A Sevran, des collégiens décryptent l’info avec Fake off
Fondé en 2015, le collectif de journalistes Fake off entend sensibiliser de nombreux publics aux fake news et à la désinformation dans les médias et les réseaux sociaux. Depuis deux ans, il intervient notamment au collège Evariste-Galois de Sevran. Reportage.
« Ces deux infos sont-elles vraies ou fausses : à c’qui paraît, un homme aurait jeté volontairement sa carte bancaire dans une fontaine à Rome. Et des compagnies aériennes emmènent en ce moment des voyageurs d’un point A au même point A. »
A peine l’énoncé connu, Walid, Moudou, Adel et Daouda mettent le nez dans leurs tablettes, à la recherche de l’info exacte. Les trois premiers nommés, élèves de 4e, et Daouda leur surveillant se sont pris au jeu de l’exercice proposé par l’association Fake Off.
En ce mardi 29 septembre, Margaux Dzuilka, Lisa Monin et Pierrick Bonno, trois journalistes du collectif en question, font connaissance avec les jeunes gens de la classe-relais du collège Evariste-Galois, classe qui regroupe des élèves en difficultés scolaires. Dans les prochaines semaines, ils vont parler ensemble de journalisme, de « fake news » et tenter de savoir comment démêler le vrai du faux dans le flot d’informations qui se déverse quotidiennement sur nos portables ou nos télés.
Au programme des prochaines séances : création d’une Une, d’un Journal télévisé, d’une revue de presse radio et d’une vidéo « debunk », une fausse vidéo virale pour comprendre comment naît une fake news. « Le but est de leur donner des clés pour qu’ils puissent faire le tri entre de bonnes infos et des manipulations. Et ça, ça passe au maximum par les mettre dans la peau d’un journaliste : ils se rendent alors plus compte de la puissance d’une fausse information », expose Margaux Dzuilka, journaliste presse écrite qui a rejoint le collectif l’année dernière.
Aiguiser l’esprit critique
Fondé en 2015 dans la foulée des attentats à Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher, à l’initiative des journalistes Aude Favre et Sylvain Louvet, Fake off a très vite fait le constat d’un fossé grandissant entre la jeune génération et les médias. « Notre but premier est de recréer partout où on le peut un débat entre citoyens et journalistes, de lutter contre la désinformation et d’aiguiser l’esprit critique, resitue Pierre-Hippolyte Senlis, l’un des co-fondateurs. Le point de départ, c’est Charlie. Plusieurs membres fondateurs ont travaillé à Premières Lignes, agence de reporters qui partageait le même bâtiment que Charlie au moment de l’attentat. Ils ont alors trouvé très violent de voir circuler sur les réseaux sociaux différentes théories du complot. C’est comme ça que s’est monté le collectif ».
Mais Fake off ne propose pas ses services qu’aux collèges : sa trentaine de membres intervient aussi dans les lycées, les maisons de quartiers, auprès de personnel recevant du jeune public, un peu partout en France. Avec Sevran, le partenariat est toutefois plus poussé qu’ailleurs, l’association intervenant en résidence sur la ville depuis 2019, projet pour lequel elle a d’ailleurs été récompensée jeudi 1er octobre par les Assises internationales du journalisme. Et dès les vacances de la Toussaint, Fake off étendra aussi ses activités à Aulnay-sous-Bois.
Parole libre, mise en pratique rapide : l’association mise vraiment sur un échange fluide entre journalistes et citoyens, avec comme principal moteur la curiosité. « Pourquoi vous êtes toujours devant le président à lui tendre le micro ? » veut par exemple savoir Adel. Pierrick Bonno, journaliste politique à RMC, se charge de lui répondre : « Le président et les autres membres du gouvernement tiennent leur pouvoir du peuple, c’est ce qu’on appelle une démocratie. Donc il est logique d’aller leur poser des questions parce qu’ils doivent rendre des comptes au peuple » « Certains médias sont des menteurs », marmonne le même Adel. « Normalement un média fiable ne ment pas et essaie de ne pas se tromper. Son but est justement de chercher la vérité. C’est aussi ça qu’on veut un peu vous apprendre : à avoir des sources fiables parmi les médias et les réseaux sociaux », explique Margaux.
Mise en pratique
Et plutôt qu’un long discours, on passe vite aux ateliers pratiques. « J’ai entendu qu’un astéroïde allait bientôt frapper la terre, en novembre... », lâche Walid. Après une petite recherche informatique, cette annonce fracassante se dégonfle bien vite : selon « La Dépêche » par exemple, le terrible astéroïde a 1 chance sur 240 de tomber sur terre et il est si petit qu’il terminera en étoile filante. « Vous voyez, ça c’est un cas de figure intéressant », pointe Lisa qui en profite pour sensibiliser les élèves à la notion de source et de recoupement de l’information. Et pour se dépêtrer dans le marigot de l’information, les trois journalistes donnent aussi quelques astuces : « quand vous voulez vérifier la fiabilité d’un site d’information que vous ne connaissez pas, vous pouvez vous servir de Decodex ou de Newscoach » (outils développés par Le Monde et la société indépendante Storyzy, ndlr).
Tout à coup, la sonnerie retentit. Les deux heures de cours sont passées en un rien de temps. Walid est plus loquace qu’au départ : « J’ai bien aimé. Je retiens de ce cours qu’il faut vérifier les informations qui nous parviennent, pour ne pas propager certaines rumeurs. Je vais sans doute en parler aux copains ». Soukayna El Alaoui, leur professeure de classe-relais, est elle aussi satisfaite de la séance : « J’ai choisi de faire appel à cette association parce que je voyais que ça marchait déjà bien l’année dernière avec une autre classe. C’est à la fois une bonne manière pour les élèves de découvrir le métier de journaliste et de démonter certaines idées reçues. Car il y a chez beaucoup une défiance des médias, auxquels ils reprochent de dénigrer les banlieues. Et puis, ça leur permet aussi de voir les pièges dans lesquels il ne faut pas tomber. »
Pour l’énoncé initial proposé par Fake off, on vous laisse chercher à votre tour…
Christophe Lehousse
Photos : ©Nicolas Moulard
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