Seine-Saint-Denis Actions éducatives

Askola, défendre les droits des enfants en grande précarité

Créée en 2006 à Pantin, l’association Askola aide les familles vivant dans des bidonvilles, des squats ou des hôtels sociaux à scolariser leurs enfants en Seine-Saint-Denis. Des éducateur∙rice∙s leur proposent des cours réguliers à bord de camions pour préparer l’entrée à l’école tandis que des médiateur∙rice∙s accompagnent les parents dans les démarches d’inscription ou d’ouverture de droits.

Si la majorité des enfants ont pu faire leur rentrée scolaire le 2 septembre, tous∙te∙s n’ont pas eu cette chance. On estime aujourd’hui en France que 100 000 enfants « du voyage » ou logeant dans des squats, des bidonvilles ou des hôtels sociaux sont encore privé∙e∙s de ce droit à l’éducation. Pour lutter contre cette inégalité, l’association Askola, subventionnée par le Département, sillonne le territoire de la Seine-Saint-Denis en vue de remettre les mineur∙euse∙s déscolarisé∙e∙s sur le chemin de l’école.

Un camion-école pour les oublié∙e∙s de la rentrée

Zahra*, 12 ans, vit dans un immeuble insalubre à quelques mètres de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis et son amie Ayla*, 10 ans, dans un bidonville. Les deux fillettes, qui ont rejoint une « mini-classe sur roues » aménagée avec des tables, des chaises et un tableau, enchaînent les sons : « on, ou, a », les syllabes, la lecture... « On essaie de rattraper le retard en leur donnant le plus de bases possibles en français et en mathématiques » confie Emmanuelle Pettazzi, éducatrice de l’association, qui leur présente ensuite un jeu de société pour réviser de manière ludique les savoirs fondamentaux.
En seulement quatre mois, Ayla* a appris l’alphabet et les premiers rudiments du français. À côté, dans le second camion-école de la maternelle, les plus petits, encadrés par un second éducateur, travaillent eux-aussi d’arrache-pied. « J’aime bien le camion-école parce j’ai besoin de l’aide de la maîtresse pour écrire d’une bonne manière » confie Zahra, qui étudie dans une classe pour élèves allophones UPE2A-NSA (non ou peu scolarisés antérieurement).
« Avec la crise du mal-logement doublée de la crise sanitaire, ces enfants n’ont ni les outils numériques, ni un espace à eux pour faire les devoirs, ce qui aggrave leur situation de vulnérabilité » déclare Lucile Touchard, coordinatrice d’Askola. « Ici, le camion est un refuge donnant aux enfants déscolarisés les codes pour devenir des élèves dans de véritables écoles ». L’association sensibilise aussi les parents et les accompagne dans les démarches d’inscription au sein des établissements classiques.

Un parcours encore semé d’embûches

« Le décret du 29 juin 2020 facilite l’inscription de tous les enfants présents sur le territoire mais les maires se montrent souvent tatillons, ce qui oblige les familles à faire des recours » annonce Alisa Catalan, médiatrice scolaire et interprète roumanophone. Ces procès, en général gagnés par les parents, font perdre un temps précieux aux enfants dont l’affectation peut être réalisée plus de six mois après la demande. Et l’éloignement des écoles bénéficiant du dispositif UPE2A oblige souvent les plus jeunes à passer des heures dans les transports en commun, ce qui peut engendrer du décrochage.
Une fois l’affectation obtenue, les médiateurs les accompagnent pour l’ouverture d’un ensemble de droits : aide pour la cantine, fournitures, forfait Imagine R, acquisition de bourses, rencontres avec les assistantes sociales des collèges... « Nous veillons à ce que l’enfant bénéficie d’un minimum de confort matériel en portant un cartable ou des vêtements neufs pour qu’il se sente être un élève comme les autres, sans être stigmatisé par ses conditions socio-économiques » ajoute l’éducatrice. Les professionnel∙le∙s associatif∙ve∙s nouent ensuite des relations avec les écoles via un dossier de suivi et maintiennent le lien avec les parents en cas d’expulsion de leur habitation.
L’équipe d’Askola insiste sur le courage de familles victimes d’innombrables discriminations et sur le traumatisme psychologique des expulsions qui entraînent souvent des ruptures de scolarisation chez les plus jeunes. « Dans un contexte d’expulsion systématique, les foyers peuvent se retrouver à la rue plusieurs fois par an et subissent de graves difficultés économiques, sanitaires voire alimentaires avec la crise de la Covid » regrette la coordinatrice.

La persévérance des professionnel∙le∙s d’Askola porte heureusement ses fruits : cette année, l’association a accompagné 313 enfants vivant dans des habitats précaires en Seine-Saint-Denis. Parmi ces derniers, 192 ont repris le chemin de l’école. L’un ou l’une d’entre eux∙elles passera peut-être des camps de réfugié∙e∙s à la Sorbonne ou à l’école du barreau, à l’image d’Anina Ciuciu, présidente de l’association Askola et ardente porte-parole de l’accès à l’éducation pour tous les enfants sans discrimination.

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*Les prénoms des deux petites filles ont été modifiés.

Crédit-photo : Association Askola

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