A Clichy-Montfermeil, l’arrivée d’un tramway nommé désir
Depuis le samedi 14 décembre, le tramway T4 arrive enfin à Clichy-Montfermeil. Cette réalisation, menée conjointement par la Région, l’État, les quatre villes impliquées et le Département, était attendue de longue date par les habitants de ces zones mal desservies jusqu’alors par les transports en commun.
Accoudé près de l’arrêt Mairie de Clichy, Samir attend patiemment que les officiels sifflent le top départ du tramway. Habitant du Haut-Clichy, cet étudiant en informatique qui fait presque quotidiennement le trajet vers son école de Villejuif n’aurait manqué l’arrivée du T4 dans sa ville pour rien au monde. « Ce tram, c’est vraiment une bonne nouvelle, surtout pour les étudiants comme moi. Actuellement, il faut compter 3h aller-retour pour aller à Paris en bus puis en RER, quand tout se passe bien. Ça fait énormément de temps passé dans les transports et d’après moi, c’est un des facteurs qui dissuadent pas mal de jeunes Clichois d’entamer des études. Là, le tram représente un gain de temps. Petit à petit, Clichy sort de son isolement », estime le jeune homme.
Des anecdotes sur l’odyssée que représente un voyage à Paris, pourtant distant à vol d’oiseau de 14 petits kilomètres, presque chaque Clichois est capable d’en raconter. Comme Marie-Line. Cette tapissière d’ameublement prend chaque jour le bus pour se rendre à son travail dans la capitale. « Je ne vous dis pas comme les bus sont bondés, presque jamais à l’heure... Là, ça va un peu accélérer le mouvement et désengorger aussi les autres types de transport », se félicite la quinquagénaire. Cet enclavement dû à une mauvaise desserte en transports en commun et aux excès passés du tout-voiture, Clichy et Montfermeil en ont très longtemps souffert, en particulier après la fermeture des principales industries du territoire, à la suite du choc pétrolier de 1973.
Ou pour le formuler comme Olivier Klein, l’actuel maire de Clichy-sous-Bois, au moment des discours officiels : « Nous étions une belle oubliée sur notre plateau, et les habitants en étaient évidemment pénalisés. Là, on retrouve ce lien essentiel à Paris, à des opportunités économiques, des échanges. Et demain, autour de ce tram, nous allons aussi pouvoir poursuivre le renouvellement urbain de nos villes. », rappelait l’édile aux côtés d’un Jean-Louis Borloo qui aura mis en œuvre le premier plan ANRU (Agence nationale pour la Rénovation urbaine) en tant que ministre de la ville en 2004.
La nouvelle branche du T4, c’est en effet 8 stations entre Montfermeil et Pavillons-sous-Bois, passant par Clichy-sous-Bois et Livry-Gargan. Au printemps 2020, une 9e se rajoutera, le T4 devant pousser jusqu’à l’hôpital de Montfermeil. A la station Gargan, le nouveau tronçon connecte désormais avec l’ancienne portion du T4, celle reliant Bondy à Aulnay, qui existe elle depuis 2006. Soit 25 minutes pour se rendre de Clichy à Bondy quand il en fallait auparavant 40 en bus. Ecologique, silencieuse et régulière, la star du jour ne s’attirait que des louanges. « Moi qui suis handicapé, ça va me changer beaucoup. Pour aller au marché à Livry, je devais prendre le bus et les arrêts étaient loin de chez moi. Et puis, j’étais toujours obligé de laisser passer un ou deux cars jusqu’à ce qu’ils mettent la rampe et que je puisse monter. Là, le tram, c’est beaucoup plus facile d’accès. On se sent un peu plus pris en compte », souriait Georges, habitant du quartier Bois du Temple à Clichy. « Peut-être que ça attirera aussi un peu d’activité économique », espérait Nadine pour ses petits enfants. Petite ombre au tableau, Claudine redoutait elle quelque peu la gentrification et « la hausse des loyers qui pourrait aller de pair », tout en soulignant avec justesse cette ironie de l’histoire : « Jusqu’en août 1938, Clichy et Montfermeil avaient déjà un tram. Il leur en aura fallu du temps pour s’apercevoir que tout le monde n’a pas une voiture... »
Mais globalement, à Clichy comme à Montfermeil, on entendait samedi un seul son de cloche (du tramway) : la satisfaction. L’inauguration s’inscrivait certes dans un mouvement social dur autour de la réforme des retraites, mais la journée semblait une parenthèse joyeuse pour beaucoup. A midi, c’est à la présidente de région Valérie Pécresse qu’il revenait de donner le go officiel à Nassima, « une conductrice » comme le faisait remarquer l’élue d’Ile-de-France. Youyous et tambours accompagnaient le lancement comme pour un mariage, celui de Clichy avec le temps retrouvé.
Imaginée pour la première fois en 2005, cette réalisation aura mis du temps à aboutir. Financé par la région, l’État et Ile de France mobilités pour un budget total de 370 millions d’euros, le projet aura demandé une longue coordination entre les 4 villes concernées et aura aussi reçu le concours du Département sur des questions d’insertion urbaine.
« Ce tram, c’est un signal fort qu’on envoie à tous les habitants de Seine-Saint-Denis : on veut leur dire qu’ils sont des citoyens à part entière, soulignait ainsi Stéphane Troussel, le président du Département. Et les efforts ne doivent pas s’arrêter là : le Département contribue à de nombreux projets de transport à travers le financement d’Ile-de-France mobilités et veille aussi à ce que l’État joue son rôle de son côté, comme il s’y est engagé. » Avec l’arrivée de la ligne 16 du Grand Paris Express début 2025 et le T ZEN 3, un bus à haut niveau de service devant relier en 2022 la Porte de Pantin et la gare de Gargan, les interconnexions devraient en effet se multiplier pour les Clichois. Sous réserve que les délais du Grand Paris Express, déjà repoussés une première fois par la Société du Grand Paris, soient tenus…
« Presque 50 ans que j’habite à Clichy et je trouve que ça va dans le bon sens », concluait Nadine, soignante retraitée de l’hôpital de Montfermeil. Dans les 15 nouvelles rames déjà bien pleines, on voyait pas mal de sourires sur les visages et sur les lèvres de certains voyageurs, on lisait les noms des nouvelles stations : Mairie de Clichy, Romain-Rolland, Clichy-Montfermeil, Notre Dame des Anges, Arboretum… On jurerait même avoir vu des passagers faire l’aller-retour sans descendre.
Christophe Lehousse
Photos :©Nicolas Moulard
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