Au Saint-Ouen handibasket, on fait vivre le basket pour tous
Parmi les rares clubs de Seine-Saint-Denis à proposer la pratique à haut niveau du basket fauteuil, le Saint-Ouen handibasket attaque sa 41e saison par son traditionnel tournoi de rentrée, le 15 septembre. Avec la volonté de remonter rapidement en 2e division et de s’ouvrir à davantage de jeunes. Reportage.
« Temoteo, on est à l’entraînement, mince ! » Le choc entre Temoteo, nouvelle recrue du Saint-Ouen handibasket, et Khalid Ennadi a été rude, au point de jeter ce dernier à terre. « Mais bon, change rien Temoteo, c’est cette bonne agressivité qu’il faut avoir en match », rajoute aussitôt Khalid Ennadi, ancien international marocain, dans un sourire.
Bienvenue au Saint-Ouen handibasket. Ici, on pratique le basket fauteuil depuis 40 ans, dont la majeure partie à très haut niveau. Après plus de vingt ans en élite, quelques belles épopées en Coupe d’Europe et un paquet de joueurs passés par des sélections, le club de la banlieue parisienne a quelque peu réduit la voilure. La saison dernière a même vu les Noir et Blanc être relégués au 3e échelon national (Nationale C). Qu’importe, la passion demeure intacte. « On vient deux fois par semaine à l’entraînement pour être avec les copains, s’aguerrir et prendre du plaisir. Mais le plaisir, ça passe forcément aussi par la compétition », explique David Fossard, intérieur pivot et l’un des piliers du club, présent depuis 10 ans.
Pendant que les vagues d’attaque s’enchaînent sur les panneaux du gymnase Joliot-Curie, l’Audonien d’ascendance bretonne, dont le fauteuil est frappé du drapeau Gwenn ha Du, nous explique les rudiments de son sport. « Reprise de dribble, trois secondes dans la raquette, les règles sont les mêmes qu’au basket. Mais ici les blocs se situent au niveau des roues, entre les armatures métalliques. Donc c’est tout de suite impressionnant. »
Chose généralement peu connue des non-initiés, le basket fauteuil est aussi ouvert aux valides. Car sur le parquet, à l’image de ce qui devrait se passer dans la vie, on ne fait pas de différence. « Au départ, j’étais entraîneur en basket valides. J’ai découvert le handibasket il y a 10 ans, au cours d’une formation, et ça m’a plu. J’ai donc passé mes diplômes pour devenir entraîneur handibasket », raconte Vincent Debieu, président-joueur du club.
Ce dernier siffle une pause dans le match d’entraînement que se livrent les 7 guerriers présents sur le parquet. On analyse, on se désaltère, on chambre pas mal aussi. « Dis donc, je savais pas que tu te la jouais aussi D’Artagnan », chambre Samir à propos de Temoteo, qui en parallèle de son activité de basketteur, est devenu en juin champion de France d’escrime avec Villemomble.
Dépense physique, plaisir de la compétition, lien social, confiance en soi : voilà un peu tout ce que les joueurs retirent de leur pratique. « Dans notre quotidien, tout passe par les bras. Alors, faire du basket, c’est une manière de m’entretenir physiquement. Et puis, il y a les relations avec les potes, les voyages », énumère Samir Radi, fier aussi de la sélection qu’il compte avec l’équipe d’Algérie « obtenue un peu à l’esbroufe, à la Chimbonda quoi… »
Temoteo Semedo de Pina, lui, retient avant tout « le mental ». « Après mon accident, heureusement qu’il y a eu le sport. Il m’a redonné la niaque, m’a montré tout ce dont j’étais capable. Et cette confiance diffuse aussi au-dehors : je n’ai aucun problème à aller vers les gens, alors que certains handicapés restent dans un enfermement, par peur du regard des autres », raconte ce Franco-Capverdien de 33 ans qui rêve un jour de disputer les Jeux.
Justement, les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, dont le village des athlètes se situera à quelques rues du gymnase Joliot-Curie, qu’en attendent-ils ? « On en attend beaucoup. En termes d’accessibilité des équipements et des transports surtout, souffle David Fossard. Car on a un gros retard sur ce chapitre, relance-t-il. En Angleterre, toutes les lignes de métro sont accessibles en fauteuil, alors qu’ici on en est loin. C’est d’autant plus fondamental que les transports, ça permet tout le reste : l’accessibilité à la culture, à l’emploi, bref à la société... »
Khalid Ennadi, lui, est plus circonspect : « Ça fait 40 ans qu’on nous balade sur le thème du handicap. Les Jeux, bien sûr que ça va améliorer l’accessibilité, mais le problème, c’est que ça ne durera que le temps de la compétition. Derrière, est-ce que les rénovations ou l’entretien seront faits, j’en doute. Il faut sortir de cette logique événementielle… »
En attendant de voir les effets des Jeux sur le territoire, on bosse en tout cas dur au Saint-Ouen handibasket. « L’objectif cette année, c’est de jouer les play-offs (ouverts aux deux premiers de chaque poule) pour tenter de remonter dans la foulée en 2e division », annonce Vincent Debieu. Avec une visée à plus long terme : rajeunir un club qui, à l’instar du CS Meaux, aimerait bien former la prochaine génération, garçons et filles, de handibasket du territoire. « Ça passe par des moyens adaptés : une tournée à la sortie des centres spécialisés et des écoles pour amener les jeunes à l’entraînement, des possibilités accrues de prêts de fauteuils de compétition car ils sont très chers (un fauteuil de basket coûte 6000 euros, dont seulement 500 euros sont remboursés par la Sécurité sociale). Tout ça suppose des moyens... », souligne David Fossard. Historiquement soutenus par la ville et le Département, les Noir et Blanc sont donc à la recherche de sponsors sensibilisés aux thématiques du handicap.
Dernier panier. L’équipe de 4 l’emporte finalement 34-32, dans un match extrêmement serré. « Encore heureux, si on gagne même plus en surnombre, on peut direct se mettre au golf », lâche Samir le vanneur. Montée ou pas, une bonne année semble en tout cas se dessiner pour le Saint-Ouen handibasket...
Christophe Lehousse
Photos : @Sylvain Hitau
La saison de Nationale C (3e division) commencera ensuite le 13 octobre, avec un déplacement à Creil.
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