Handicap : le sport pour redonner l’espoir

Handicap : le sport pour redonner l’espoir
Handisport

Le Centre de rééducation de Bobigny soigne notamment des personnes ayant subitement perdu l’usage de leurs jambes, Il a mis en place des cycles de découverte d’escrime ou de basket-fauteuil. L’enjeu : lever d’emblée certains obstacles qui freinent souvent le début d’une pratique sportive en situation de handicap.

« Le basket m’a toujours plu, et les sessions qu’on fait ici au CMPR me le confirment. J’aimerais m’inscrire en club, mais le problème, c’est le transport. Je n’ai pas de voiture équipée, pas de moyen de déplacement » Aussitôt l’entraînement de basket terminé, Stevie, la trentaine, dirige son fauteuil vers ses formateurs du jour.

Le jeune homme, qui arbore fièrement un short des Chicago Bulls, ne s’est pas ménagé pendant l’entraînement au Centre de Médecine Physique et de Rééducation de Bobigny, mais il lui reste encore du souffle pour quelques questions. Mohammed Tazgaiti et Karim Mimouni, venus comme toutes les semaines du Capsaaa, un club de basket-fauteuil situé dans le 15e arrondissement, se prêtent volontiers au jeu.

Mettre en lien des patients et des clubs handisport, c’est le but premier de ces sessions d’entraînement hebdomadaires – souvent sur des cycles de 8 semaines – organisées par le CMPR. Depuis avril, ce centre hospitalier de rééducation, dirigé par la Fondation Alexandre Glasberg, a mis en place des ateliers de découverte de différents handisports, ouverts non seulement à ses patients hospitalisés sur place (il y a 170 lits) mais aussi à ceux qui viennent quotidiennement y suivre des soins en hôpital de jour.

Transport et manque d’informations, principaux freins

« On a constaté que les patients, après avoir quitté le centre, continuaient la kiné, mais pas l’activité physique. Il y a plusieurs raisons à cela : des problèmes de transport, des clubs mal répertoriés, des entraîneurs parfois insuffisamment formés… Donc on a pensé accompagner les patients vers un club où ils pourraient ensuite avoir une pratique suivie », explique Justine, l’une des 7 enseignantes en activité physique adaptée que compte le centre, ouvert en 2006.

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Derrière cette initiative, il y a surtout deux visages : ceux de Véronique Egal, directrice de la rééducation au CMPR, et de Yohan Peter, ancien infirmier et lui-même escrimeur de haut-niveau ayant participé aux Jeux de Tokyo 2021. Après un premier atelier escrime, le CMPR a ensuite proposé à ses patients un cycle tennis de table, mené par le club de Saint-Denis et réfléchit désormais à mettre en place des ateliers para-tennis avec un intervenant du TC Tremblay.

« Garder un lien social »

« Après le centre, les patients sont souvent isolés socialement. Pratiquer une activité physique les fait sortir et psychologiquement, c’est important. Ici, très concrètement, il y a des gens qu’on revoit sourire. », observe simplement Véronique Egal, postée au bord de la salle de gym dont bénéficie le centre.

C’est par exemple le cas de Frédéric. « Le travail que font les coachs du Capsaaa ici est formidable : ça nous permet de développer notre physique, notre mental et de garder un lien social. Moi qui n’avais jamais fait de sport de toute ma vie, j’y prends presque goût. La question se pose vraiment pour moi de continuer en club », témoigne ce professionnel de l’hôtellerie et de la restauration, qui voit enfin le bout de ses 3 mois d’hospitalisation au CMPR après un accident. Sur le terrain, le plaisir que prend ce quadra à shooter, faire des passes, remonter et descendre le terrain est palpable.

« On essaie de faire comprendre aux personnes qu’on rencontre ici que malgré leur handicap, elles peuvent pratiquer un sport, mieux : que ça va même les aider à aborder cette autre période de leur vie », renchérit Mohammed Tazgaiti, coach au Capsaaa avec 24 ans de pratique derrière lui.

Vu du CMPR, confier ces séances de découverte à des clubs extérieurs a un double avantage : les coachs intervenants sont eux-mêmes passés par les interrogations des néo-pratiquants et constituent un lien presque naturel d’une pratique « thérapeutique » à une pratique sportive.

Prêt de fauteuils

A Stevie, hésitant à l’heure de tenter l’aventure dans un club du 15e arrondissement alors qu’il habite Livry-Gargan, Mohammed Tazgaiti et Karim Mimouni répondent donc que ce n’est « pas un problème ». « Le Capsaaa a l’avantage d’être une grosse structure, reconnue, qui a déjà un partenariat avec la PAM 75 (service de transport réservé aux personnes à mobilité réduite) et pourrait en nouer un avec la PAM 93. Et puis, il y a aussi la solidarité entre joueurs, on est habitués à jouer les taxis… Enfin, on fait aussi des efforts au niveau matériel : avoir son fauteuil de compétition représente un certain coût – environ 5000 euros – et dans un premier temps, notre club est en mesure d’en prêter aux néo-pratiquants, ce qui n’est pas le cas partout… », rappelle ainsi Karim Mimouni.

« Mais on peut aussi sans problème t’indiquer des contacts au Saint-Ouen handibasket, car nous avons aussi un carnet d’adresses », poursuit celui qui rêverait de mettre sur pied un club handibasket 93 au Prisme, nouvelle structure dédiée à la pratique partagée qui est en train de voir le jour à Bobigny en vue des Jeux de Paris 2024. Pas si fréquentes, les créations de clubs handisport existent pourtant bien, à l’image du Paris Basket que l’international français Sofyane Mehiaoui a créé en début d’année dans le 18e arrondissement de la capitale.

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Retour au terrain. Kharidja, seule femme à s’entraîner au milieu de 9 hommes ce jour-là, pourrait elle aussi être intéressée : « J’avais déjà fait du basket-fauteuil dans un autre centre et j’aime le côté collectif, souligne cette jeune femme atteinte d’une sclérose en plaques. Comme n’importe qui, ça nous procure du bien-être. La perspective d’être la seule femme ne me dérange pas trop » , dit celle qui n’exclut pas de faire le chemin depuis Saint-Denis, où elle habite, « vers Saint-Ouen ou plus loin. »

« Au final, je vous garantis que la moitié des participants du jour franchiront le pas vers une pratique en club. Parce que ça fait trop de bien », parie le coach Mohammed Tazgaiti.

Photos : ©Nicolas Moulard

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