Egalité des chances In Seine-Saint-Denis

Article 1, l’association pour l’égalité des chances

Article 1 œuvre à la réussite des jeunes de milieux populaires en les accompagnant dans leurs études et leur chemin vers l’emploi. En Seine-Saint-Denis, l’association vient de signer une convention avec le conseil départemental pour mettre en place plusieurs actions.

« Au collège, je pensais que l’école ne servait à rien, qu’elle n’était en tout cas pas faite pour moi. Autour de moi, je n’avais pas beaucoup d’exemples de réussite. Il y avait à la limite mon père, mais son diplôme de médecine obtenu en Algérie n’était pas reconnu en France. » Ilyes Trabi, 21 ans et originaire de Noisy-le-Grand, a longtemps pensé que son avenir professionnel était bouché. Aujourd’hui, cet étudiant, qui s’exprime avec force aisance, est en deuxième année de la prestigieuse école de commerce Audencia Business School à Nantes. Auparavant, il avait intégré une classe préparatoire aux grandes écoles au lycée Carnot de Paris après avoir décroché son Bac ES avec mention très bien. Ce sursaut, survenu entre le lycée et ses études supérieures, il le doit à sa famille qui a su lui « secouer les puces au bon moment » et à l’association Article 1 qui promeut l’égalité des chances à l’école, à l’université et dans l’accès à l’emploi en accompagnant des jeunes de milieux populaires.

Un Pygmalion nommé « mentor »

JPEG - 18.7 kio

« Quand j’ai été admis en ‘‘prépa’’, je me suis dit que j’avais fait le plus dur. Or, j’ai vite déchanté en constatant que les autres élèves avaient un niveau largement supérieur au mien car eux avaient été placés dans des conditions favorables dès le lycée. » Sur ces entrefaites, il décide de contacter Article 1 qui va activer son réseau (près de 200 entreprises partenaires) pour le mettre en relation avec un tuteur, ou plutôt mentor, selon le jargon de l’association. « J’ai été mentoré par un salarié d’Accenture, l’une des plus grandes sociétés de conseil au monde, raconte Ilyes. Avec lui, j’ai appris à m’ouvrir, à acquérir un vocabulaire et des codes spécifiques aux entreprises et à l’univers professionnel que je visais. Il m’a aussi conseillé sur mes choix d’orientation, aidé à trouver des solutions pour financer mes études, fait passer des entretiens blancs, ouvert son réseau et, partant, grandement facilité l’accès à des stages… Bref il m’a mis le pied à l’étrier et donné confiance en moi. » Pour rendre la pareille à Article 1, dont le nom fait référence aux textes fondateurs des droits humains, tels que la Déclaration des droits de l’homme de 1789 ou la Constitution de 1958, le jeune homme a rejoint le collectif Different Leaders qui rassemble des étudiants et des professionnels pour, selon l’association, « construire des sociétés plus justes, équitables et inclusives. » « Pour le compte d’Article 1, je mène des actions en faveur de l’égalité des chances : j’ai ainsi participé à l’organisation d’un campus d’été, d’un hackathon et au pilotage de la Journée mondiale de l’égalité des chances », relate celui qui aimerait embrasser une carrière juridico-financière et se spécialiser dans les relations entre entreprises et États, à New York ou à Hong Kong. Et de conclure : « Avec Article 1, les relations sont très saines. Je n’ai jamais perçu d’infantilisation ou de rapport de subordination, j’ai au contraire toujours été considéré comme un partenaire. »

Créée en 2017, Article 1 est le fruit d’une fusion entre Frateli et Passeport Avenir, deux associations qui ont fait de l’égalité des chances leur cheval de bataille après être parties des constats suivants : les inégalités sociales et les discriminations pèsent de tout leur poids sur les jeunes issus de milieux populaires ; de nombreux talents sont freinés (ou se freinent par autocensure) dans leurs choix d’orientation, leurs parcours d’études, puis leur accès à l’emploi. Pour remédier à cette anomalie, les deux acteurs ont uni leurs forces pour tisser des liens et organiser des rencontres entre ces jeunes et des volontaires issus du monde professionnel, désireux de partager leurs savoirs et leur engagement. D’après Article 1, les programmes de mentorat et les ateliers organisés partout en France ont déjà profité à 12 000 élèves et étudiants issus de milieux modestes, à l’heure où en France, 40 % des enfants de cadres et d’enseignants ont un diplôme à bac +5 contre 4 % des enfants d’ouvriers, selon l’INSEE. « Notre accompagnement s’étale du Bac-3 au Bac+5 et nous poursuivons la mobilisation des jeunes que nous avons accompagnés au-delà de leur insertion dans l’emploi, fait valoir Benjamin Blavier, coprésident (avec Boris Walbaum) d’Article 1. Celui-ci porte sur 3 axes : l’orientation, la réussite dans les études et l’accès à l’emploi.

Qui dit crise sanitaire, dit renforcement des discriminations

Dans le contexte sanitaire actuel, sa mission prend encore plus de relief. Le confinement a laissé des traces et creusé les inégalités sociales, particulièrement en Seine-Saint-Denis. « En post-bac, les deux tiers de nos étudiants nous ont fait part de leurs grandes difficultés car les jobs étudiants diminuent comme peau de chagrin et les stages ont été annulés en raison de la crise du Covid-19. Or, le stage est une étape fondamentale pour bien préparer son orientation professionnelle et aussi le moyen de financer ses études, analyse le coprésident. Avant la crise, les jeunes envoyaient deux fois plus de candidature mais arrivaient à leurs fins. Aujourd’hui, en cette période de restriction du marché de l’emploi, les discriminations se renforcent. Il faut agir urgemment. » L’association bénéficie d’une certaine aura dans le Département. Durant l’année scolaire 2019-2020, elle est intervenue dans 13 lycées pour orienter 1435 lycéens et organiser 57 ateliers en présentiel. Elle a aussi accompagné dans leur projet d’études supérieures 180 jeunes et ambitionne, malgré la crise, d’atteindre la barre des 200 en 2021. « Nous possédons aussi des ‘‘maisons’’ (communautés d’apprentissage au sein de résidences sociales, ndlr) à la Fabrique des Impossibles, à Saint-Denis, et au campus Condorcet d’Aubervilliers », signale Benjamin Blavier. Un projet qui a valu à l’association d’être lauréate de l’Appel à Agir In Seine-Saint-Denis en 2019. Nouveauté cette année : Article 1 a signé une convention avec le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis qui va donner lieu à différentes actions. Notamment, permettre à des agents du Département de devenir mentor pour sensibiliser les jeunes aux métiers des collectivités territoriales (lire encadré ci-dessous). Ou encore, accueillir l’exposition VISAGE(S) – portraits de 60 jeunes accompagnés par Article 1 – qui, après avoir été présentée à Paris sur les grilles de l’Hôtel de Ville (du 10 septembre au 6 octobre) sera hébergée dans les murs du collège Jorissen de Drancy, courant novembre.

Grégoire Remund
Photos : ©Article 1

JPEG - 72.7 kio
Un partenariat solidaire entre Article 1 et le Département

D’agents départemental à mentor pour Article 1, il n’y a qu’un pas
« Agent.e.s solidaires ». Tel est le nom de l’opération de mécénat de compétences lancée par le Département en ce mois d’octobre. D’une demi-journée à deux jours par mois sur leur temps de travail et avec maintien de salaire, les agents du Département de la Seine-Saint-Denis peuvent désormais – et sur la base d’une expérimentation en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 - s’engager auprès d’associations du territoire partenaires du dispositif, parmi lesquelles Article 1. D’après l’acteur qui œuvre pour l’égalité des chances, les agents/mentors auront entre autres missions de sensibiliser les jeunes aux métiers des collectivités territoriales. Ce mécénat de compétences, unique au sein des collectivités territoriales, a pour objectif de pérenniser les initiatives prises par les agents du Département lors du confinement notamment via la plateforme d’appels solidaires mise en place en avril pour lutter contre l’isolement des personnes âgées et handicapées du territoire.

Dans l'actualité