Aubervilliers Handicap

Accessibilité universelle, méthodes innovantes : bienvenue à La Maison de l’Autisme

Début avril, la Maison de l’Autisme, première structure entièrement dédiée à ce handicap en France, a ouvert ses portes à Aubervilliers. Si elle n’est pas un lieu de soins, elle permet en revanche d’informer et d’orienter des personnes autistes et leur proches aidants sur de nombreuses thématiques. Reportage.

« Ce lieu est destiné à faire connaître davantage les TSA, troubles du spectre de l’autisme. Sentez-vous ici chez vous ». Waël, la vingtaine, écoute avec intérêt les explications d’Hela Daboussi, responsable des lieux, en ce jour de portes ouvertes de la Maison de l’Autisme. Le jeune homme, lui-même autiste, attendait avec impatience l’ouverture d’un lieu comme celui-ci, entièrement dédié à ce handicap décrété grande cause nationale en 2012.
« Je trouve ce lieu très accueillant et chaleureux. Il va très certainement faciliter le partage et la bienveillance envers les personnes autistes et leurs proches. », estime celui qui est venu avec d’autres membres de son Groupe d’entraide mutuelle du 17e arrondissement, un groupe de parole accueillant des personnes diagnostiquées TSA.

30 salariés sur les lieux

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Lumineuse et spacieuse, cette Maison de l’Autisme, voulue par l’État et financée à hauteur de 1 million d’euros par les 7 départements franciliens, se veut à la fois un lieu de sensibilisation en direction du grand public et de ressources envers les proches aidants et professionnels du secteur médico-social. Depuis avril, il est animé avec beaucoup de bonne humeur et de disponibilité par 30 salariés, provenant de 3 entités réunies sous un même toit : le CRAIF (Centre ressource Autisme Ile-de-France), le GNCRA (Groupement National de ces Centres régionaux, au nombre de 27 en France) et Autisme Info Services.
« Attention, ce n’est pas un lieu de soins ni de diagnostic », insiste Valentine Roux-Fouillet, l’une des professionnelles du lieu, « plutôt un lieu de formation et de conseil. Ici, on va pouvoir renseigner un parent aidant qui s’interroge sur les démarches à entamer, former un professionnel de l’éducation amené à travailler avec des personnes autistes ou une personne autiste elle-même qui souhaiterait par exemple entrer dans le monde du travail. », explique la jeune femme, rattachée au CRAIF.
Le vaste centre de documentation, riche de plusieurs centaines d’ouvrages ayant trait à l’autisme, l’auditorium de 90 places qui doit permettre d’accueillir des conférences ou encore la cafétéria qui devrait prochainement employer des personnes TSA sont autant d’outils mis au service des professionnels mais aussi du grand public.

Fauteuil-cocon

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Lieu d’écoute, ce nouvel outil se veut aussi lieu d’innovation, comme en atteste « l’espace 360 », présenté par Sylvain Grisard, éducateur spécialisé. Soit un espace recensant les bonnes pratiques en terme d’autisme et montrant par exemple à un enseignant comment organiser sa salle de classe pour aider des enfants autistes.
« On sait qu’une des difficultés pour les enfants TSA est l’appréhension du temps et de l’espace. Des nappes de couleur placées sur les tables peuvent par exemple aider l’enfant à mieux comprendre la fonction d’un lieu. Et des pictogrammes disposés sur une flèche du temps peuvent lui être bien plus utiles qu’un emploi du temps classique », détaille l’éducateur spécialisé.

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Autre exemple d’innovation : les 3 fauteuils Oto, dont la Maison a récemment fait l’acquisition. Imaginé par la designeuse Alexia Audrain en collaboration avec l’hôpital universitaire de Tours, il s’agit de fauteuils-cocons enserrant la personne qui s’y assoit au moyen de parois gonflables et dégonflables, ce qui diminuerait l’anxiété ressentie par certaines personnes autistes.
« C’est trop joli ici ! », s’exclame à son tour Apollinaire, élève de 6e venu avec ses parents découvrir les lieux. Cet élève scolarisé dans un dispositif Ulis (Unité localisée pour l’insertion scolaire) au collège Jules-Ferry à Paris, qui aimerait devenir architecte, n’a pas manqué une miette des explications de Karima Mahi, architecte du bâtiment en collaboration avec Anne-Sophie Brychcy.
« C’est important d’avoir une telle structure qui peut être un lieu d’échanges, de compréhension sur ce qu’est l’autisme. Et puis, le fait qu’il soit à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, je trouve que c’est un symbole fort », renchérit sa maman Herveline, par ailleurs représentante FCPE au Conseil départemental des parents d’élèves de Paris.
Evidemment, cet outil ne réglera pas d’un coup de baguette magique les très fortes carences qui existent en matière de prise en charge du handicap et plus particulièrement de l’autisme en Seine-Saint-Denis. 2500 élèves scolarisés en milieu standard se retrouvent ainsi sans AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) dans le département, essentiellement par manque de valorisation de la profession. Et 2500 autres sont en attente d’une place en IME (Institut médico-éducatif), avec comme conséquence, dans 4 cas sur 5, leur déscolarisation partielle ou totale, comme l’a encore signifié récemment le président du Département Stéphane Troussel au gouvernement à l’occasion de la Conférence nationale sur le handicap.
Pour autant, l’arrivée de la Maison de l’Autisme à Aubervilliers marque une étape importante. « Bien sûr, il reste encore tellement de choses à faire, jugeait à son tour Candice Mollaret, médiatrice d’un groupe de parole à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, venue elle aussi visiter les lieux. Mais là, au-delà du symbole, on se retrouve avec un outil qui présente l’avantage de donner une vraie visibilité à l’autisme ».

Christophe Lehousse

- Les rendez-vous à venir :
Les 21, 28 et 5 juillet, la professeure Catherine Barthélémy, pédopsychiatre spécialiste de l’autisme, échangera avec les familles lors de 3 sessions consacrées à chaque fois à une thématique : Que sait-on de l’autisme ? Comment repérer les premiers signes de l’autisme ? Et L’école et l’autisme.

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