Althéa Laurin, calme, détermination et talent
A 19 ans, cette habitante d’Epinay-sur-Seine depuis toujours a remporté la médaille de bronze olympique de taekwondo (+67kg). Quelques jours après son retour en France, elle nous raconte sa compétition et nous en dit un peu plus sur elle. Entretien :
Du haut de ses 19 ans lorsqu’elle annonçait partir aux Jeux Olympiques pour décrocher l’or, Althéa Laurin était certes ambitieuse, mais réaliste. Championne d’Europe en titre, elle avait de sérieux arguments et n’était pas impressionnée par les palmarès de ses adversaires forcément plus expérimentées.
Vous avez remporté le premier combat 21-3 contre la Mexicaine Briseida Acosta, ça a semblé facile…
– Oui de l’extérieur cela pouvait sembler facile, mais quand on est à l’intérieur du combat c’est complètement différent. Mon adversaire était multi-médaillée mondiale et avait beaucoup plus d’expérience que moi (vice-championne du monde 2013 et bronze 2019 ndlr.). Je savais que je ne devais pas tout prendre pour acquis et appliquer le plan établi au préalable. Elle était plutôt petite de taille, mais très réactive. Du coup je devais moi aussi être réactive.
Cette première victoire a dû vous donner confiance...
– Oui bien sûr, quand on commence à marquer les premiers points on prend confiance. Mais on reste concentrée, c’est important.
Votre quart de finale contre la Chinoise Zheng Chuyin a été plus serrée (14-6)...
– Elle est championne olympique 2016, c’était un sacré morceau sur mon chemin ! De toutes les adversaires que j’ai rencontrées, c’est celle qui a le plus d’expérience et qui s’applique le plus dans ses combats. Ce n’était pas facile d’ouvrir le score au début, ensuite je pense qu’elle a un peu paniqué en voyant qu’elle était menée au score. Elle a tenté des choses qu’elle ne fait pas habituellement. Elle a essayé de rentrer au corps à corps, mais finalement c’est moi qui score…
Avez-vous eu de l’appréhension avant ce combat, au vu de son palmarès ?
– Pas vraiment…
Vous semblez plutôt imperméable à la pression, je me trompe ?
– Je la ressens mais elle ne m’inhibe pas. Et c’est tant mieux !
Par contre en demi finale contre Mandic cela ne s’est pas passé comme vous le souhaitiez... (Défaite 5-7)
– C’est une adversaire que j’ai rencontré à plusieurs reprises, c’est une très bonne défenseuse et c’est compliqué de marquer contre elle. Elle a beaucoup d’expérience, elle est championne olympique 2012. Elle sait bien gérer un combat et ça ne s’est pas passé comme je le voulais.
Au troisième round, on a senti de votre part un peu d’impuissance, vous n’arriviez pas à marquer.
– Oui, je ne trouvais pas l’ouverture. Une fois qu’elle savait que c’était le troisième round et qu’elle était en tête, elle cadenassait tout. Du coup le combat ne peut pas se dérouler. Elle est très patiente.
Comment vous sentiez-vous après cette défaite, vous qui aviez annoncé viser l’or ?
– Dans un premier temps j’étais déçue d’avoir perdu cette rencontre de deux points. Ça veut dire que nous avons sensiblement le même niveau mais que je n’ai pas réussi à scorer, donc forcément ça fait très mal. Je n’avais pas trop envie de parler puis après mes proches, et des aînés de l’équipe de France, d’anciens athlètes comme Gwladys Epangue, Pascal Gentil, Yasmina Aziez qui ont l’expérience m’ont dit « Oublie cette demie finale, reconcentre-toi et va chercher cette médaille olympique. » Des avis pareils sont précieux, c’est l’expérience qui parle. Mon expérience, je suis encore en train de me la construire.
Alors, comment s’est déroulée ce combat pour la médaille de bronze contre l’Ivoirienne Aminata Charlène Traore ?
– Elle était beaucoup plus lourde (Althéa Laurin combat en + de 69 kg, donc sans limite de poids ndlr) et je le ressentais pendant le combat. Je savais qu’elle ne tiendrait pas en termes d’endurance ; que tous les points qu’elle devrait marquer ce serait dans le premier round, un peu dans le second et qu’ensuite cela pourrait se libérer. Le premier round a été compliqué, elle a marqué pas mal de points et j’avais du mal à marquer. Au second elle « cadenassait » très bien sa tête donc s’était compliqué, mais au troisième ça s’est libéré et j’ai pu marquer beaucoup de points assez facilement. (victoire (7-8 et arrêt de l’arbitre ndlr)
Quelques jours après, vous étiez de retour en France, au Trocadéro devant beaucoup de public, beaucoup de journalistes. Quel effet cela fait-il ?
– A ce moment-là on se rend compte de ce qu’on a fait. Durant la compétition on ne se rend pas compte du nombre de personnes qui nous regardent en train de combattre, de la popularisation que cela donne au taekwondo français. Et cela donne envie aux enfants de faire du taekwondo, ça c’est quelque chose de beau. Ça donne envie aux enfants de faire du sport de se dépasser et de devenir des champions ! Comme moi, quand j’étais petite je rêvais de devenir comme Gwladys Epangue.
Cette journée est une expérience inoubliable ! Il y a eu beaucoup de questions de la part des journalistes. J’ai fait beaucoup d’interviews, des plateaux télé… C’était assez éprouvant ! Mais je pense que c’est nécessaire pour promouvoir le sport français. Cela fait partie du jeu, il faut s’y faire finalement.
Comment s’est passé votre retour à Epinay ?
– En ce moment je suis chez ma mère pour profiter un peu parce que ça fait très longtemps que je n’ai pas vue ma famille, deux mois et demi. Finalement on a fêté ça, et c’était bien !
Une petite fête familiale ou une grande fête familiale ?
– Une grande fête ! c’est quand même une médaille olympique !
Est-ce que vous pensez déjà à Paris 2024 ou pas encore ?
– Bien sûr ! C’est le rendez-vous pour tous les athlètes français, c’est LE but. Tout le monde me dit : « oui la prochaine fois il faut faire de l’or à Paris en 2024 ! » Mais personne ne se rend compte de la pression que cela peut mettre sur une jeune athlète et qu’une compétition n’est jamais jouée d’avance. Il faut se préparer correctement, éviter les blessures… Il y a plein de paramètres qui rentrent en compte.
Qu’est-ce qui caractérise le sport de haut niveau selon vous ?
– L’envie de gagner, toujours. C’est cette envie de gagner, d’être le meilleur qui pousse chaque athlète à chercher à se perfectionner sans cesse dans tout ce qu’ils font. Ils ne peuvent pas stagner, il faut toujours avancer. C’est ce qui fait que tout le monde les admire ensuite. Je prends souvent l’exemple du basket américain, des personnes comme LeBron James. Si on fait une critique à leur égard, ils vont travailler dessus.
En septembre, qu’est-ce ce sera ? Retour aux études ?
– Exactement ! Une licence de gestion à la Sorbonne. Je n’ai encore aucune certitude quant à ce que je vais faire ensuite.
Mais pour l’instant, Althéa Laurin ne pense qu’à partir en vacances, se reposer, profiter de sa famille, s’amuser. Comme n’importe quelle jeune femme de 19 ans, à ceci près qu’elle porte un bijou unique à son cou... Merci et bonnes vacances Althéa !
Photos : CNOSF France olympique
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