Musique Bondy

Bondy au choeur

« Chante au choeur de Bondy » a été diffusé le 9 octobre dernier sur France 3 Paris-Ile de France. Le documentaire de Sylvie Aguirre et Patrice Masini présente, à travers les trajectoires de trois Bondynois, la vie des « Petits écoliers chantants de Bondy », une chorale qui dure depuis 70 ans, et permet aux jeunes de découvrir de nouveaux horizons.

« A Bondy, il n’y a pas que Mbappé, le Bondy Blog et la Maîtrise de Radio France ! », rappelle Patrice Masini. Il y a aussi la chorale de Bondy, un ovni sur lequel il vient de réaliser un documentaire, « Fleurs de bitume, chante au choeur de Bondy ». Produit par « Home made production » dans le cadre d’une trilogie sur les expériences culturelles en banlieue parisienne, on peut voir le film gratuitement en replay, sur France 3 Ile-de-France, jusqu’au 9 novembre prochain.

Jupes bleues marine, chaussettes blanches montantes jusqu’au dessous du genou, chemisiers blancs punaisés d’un blason, cravates bleues, comptines d’antan... et un nom : « Les petits écoliers chantants de Bondy ». Peu de choses ont changé depuis la fondation de cette mythique chorale par Roger et Angèle Tribouilloy, en 1945. « Ca ne sentirait pas un peu la naphtaline, votre histoire ? » « Si bien sûr, mais ça fait du bien parfois, un peu de naphtaline. Dans le monde d’aujourd’hui, on aimerait parfois qu’il y en ait un peu plus, de la naphtaline », répond Patrice Masini, piqué au vif. Et, tout compte fait, il a raison.

Qui a tué Grand Maman ?

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Son documentaire raconte l’histoire de trois jeunes Bondynois, Melamini, Emma et Kevin, et de leur rapport à cette chorale, constituée d’enfants âgés pour la plupart de 4 à 18 ans. Melamini, jeune d’origine srilankaise, rêve de devenir chanteuse, de faire « The Voice », et d’être applaudie par la France entière. Elle partage son temps libre entre le chant traditionnel tamoul et la chorale, grâce auxquels elle a pris confiance en elle et s’exprime plus facilement à l’oral, en classe. Emma, en première, a derrière elle une décennie de chorale. Arrivée d’Espagne très jeune, elle adore apprendre des chansons qu’elle n’aurait, selon son aveu, jamais écoutées autrement. Kevin, dont les parents arrivent de Roumanie, pratique la chorale depuis seulement un an, et y trouve un groupe dans lequel s’intégrer, qu’il défend contre les lazzis de ses camarades de classe. Il a déjà appris en entier les 70 chansons du répertoire, et gagné le droit à un solo pendant l’une des chansons du spectacle.

La chorale ouvre chaque année ces enfants venus de milieux « pas fastoches »- dixit le réalisateur- à des expériences qui sortent de l’ordinaire. La caméra les accompagne pour une représentation dans les environs du Mans. « C’est un des moments les plus intéressants du film : les enfants sont accueillis par des familles plutôt bourgeoises, qui ne connaissent rien à la banlieue. Ils sont à la fois imprégnés de clichés, et très curieux, très à l’écoute des gamines qu’ils hébergent, étonnés de rencontrer des gens du 93 « normaux » », raconte Patrice Masini. On accompagne aussi la petite troupe enregistrer en studio une reprise de « Qui a tué Grand Maman ? » pour l’album d’un chanteur. Quelques semaines plus tard, ils seront même mis à contribution pour le clip. Leurs prédécesseurs avaient eu la chance d’accompagner Michael Jackson au Stade de France. « Ca m’avait fait marrer. Comme quoi, moi aussi, j’en avais, des préjugés ! », concède le réalisateur, qui avait appris ainsi l’existence de la chorale. On assiste enfin bien sûr à la répétition hebdomadaire, dans un hangar bondynois.

Mission

« Le plus touchant, dans toute cette histoire, ce sont les gens qui animent la chorale. Gilbert Oget, le chef de choeur, est habité par un truc incroyable. Il croit vachement à ce qu’il fait, il est investi d’une mission : offrir aux jeunes des moments positifs. Parce qu’il faut convaincre trente gamins d’apprendre des chansons qu’ils ne connaissent pas, et qu’ils n’écouteraient pas autrement. C’est un acte politique du quotidien, invisible », estime Patrice Masini. Bien qu’il ne semble pas en avoir particulièrement conscience, cet instituteur, ancien petit écolier chantant, marié à une ancienne petite écolière chantante, passe tous ses samedis après-midi à faire répéter les écoliers depuis 30 ans. « Quand je les vois sourire à la fin d’un concert, c’est très fort », explique-t-il juste avant que sa voix ne soit cassée par l’émotion. Les enfants le lui rendent bien. Comme les footballeurs portent les couleurs de leur équipe, ils portent l’uniforme de la chorale. Pour porter haut, et à travers le monde, les couleurs de Gilbert, de sa chorale et de Bondy.

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