À Noisy-le-Sec, l’étonnante cité Merlan

À Noisy-le-Sec, l’étonnante cité Merlan
Mémoire

Conçue entre 1945 et 1951 pour des familles sinistrées de guerre, cette cité expérimentale qui aura vu l’édification de 55 maisons individuelles existe encore aujourd’hui.

Une maison en bois couleur crème, une autre à l’armature métallique… ça n’en a pas l’air mais derrière les haies de l’avenue du Général-Leclerc, à Noisy-le-Sec, se cache une curiosité urbanistique de Seine-Saint-Denis. Et même, n’ayons pas peur des mots, de France !

« Premier chantier expérimental entièrement dédié à l’habitat individuel, la cité d’expérience de Noisy- le-Sec est emblématique de cette recherche pour inventer la maison de demain au sortir de la guerre de 39-45 », explique Hélène Caroux, historienne au service du patrimoine culturel du Département. Et celle qui a dirigé un ouvrage sur le sujet en 2012 rappelle le contexte : en avril 1944, Noisy-le-Sec est bombardée massivement dans le cadre des opérations de la Libération. Pour reloger ses habitant·e·s au sortir de la guerre, le tout nouveau ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) mise sur le logement collectif, sans délaisser l’habitat individuel.

C’est ainsi que, à Noisy-le-Sec, dans une zone à l’époque maraîchère, sortent de terre progressivement, entre 1945 et 1951, 55 maisons préfabriquées.

« Le cahier des charges était précis : il fallait que ce soit des matériaux qui ne nécessitent pas une trop grande transformation et qui puissent être assemblés sans beaucoup de main d’œuvre. Tout cela sans négliger la qualité de vie : des surfaces minimum étaient donc imposées pour les chambres », détaille l’historienne.

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55 maisons préfabriquées

Parmi les habitations édifiées à l’époque, il y a celle de Jean-Pierre et Suzanne Savoldi, établis à Merlan depuis 1995 : «  Notre maison a été conçue dans les dernières, à la fin des années 40. Son originalité, c’est notamment sa façade en dalles avec des injections de cailloux. C’est fantastique, parce que ça ne bouge pas dans le temps », souligne Jean-Pierre Savoldi à propos de leur demeure Guelain. « Car chaque maison porte le nom de son concepteur », explique sa femme en montrant du doigt la maison Brissonneau et Lotz des voisins, tout en métal. Le tout-à-l’égout, les cuisines équipées, la salle d’eau n’étonnent bien sûr plus du tout de nos jours.

« Mais à l’époque, c’était une petite révolution. Il y avait aussi des bacs à laver le linge, des passe plats : tout était pensé pour faciliter le quotidien », pointent les Savoldi, qui, eux, ont gardé la porte et la baignoire d’origine.

Les bénéficiaires des débuts ? Des familles noiséennes sinistrées de guerre ou dans le besoin, à qui le MRU louera les habitations à des loyers défiant toute concurrence.

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Inscriptions à la craie

Autre originalité de cette cité expérimentale : sa dimension internationale. Parmi les 55 demeures édifiées, figurent ainsi 26 réalisations étrangères. Car dans un souci de comparaison avec le savoir-faire français, le MRU a fait appel à des constructeurs suédois, finlandais, suisses ou américains. Philippe Prénat est ainsi l’heureux propriétaire depuis 2000 d’une maison américaine City Lumber 17. « Lorsqu’on a visité la maison en 2000, on en est tombés amoureux. À l’époque, j’avais une passion pour tout ce qui est américain, j’avais même restauré une voiture américaine », raconte ce passionné de voyages, steward dans une compagnie française. Ici, c’est une autre ambiance que dans la maison Guelain : chez les Prénat, toute l’ossature est en bois, plus exactement en pin d’Oregon. « Elle a été fabriquée dans le Connecticut, acheminée par bateau puis par la route depuis Le Havre. Au grenier, je suis même tombé sur de vieilles inscriptions à la craie : c’était marqué “La Havre” et “Ray Walsh, to mill”, qui était vraisemblablement le nom de la scierie où avaient été découpés les panneaux de bois… »

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Inscrite au titre des monuments historiques

Soumises aux aléas du temps, parfois dégradées, de nombreuses maisons de Merlan ont toutefois traversé les vicissitudes de l’histoire. Évidemment, voilà bien longtemps que le dernier bail a expiré, les maisons ont été ouvertes à la vente au début des années 80 mais le charme désuet de Merlan opère encore.

Inscrite au titre des monuments historiques, il n’est pas rare que la cité accueille des grappes d’étudiant·e·s en architecture ou des personnes en goguette pour les Journées européennes du Patrimoine. « Moi, j’ai une âme de greeter, d’hôte, conclut Philippe Prénat. Ça ne me dérange pas de montrer et d’expliquer ce quartier que j’aime. » Renouant ainsi avec l’esprit initial de la cité expérimentale, qui obligeait contractuellement les premier·ère·s résident·e·s de Merlan à ouvrir leurs portes aux visiteurs et visiteuses deux fois par semaine.

Crédits photo : Ministère de la Transition écologique / Fonds Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, Éric Garault

Tous les commentaires2

  • Bruguier Serge

    J’ai habité 23 ans Noisy-le-Sec;quand j’étais enfant,vu le peu d’argent que nous avions,nous allions souvent le dimanche nous promener dans cette cité,car c’était le plus beau coin de verdure à proximité du Petit-Noisy;de temps en temps,nous nous autorisions un voyage en bus jusqu’à la Dhuys,à Clichy.

    • Christophe Lehousse

      Merci pour votre témoignage. Content que ça vous ait fait repenser à des moments heureux.

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