Briser le silence des violences sexuelles aux enfants

Briser le silence des violences sexuelles aux enfants
Santé & Prévention

Il y a le silence imposé à la victime par son agresseur, celui généré par la pression sociale. Il y a le silence du psycho-trauma qui emmure la victime et celui de la justice qui condamne si peu. Et ce 9 mars, il y a le silence que vient de briser le Département avec une étude coup de poing inédite en France.

Il a fallu une année pour mener à bien cette étude. Une année pour montrer l’ampleur et la gravité de ces violences où l’inceste est omniprésent. Des violences qui démarrent très jeunes dans la vie des enfants : à 6 ans pour les garçons et à 10 pour les filles, les plus nombreuses et durent près de quatre années. En dressant le portrait-robot des enfants victimes de violences sexuelles et de leurs agresseurs, cette étude poursuit deux objectifs : un meilleur repérage et une meilleure prise en charge des enfants victimes.

Des enfants victimes à l’ASE…

En partant de l’examen de 100 dossiers provenant de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), le Département de la Seine-Saint-Denis a, pour la première fois en France, brisé le silence sur les violences sexuelles qui peuvent continuer, pendant le placement des enfants, que ce soit au domicile des parents, pendant les droits de visite, ou au sein même des foyers de l’ASE.


Edouard Durand, co-président de la CIIVISE (commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants) et ancien juge au tribunal pour enfants de Bobigny, salue la volonté et le courage de le dire, pour stopper la répétition des violences.


Le Département veut faire de cet enjeu une priorité. Il s’appuiera sur ces données pour présenter son prochain schéma départemental de protection de l’enfance, en octobre prochain.

JPEG - 27.8 Mo

Murée dans le silence

L’écrivaine Adelaïde Bon a passé une grande partie de sa vie à souffrir, seule, sans rien laisser paraître, sans rien dire, comme anesthésiée, jusqu’à l’écriture de son livre « La petite fille sur la banquise » publié chez Grasset. Elle y raconte son viol à 9 ans par un monsieur alors qu’elle rentre seule de la fête de l’école. Accompagnée par la violoncelliste Daphné Hacquard, Adélaïde en lit des extraits. La salle retient son souffle. Guérie de son psycho-trauma par la psychiatre Muriel Salmona, elle rappelle le chiffre noir des victimes de violences sexuelles en France : « On estime à quatre-vingt-dix pour cent le nombre de victimes de viols qui ne portent pas plainte et ce chiffre est encore plus important pour les enfants  ».

JPEG - 24.1 Mo

Le silence de la justice

Dans l’étude présentée ce 9 mars, par l’Observatoire départemental des violences faites aux femmes (ODVF), la lenteur de la procédure pénale s’avère être une nouvelle violence faite à l’enfant victime. Après trois ans de procédure, dans la majorité des cas, l’enquête de police est encore en cours. L’enfant a révélé les violences sexuelles pourtant il se trouve confronté non seulement au silence de l’institution judiciaire mais à la quasi-absence de condamnation pénale des violeurs. Sur les 46 poursuites pénales, 27 classements sans suite, 8 non-lieux, et 3 relaxes ou acquittement devant la juridiction de jugement. Si on ne devait retenir qu’un chiffre ce serait peut-être celui-là : 82% des enfants ne sont pas reconnu.e.s par la justice comme victimes des violences sexuelles qu’ils.elles ont révélées.
A ce silence obtus, l’ODVF et la CIIVISE opposent le questionnement systématique pour pouvoir entendre les victimes et les soigner de manière adaptée.

Les chiffres clés de l’étude :
Parmi les 100 dossiers sélectionnés par l’ASE d’enfants victimes de violences sexuelles :
● 72 enfants ont été victimes d’inceste ;
● 94 enfants ont été victimes d’au moins une personne qu’elles ou ils connaissaient ;
● 29 enfants ont été victimes dans le foyer où elles ou ils étaient placé·es ;
Sur les 46 procédures pénales terminées, seulement 9 agresseurs ont été condamnés. 7 d’entre eux sont des pères. Sur ces 7 situations, il y a eu 1 enfant né des viols incestueux et 3 IVG.

Ecrire pour revenir à la vie

« J’ai neuf ans. Un dimanche de mai, je rentre seule de la fête de l’école, un monsieur me suit. Un jour blanc. Après, la confusion. Année après année, avancer dans la nuit. Quand on n’a pas les mots, on se tait, on s’enferme, on s’éteint, alors les mots je les ai cherchés. Longtemps. Et de mots en mots, je me suis mise à écrire. Je suis partie du dimanche de mai et j’ai traversé mon passé, j’ai confronté les faits, et phrase après phrase, j’ai épuisé la violence à force de la nommer, de la délimiter, de la donner à voir et à comprendre. Page après page, je suis revenue à la vie ».
Adelaïde Bon, écrivaine, « La petite fille sur la banquise » édité par Grasset.

La synthèse de l’étude de la page 6 à la page 12
https://seinesaintdenis.fr/21e-Rencontre-de-l-Observatoire-des-violences-envers-les-femmes

Lien vers l’article sur le questionnement systématique

Découvrez le livret de Claude Ponti :

Lien vers les associations d’aide aux victimes

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *