un grand fan de foot et du PSG…
Oui, depuis tout petit. Je les suis, notamment en Ligue des champions. Je suis fan de l’équipe en général, de Mbappé aussi. C’est un grand joueur, il est de la même génération que moi. Je suis forcément admiratif devant un joueur aussi brillant et qui est issu d’un quartier populaire, comme moi.
Et votre Coupe du Monde à vous, celle de 2023 en France, vous y pensez déjà ?
Pour être honnête, pas trop, car il y a d’autres échéances avant : en club, je veux absolument aller chercher le premier titre de champion de France de l’histoire de l’UBB, et en bleu, il y a le Tournoi... Mais oui, une Coupe du monde à la maison, devant la famille, ça fait forcément rêver.
Propos recueillis par Christophe Lehousse
Photos : ©Inigo brothers / FFR
et ©AC Bobigny rugby 93
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