Citoyenneté Bondy

Bondy blog : la banlieue parle aux Français

Depuis le début de l’année, une nouvelle direction a pris la tête du Bondy Blog. L’occasion pour nous de s’accorder une plongée dans ce média unique en France, qui parle des banlieues depuis la banlieue.

Le Grand débat, les élections européennes, Parcours sup, etc. Comme dans toutes les conférences de rédaction, les journalistes du Bondy Blog réunis ce jour passent en revue les sujets d’actualité. Ici cependant, une singularité : tous les articles aborderont ces questions sous l’angle de la banlieue.

Quand la discussion se concentre sur le plan « Violences à l’école », la mesure de suppression des allocations familiales retient ainsi particulièrement l’attention. « C’est une vraie mesure politique, socialement chargée, qui consiste à dire que ce sont les pauvres qui posent problème. Il faut réussir à dégager les enjeux qu’il y a derrière  », insiste Ilyes Ramdani, le rédacteur en chef.

Pour le grand débat, c’est avant tout à la question de la citoyenneté en banlieue qu’on s’intéresse, cherchant un universitaire qui pourrait parler de l’histoire des mouvements politiques et des quartiers, de « comment on est passé de la banlieue rouge à la dépolitisation actuelle ». Et sur les violences policières à l’encontre des gilets jaunes, la directrice Latifa Oulkhouir soumet l’idée d’une comparaison avec celles subies en banlieue.

« les pieds dans les cités »

Raconter les quartiers et donner la parole à ceux qui y vivent est en effet l’essence même de ce média en ligne créé en 2005, après la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois et les émeutes qui s’en sont suivies. Une quinzaine de journalistes d’un hebdomadaire suisse – L’Hebdo – étaient alors venus s’installer pendant trois mois dans un local de la cité Blanqui de Bondy pour couvrir les événements, et plus généralement la réalité de ces quartiers, « les pieds dans les cités plutôt que le derrière dans les cafés du Quartier latin ».

En 2006, les clés du site sont remises à une équipe locale dirigée par Mohamed Hamidi, puis par Nordine Nabili, par Nassira El Moaddem et, enfin, depuis le début de l’année, par Latifa Oulkhouir et Ilyes Ramdani. L’objectif, lui, est inchangé : « Parler de ce dont on ne parle pas ailleurs, ou différemment de ce qu’on lit partout, avoir ce "contre-pied" quartier... c’est ce qui fait la raison d’être du Bondy blog », affirme la directrice.

Elle comme Ilyes Ramdani ont fait leurs classes au Bondy blog en 2013. Latifa Oulkhouir est alors étudiante en droit à Nanterre et en entend parler au sein d’une association à laquelle elle participe. Ilyes Ramdani se prépare quant à lui au métier de journaliste dans la prépa « Égalité des chances » que l’École supérieure de journalisme de Lille (ESJ) et le Bondy blog ont créée en 2009 pour permettre à tous d’entrer dans le métier. « J’ai intégré le Bondy blog en même temps, raconte-t-il. C’était un média qui nous ressemblait, dans son lieu d’implantation, les thèmes qu’il traitait. »

« le premier échelon du possible »

Cette classe préparatoire comme les profils de Latifa Oulkhouir (juriste) et Ilyes Ramdani (journaliste) symbolise l’autre particularité du Bondy blog : un média ouvert aux professionnels ou futurs professionnels, comme aux non-professionnels.

Parmi la vingtaine de « blogueurs », on retrouve en effet beaucoup d’étudiants. Mais si certains sont en école de journalisme ou en préparent les concours d’entrée, comme Arnaud, d’autres ont choisi des voies très différentes, à l’image de Sarah, étudiante en communication numérique, ou de Miguel, en médecine.

« La formation se fait sur le tas, précise la directrice, par les responsables, par le biais des conférences de rédaction. Certains sont friands de technique alors nous allons prendre le temps. D’autres non. Nous nous adaptons tout en essayant de les sortir de leur zone de confort. » À Félix, qui propose une interview de Médine, Ilyes Ramdani fait par exemple remarquer que le rappeur a déjà été interviewé quatre fois et qu’ « on peut peut-être changer la forme, faire un portrait ».

« Nous les formons aux techniques mais nous ne les formatons pas, tient cependant à préciser le rédacteur en chef. L’objectif n’est pas que tout le monde devienne journaliste, mais cela peut permettre une meilleure connaissance du métier, être un sas vers celui-ci ». Ou, comme le résume joliment Latifa Oulkhoui, être « le premier échelon du possible ».

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