Théâtre Boxe

Boxeuse inside

Jusqu’au 30 janvier, Corine Miret et la Revue Eclair proposent « Mercredi dernier », une pièce sur les femmes pratiquant les sports de combat en Seine-Saint-Denis. Ce one-woman show, joué chez l’habitant, s’inscrit dans le cadre des pièces à domicile du Théâtre de la Poudrerie de Sevran.

« Quand je dis que je vais boxer, tout de suite, les gens veulent savoir. Ils se disent : « y a pas de femmes qui font ça, c’est trop violent ». Moi maintenant, je leur réponds : si les hommes s’entraînent à se battre, pourquoi pas les femmes ? »

Voilà deux ans que Sirine a commencé le kick-boxing au club Esprit Libre de Blanc-Mesnil et la jeune femme de 29 ans semble y avoir trouvé un havre de paix. C’est là que l’a rencontrée Corine Miret, auteure de « Mercredi dernier », un monologue sur les femmes pratiquant un sport de combat en Seine-Saint-Denis et qui fait une large place au témoignage de Sirine.
Les yeux dans les yeux avec les spectateurs - presque à distance d’allonge sur un ring - Corine Miret restitue donc dans son spectacle cette expérience qui l’a menée à fréquenter pendant un an le club Esprit Libre au Blanc-Mesnil, mais aussi le CDK, club de jiu-jitsu brésilien à Sevran.

Pourquoi les sports de combat ? « Avec Stéphane Olry, le fondateur de La Revue Eclair avec qui je travaille, nous voulions notamment poser la question de ce qui est violent. Ce qui nous a logiquement guidés vers les sports de combat. Et on s’est vite rendu compte que ce qui est violent, ce ne sont pas les sports de combat mais la vie, ses inégalités sociales, ses injustices », répond du tac au tac Corine Miret.

Après une première création réalisée en 2016-2017 avec le club de lutte de Bagnolet, la résidence de création de la Revue Eclair, soutenue par le Conseil départemental, se poursuit donc cette année avec ce one-woman show, conçu en partenariat avec le Théâtre de la Poudrerie.
Très engagée socialement, cette structure, qui existe depuis 2012, s’est fait une spécialité du théâtre à domicile, un dispositif qu’elle considère comme idéal pour créer du lien social et faire venir au théâtre des personnes qui n’en ont pas l’habitude.

Et en ce dimanche après-midi, c’est Lydie Bonafoux qui reçoit chez elle à Tremblay. « C’est un excellent moyen pour faire se rencontrer des milieux qui n’étaient pas forcément prévus pour se croiser. Et en plus, c’est gratuit ! », souligne cette institutrice, qui en est à sa deuxième pièce à domicile. Corine Miret elle aussi est conquise : « C’est la première fois que je joue ainsi chez les gens. Par le passé, j’avais déjà joué dans des théâtres où on est très proche des gens. C’est intéressant je trouve, parce qu’on peut proposer des choses plus subtiles, on peut faire passer des sentiments par une simple expression de visage », estime cette ancienne danseuse baroque, qui a notamment travaillé avec les chorégraphes Christian Bourigault et François Raffinot.

Rythmé et obsédant avec ses passages psalmodiés, son spectacle est axé sur la « transformation de soi ». Celle que peut éventuellement permettre la pratique d’un sport- en l’occurrence la boxe. Ainsi, Sirine renoue avec celle qu’elle était à l’âge de 19 ans à la faveur d’un entraînement réussi, qui l’amène à dépasser ses limites. Et dans une forme de mise en abîme, Corine Miret elle-même renvoie à sa propre expérience de danseuse, victime d’une rupture du ligament croisé du genou, ce qui l’a obligée à se réinventer.

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Mais au-delà de cette sculpture de soi que Corine Miret croit discerner derrière la boxe, la pièce est aussi intéressante parce qu’elle contribue à battre en brèche les clichés liés au genre. « En recueillant ces témoignages de femmes, cela m’a confortée dans l’idée que la place des femmes dans le sport a toujours été un combat. Pierre de Coubertin (le créateur des JO modernes, ndlr) par exemple, ne supportait pas l’idée qu’il y ait des femmes aux Jeux. Alors bien sûr, les choses évoluent, mais lentement. Pour preuve : la boxe et la lutte féminine ne sont ainsi devenues olympiques qu’en 2012. » explique-t-elle. Et de citer le nom, incontournable en Seine-Saint-Denis, de Sarah Ourahmoune, vice-championne olympique de boxe anglaise à Rio en 2016 et formée au Boxing Beats d’Aubervilliers. Un club sur lequel se penchera d’ailleurs la Revue Eclair pour sa troisième pièce, davantage centrée sur la formation des jeunes boxeurs.

Dans l’assistance en tout cas, on a aimé « Mercredi dernier ». Car la forme du théâtre à domicile « à la Sevranaise » comporte aussi cela de spécial que la pièce est toujours suivie d’un petit débat. « La boxe féminine, c’est à soutenir parce que cela fait reculer les stéréotypes de genre. En tant que femme, on se met des barrières là où il ne devrait pas y en avoir, et le pire, c’est que ce sont parfois nos propres mères qui nous transmettent ça », juge Lydie Bonafoux, l’hôte de lieux. « C’était bien construit, original. Ça tient en haleine », estime de son côté Aïcha, habitante de Sevran. Assise à ses côtés, Soraya, sa fille de 14 ans, a elle aussi apprécié, et pour cause : elle souhaite depuis un moment commencer la boxe française à Tremblay, mais est pour l’instant réfrénée dans ses ardeurs par sa mère, préoccupée pour l’intégrité physique de sa petite. « Après cette pièce, je pense qu’on va quand même faire un tour à Esprit Libre pour voir comment les choses s’y passent. Cela a l’air d’être un bon club », concède la maman pendant que Soraya sourit. Le théâtre à domicile, c’est aussi direct qu’un uppercut.

Christophe Lehousse
Photos : @Stéphane Olry

Pour assister ou accueillir chez vous une représentation de "Mercredi dernier" (sur le périmètre de l’Etablissement public territorial Paris Terres d’Envol (Sevran, Tremblay, Aulnay, Villepinte, Drancy, Dugny, Le Bourget, Le Blanc-Mesnil), rendez-vous sur http://www.theatredelapoudrerie.fr

 A noter que le Théâtre de la Poudrerie organisera son premier festival du théâtre à domicile en mars 2018. Pendant trois jours, du 23 au 25 mars, 20 représentations à domicile seront jouées pendant tout le week-end (les 7 spectacles de la saison, ainsi qu’une reprise de « Je suis une femme mais je me soigne », de la saison 2016-2017). Un colloque et un grand banquet festif sont également prévus.

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