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Avec "Fascinants Balkans", les Lilas mettent le métissage à l’honneur

Avec "Fascinants Balkans", l’édition 2022 du festival "Cultures d’(h)iver" aux Lilas propose, à travers une grande variété de disciplines et des animations pléthoriques, de découvrir les mille facettes de cette région si proche et si méconnue. La Ville veut mettre en valeur la richesse et la diversité de cette zone à l’image salie par les guerres du XXe siècle, alors qu’elle fut longtemps un exemple de coexistence pacifique entre les peuples et les religions. Jusqu’au 28 février...

De sombres forêts d’où surgissent des minarets et des clochers, des montagnes arides. Des guirlandes de guinguette, une trompette, des perles, un canevas coloré, des paillettes et des fleurs. C’est d’abord le contenu bariolé et foutraque de la valise présentée sur le splendide visuel qui a attiré notre oeil sur "Fascinants Balkans", l’édition 2022 du festival bisannuel "Cultures d’(h)ivers" des Lilas, qui se prolonge jusqu’au 28 février. Faut-il y voir le morcellement évoqué par le terme "balkanisation" qui colle à la peau de la région depuis le début du XXe siècle, et la chute de l’empire Ottoman ? "On a une image très noire du dernier siècle avec des guerres récurrentes, mais, sur l’histoire longue, pendant cinq ou six siècles, les minorités vivaient en paix, en bon voisinage entre elles. La violence dans cette zone est un phénomène plutôt récent", tient à préciser Laurent Geslin, rédacteur en chef du Courrier des Balkans, qui a apporté son expertise à la ville pour mettre en place cette manifestation, et donnera une conférence le samedi 22 janvier intitulée "Que sont, au juste, les Balkans" à l’auditorium du centre culturel d’Anglemont. Retenons donc de cette valise la richesse que constitue sa diversité, plutôt que son aspect fragmenté.

Fête sans limite

Adia Belgasmi

"Au début, on pensait à la Grèce. Et puis on s’est dit pourquoi pas une zone géographique, plutôt qu’un pays. Avec les Balkans, il y avait de quoi faire, cela donnait la liberté de voyager aux services municipaux et aux partenaires qui allaient élaborer le programme, ça laissait un large choix. De cette zone méconnue, nous allions pouvoir mettre en valeur la scène artistique et culturelle foisonnante, la fête sans limite, l’intense créativité, loin de l’image négative liée aux conflits, aux violences de masse et au nettoyage ethnique", explique Adia Belgasmi, du pôle évènementiel de la direction de l’action culturelle des Lilas. Le choix est d’autant plus opportun qu’on commémore cette année les 30 ans du siège de Sarajevo, qui a duré presque 4 ans à partir d’avril 1992.

Le lancement des festivités a eu lieu samedi 15 janvier, dans un quartier populaire des Lilas : le quartier des Sentes, puis dans l’espace culturel Anglemont. Le groupe Kostana, auquel collabore Simon Riou, un professeur du conservatoire des Lilas amateur de musique des Balkans, a laissé place à un choeur de 32 parents et enfants, qui ont travaillé leurs chants depuis la rentrée, pendant qu’une animatrice de la Ville originaire de Serbie a proposé une initiation à l’alphabet cyrillique aux volontaires. La fanfare Tislav Orchestra déambulait pendant ce temps dans les rues de la ville.

Résistantes à l’honneur

Le coeur de la manifestation est sans nul doute l’exposition "Echos" de Maja Bajevic. L’artiste contemporaine, prix Marcel Duchamp 2017, étudiait aux Beaux-arts, à Paris, en 1992, lorsque la guerre en Yougoslavie a éclaté. Elle ne peut regagner son pays natal qu’en 1998, d’où le lien fort entre son art et l’exil. En 1999, elle propose à des femmes musulmanes bosniaques, de broder des motifs traditionnels sur les filets verts qui recouvre la façade de la galerie nationale de Bosnie-Herzégovine. La performance est intitulée "Woman at work (under construction) in construction". Dans "Echos", sa première exposition pour une institution publique en France, elle fait résonner des voix de résistances du passé et du présent, d’ici et d’ailleurs, à travers des vidéos, des installations et des performances. Une partie de l’exposition a lieu au centre culturel, l’autre, dans le Fort de Romainville, où l’historien Thomas Fontaine proposera, le 22 février, une visite autour des résistantes mises à l’honneur par le travail de l’artiste contemporaine. Autour de l’exposition se dérouleront également un atelier podcast le 25 et le 29 janvier, ainsi qu’une matinée de contes résonnant avec l’exposition, le 22 janvier au matin. Des vidéos de l’artiste, concoctées pour la biennale de Venise de 2015, seront également projetées au cinéma du Garde Chasse le 6 février.

Un festival nourri par les habitants et les partenaires

Le festival "Cultures d’(h)ivers", c’est aussi de la musique et de la danse. Les Lilas feront la part belle à la musique balkanique pendant la nuit des conservatoires, un atelier d’initiation aux danses Tziganes est proposé par Ana Talabard du collectif Jamalafak, le 1er février pour être prêts pour le Grand bal (qui aura lieu courant mars), élément désormais incontournable de la manifestation, dans la salle de la Mairie, animé par Marcela et son orchestre. Littérature, cuisine, théâtre et même grande dictée, nous vous laissons prendre connaissance des très nombreux évènements organisés dans le programme du festival.

Une abondance d’activités qui s’explique aussi par la construction commune de la programmation par les services, les associations et habitants des Lilas. "Ainsi, l’épicerie balkanique s’est proposée, si les conditions le permettent, pour animer un atelier de cuisine des Balkans, un habitant s’est spontanément proposé pour imprimer des recettes, une animatrice d’origine serbe, pour faire un atelier sur l’alphabet cyrillique, un professeur de musique amateur de musique balkanique s’est investi dans la préparation... Le groupe Jamalafak avait lui déjà répété au Triton, une salle de jazz de la ville", énumère Adia Belgasmi, pour qui ce volontarisme est la clé de la réussite du festival. Un engouement qui montre également la vivacité d’une diaspora qui date du début du XXe siècle, dont l’un des foyers était l’Est parisien. "Outre cette présence, le choix de cette zone géographique permet d’aborder le thème du métissage, car les Balkans rassemblent des peuples, des langues, des religions variées, et composent tous avec des minorités nationales : roms, serbes en Croatie, bosniaques en Serbie, albanais en macédoine. La ville des Lilas, comme les communes de Seine-Saint-Denis, est elle aussi, est très métissée. Et ce métissage peut aussi être à l’origine de coopérations, de fraternités, d’échange culturels et de bienveillance religieuse. Le rappeler, par les temps qui courent, ne fait pas de mal", sourit Laurent Geslin. Adia Belgasmi n’en pense pas moins : "Dans cette ambiance de pandémie, de renfermement sur soi, Cultures d’(h)ivers met les cultures du monde à l’honneur. Nous comptons bien inciter la population à sortir, se rencontrer, s’ouvrir et se découvrir... l’idée, c’est d’aborder la nouvelle année dans un climat de convivialité et d’échange".

Pour toute information complémentaire, vous pouvez joindre le pôle évènementiel de la Ville au 01 48 46 87 79.

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