Antoinette Nana Djimou, 20 ans en jaune et bleu
A 35 ans, cette grande dame des épreuves combinées, quadruple championne d’Europe, a tiré sa révérence fin juin après une ultime médaille d’argent aux Championnats de France. Celle qui n’aura connu qu’un seul club dans sa carrière, le CA Montreuil 93, souhaite maintenant se tourner vers son autre passion : la mode.
« Aux France, lors de mon dernier 800 m, je ne voulais pas que ça se termine. Et pourtant, je peux vous dire que j’aime pas ça, le 800 ! Après, je me suis quand même dit : t’endors pas ou tu vas louper la médaille... »
Malgré une fin de carrière qui lui provoque forcément un pincement au cœur, Antoinette Nana Djimou ne se départit pas de son sens de l’humour pour raconter le dernier heptathlon de sa vie. Le 26 juin, la désormais ex-internationale aura mis le point final à une sacrée carrière : 20 ans d’épreuves combinées au plus haut niveau, qui l’auront notamment vue devenir double championne d’Europe de l’heptathlon (en plein air) et double championne d’Europe du pentathlon (indoor).
« Mais là, c’était devenu trop dur, je n’étais plus prête à faire les efforts. Dans ma tête, je m’étais fixée d’arrêter aux Jeux de Tokyo, mais quand ils ont été repoussés d’un an du fait de Monsieur Covid, ça m’a mis un coup. Là, j’ai senti qu’il était temps d’arrêter », explique celle qui, pour la dernière ligne droite, avait retrouvé son vieux complice et entraîneur Sébastien Levicq. Elle aura finalement pris congé aux Championnats de France sur une belle note : une médaille d’argent, juste devant sa successeure naturelle au CA Montreuil 93, Annaëlle Nyabeu Djapa, et un bel hommage de ses concurrentes, qui portaient toutes un dossard siglé « Nana Djimou » pour la dernière épreuve du 800m.
A l’heure de raccrocher les pointes, « Nana » part le cœur léger, des images plein la tête. Le meilleur souvenir de sa carrière ? « Mon tout premier titre européen, en salle, à Paris-Bercy en 2011, parce que c’était à domicile : il y avait ma famille, mes amis, tous ceux qui m’ont vu commencer l’athlé ! » La colonne déceptions ne pèse en revanche pas bien lourd, pas le genre de la maison… « Si j’ai un regret dans ma carrière, c’est peut-être par rapport aux Jeux de Londres 2012. Avant le 800m, je suis encore 4e, au contact du podium. Et puis je me loupe sur ce foutu 800m, encore lui ! Mais bon, je fais trois fois 6ème ou 8e à des Mondiaux ou des Jeux, c’est donc que c’était ma place », ne s’attarde pas trop Nana Djimou qui a entre temps avancé à la 5e place de ces Jeux de Londres du fait de la disqualification pour dopage de la Russe Chernova.
Partie pour faire du basket
Pas ingrate à l’heure de bilans, la Nana n’oublie pas non plus de remercier le CA Montreuil 93, seul et unique club de sa carrière, avec qui elle a tout de même remporté 10 titres d’Interclubs sur les 18 qu’il possède au total. « Il m’a tout apporté. Quand je suis arrivée chez eux, à 15 ans, je ne savais pas lancer, ni sauter. Ce sont Christophe Letellier et Hélène Bossé, coaches en épreuves combinées au CAM qui m’ont tout appris. », se souvient celle qui sera venue à l’athlé par un enchaînement de circonstances.
« A mon arrivée en France, à l’âge de 13 ans, j’étais un peu déprimée : au Cameroun, j’avais l’habitude de faire plein de sports, et là je me retrouvais coincée dans un immeuble du 19e, sans amis, se remémore la native de Douala. Du coup, je me suis inscrite à tous les sports. A la base, je voulais faire du basket, je n’aimais pas tellement courir, mais ma prof de sport de collège a insisté pour que je m’inscrive à l’athlé en UNSS. » Et de pouffer : « Comme souvent avec moi, il faut insister ! » Comme assez souvent aussi, le hasard aura bien fait les choses.
Et maintenant ? On ne sent pas Nana Djimou guettée par cette « petite mort » que représente la fin de carrière pour beaucoup de sportifs de haut niveau. Elle qui nourrissait déjà en tant qu’athlète une vive passion pour la mode entend bien continuer sur cette lancée : habitant depuis quelque temps à Montpellier, elle y suit actuellement une formation en conseillère d’image à l’école Formabelle. Et mijote un projet secret, elle qui avait déjà organisé en 2012 un défilé de mode à l’INSEP avec ses anciens collègues athlètes.
De là à dire définitivement au revoir au tartan, même dans un poste de coach ? « Pas forcément non… admet la malicieuse. Tout comme j’ai appris la polyvalence dans mon sport, je pense pouvoir être polyvalente dans mon après carrière. Donc je n’exclus rien. » Sacrée Nana !
Christophe Lehousse
Photos : ©CA Montreuil et ©Sylvain Hitau
A relire : Un portrait d’Antoinette Nana Djimou fait en 2014, après son 2e titre de championne d’Europe en plein air.
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