Numérique Saint-Denis

Addiction aux écrans, quelle prévention ?

Incontournables dans nos sociétés ultra-connectées, les écrans présentent pourtant des dangers, en particulier pour les jeunes.
Plus de trois cents professionnel∙le∙s médico-sociaux ou lié∙e∙s à l’Éducation nationale, à l’Insertion et à la Justice ont étudié la question les 2 et 3 décembre lors d’un colloque de la MMPCR* à la Plaine Saint-Denis.

« Les enfants passent entre cinq et six heures par jour devant les écrans et près d’un adolescent sur trois possède déjà une tablette en plus d’un Iphone et d’un ordinateur » constate le clinicien addictologue Jean-Pierre Couteron en ouverture des vingts tables rondes programmées. Le raz de marée technologique a fait exploser le nombre de consultations pour « overdose d’écrans » dans le centre de soins et de prévention où il exerce.

Une mutation numérique sans précédent

Les nouvelles technologies qui ont transformé les loisirs des individus ont également révolutionné le monde du travail. Le sociologue Antonio Casilli s’intéresse aux imperfections de l’intelligence artificielle qui emploie actuellement des armées de micro-travailleurs pauvres pour collecter des données et entraîner les capacités des robots surpuissants de Google ou d’Amazon.

La déferlante digitale que nous connaissons fragilise les équilibres sociaux et fiscaux façonnés par des décennies de lutte politique, en mettant en concurrence les travailleurs occidentaux avec « l’armée de réserve » des pays en développement.

Semblable à la magicienne Morgane aux deux visages, elle a toutefois accru les connaissances et les possibilités de millions d’internautes, au risque pour eux∙elles de se perdre dans les « mirages et les illusions du virtuel ».

Les jeunes qui n’ont pas le recul des générations plus âgées sont les cibles des industries du numérique (services en ligne, jeux vidéo, téléphones portables…) qui entretiennent la dépendance au web par un marketing particulièrement efficace. Fasciné∙e∙s par les plaisirs narcissiques des réseaux sociaux, ils∙elles laissent beaucoup de données personnelles sur la toile et peuvent se laisser abuser par les facilités d’accès aux sites pornographiques, complotistes ou de consommation de drogues.

Des outils pour surfer sans danger

Les intervenant∙e∙s ont proposé aux professionnel∙le∙s médico-sociaux des outils de prévention innovants pour mieux identifier les dangers de la toile auxquels sont exposé∙e∙s les adultes mais aussi les enfants et les adolescent∙e∙s. Une professeure de français a ainsi sensibilisé ses élèves aux risques des discours haineux et aux manipulations en ligne et a réalisé avec eux une fausse vidéo complotiste sur les chats.

Des associations tentent également de conquérir la toile et de délivrer des messages éducatifs notamment sur les sites Play Safe et Maad digital ou la chaîne youtube Game Spectrum. Initiative plus volontariste encore : des travailleur∙euse∙s social∙aux volontaires peuvent devenir « Promeneurs du net » et consacrer plusieurs heures par semaine à conseiller les jeunes sur les réseaux sociaux. Enfin, des outils de médiation (comme un jeu de société de la Mission Métropolitaine de Prévention des Conduites à Risques) ont été présentés afin de permettre aux professionnel∙le∙s présent∙e∙s d’ouvrir le débat des écrans avec les familles.

« Les écrans sont aujourd’hui inévitables et ne doivent pas être diabolisés » martèle le sociologue et chercheur Antonio Casilli. Les réseaux sociaux néfastes en terme de diffusion de données offrent paradoxalement un espace d’expression aux internautes qui rend les puissants plus vulnérables à la critique. Les nouvelles technologies si séduisantes soient-elles doivent toutefois être consommées « de façon avertie » pour éviter l’enfermement dans le virtuel et ses nombreux pièges : arnaques, espionnage caché, piratage de données, cyberattaques… Sur internet aussi, sortez couvert∙e... et méfiez-vous des faux amis.

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Les professionnel∙le∙s s’emparent du débat

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Sylvie Michaud, infirmière scolaire au lycée Henri-Wallon d’Aubervilliers

Les lycéens emploient massivement les réseaux sociaux et souvent sans aucun filet. Et comme dans une cour de récréation, les effets de suivisme peuvent être redoutables. Les professionnels de l’Education Nationale ne sont pas formés et ne savent pas bien faire face au cyber-harcèlement. De plus, une véritable omerta existe entre les élèves et les victimes n’osent pas dénoncer leurs camarades de classe.
Le cyber-harcèlement a pourtant des effets ravageurs : résultats scolaires qui s’effondrent, absentéisme, isolement, idées suicidaires… Il crée une cicatrice morale et psychologique chez les victimes, qui portent ce traumatisme aussi pendant l’âge adulte.

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Ibrahim Diombera, coordinateur de la Maison de quartier Edmond-Michelet à Sevran

Nous avons mené avec des éducateurs plusieurs projets auprès des jeunes sur les risques liés aux écrans. Les adolescents de 12 à 17 ans qui ont été questionnés ont reconnu passer entre six et sept heures devant la télévision ou l’ordinateur pendant le weekend. Ils regardent des séries, consomment des vidéos marrantes sur youtube, partagent des photos et des contenus sur Instagram et adorent les jeux vidéos comme Fortnite. Avec du recul, ils reconnaissent passer beaucoup trop de temps devant les écrans mais n’arrivent pas vraiment à se déconnecter des réseaux sociaux où sont présents tous leurs amis.

* Mission Métropolitaine de Prévention des Conduites à Risques, une structure issue du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis et de la Ville de Paris

Votre enfant est accro aux écrans ?
Des professionnel∙le∙s du Tête à tête (un espace d’information, d’écoute et de prévention du Département destiné aux jeunes de 13 ans à 25 ans) peuvent le conseiller et l’accompagner sur le sujet des addictions.
Une exposition Je te like, je me like dédiée aux relations interpersonnelles à l’ère du numérique est actuellement visible dans ses locaux du lundi au samedi de 10h à 18h30 (sauf les mardis et jeudis matin)

au Centre commercial régional Rosny 2
Avenue du Général de Gaulle - Niveau 1 Porte 2
93110 Rosny-sous-Bois
Tel : 01 71 29 24 11
Plus d’informations sur le Tête à tête ici.

Crédit : Daniel Ruhl

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