Vous regardez LC Mag’, l’émission par et pour les jeunes
Réaliser une émission de société de qualité professionnelle : c’est le pari que se sont lancé une quinzaine de jeunes de La Courneuve, soutenus par le service jeunesse de la ville. REPORTAGE à l’occasion de leur deuxième édition, sur le thème de la rénovation urbaine et du Grand Paris.
« Bienvenue dans LC Mag’, l’émission dont le credo est : n’attendez pas qu’on vous donne la parole, prenez-la » Rose à la boutonnière, habillage à l’américaine, décors « stylés » : Malika et Isma jouent les présentateurs comme s’ils avaient fait cela toute leur vie.
Impliquant jusqu’à 15 jeunes accompagnés par le service municipal jeunesse de la ville (SMJ), l’émission LC’ Mag se tournait mercredi 8 novembre à la Maison de la citoyenneté de la Courneuve dans des conditions dignes de professionnels.
Et loin d’un talk-show creux et tape à l’oeil, le LC Mag’ prouvait qu’il a aussi du fond. Après une première édition en janvier autour du rapport des jeunes aux institutions de la République, le thème de cette seconde émission n’était pas non plus anodin : « Faut-il démolir les tours ? » Une question plus que d’actualité vu le lieu de tournage : à deux pas de la cité des 4000, vendue comme le nec plus ultra de l’habitat collectif dans les années 60 avant que les lendemains chantants ne déchantent : dégradation rapide des matériaux, sensation d’enclavement, abandon progressif de mixité sociale.
Depuis 1986, pas moins de 6 tours ont ainsi été démolies dans le cadre de la rénovation urbaine à La Courneuve : de Renoir au Petit-Debussy en passant par Balzac ou encore Présov. Une rénovation urbaine perçue comme une évolution positive par l’opinion publique mais à nuancer pour certains habitants du cru : au nom de l’attachement à des lieux d’enfance ou parce que les relogements ont parfois disloqué les liens de voisinage, les démolitions n’ont pas toujours été bien vécues aux 4000…
Par les jeunes de A à Z
« Pour en parler, nous accueillons tout de suite sur ce plateau deux invités de marque : l’actrice Sabrina Ouazani, qui a grandi aux 4000 et l’architecte Antoine Viger-Kohler, dont l’agence travaille sur la construction de la gare des 6-Routes, dans le cadre du Grand Paris » Derrière leurs caméras, Doriane, Bryan et Younès se concentrent pour cadrer au plus près les deux invités.
Car l’émission n’est pas uniquement présentée par les jeunes : de la préparation - qui a duré un mois et demi - à la réalisation, ils ont tout conçu de A à Z, uniquement accompagnés par le SMJ et la boîte de productions Invidia.
Et le conducteur est riche et varié : reportage journalistique, sketches de Youtubeurs, intermède musical, il y en a pour tous les goûts. Isma, le jeune présentateur, attaque bille en tête : est-ce que toutes ces destructions valaient le coup ? La réponse de Sabrina Ouazani, qui a vécu toute son enfance au 12e étage de la barre Balzac, détruite en 2011, est un peu à l’image du ressenti de beaucoup d’habitants des 4000 : « Le jour J de la destruction a été un déchirement. Forcément, j’ai des milliers de souvenirs liés à cette tour. Et ça me fait quand même quelque chose quand je me dis que je ne vais jamais pouvoir revenir là où j’ai grandi. Dans certains cas, je pense que la démolition s’imposait. Mais ça ne se fait jamais sans heurts. Par exemple, ma maman a été relogée à Drancy. L’appartement était bien, mais elle me disait souvent : mes amies me manquent. Il y a une nostalgie et un manque, c’est indéniable. »
Derrière la question des démolitions se profile aussi l’actualité, encore plus brûlante, de la métropole du Grand Paris. Présenté uniformément comme un bienfait pour le territoire à travers les transports qu’il apporterait, le concept a toutefois été relativisé par les journalistes en herbe. Apolline, en seconde au lycée Jacques-Brel, s’est ainsi fait le porte-voix de certains habitants craignant que le Grand Paris ne rime avec gentrification, autrement dit avec une flambée de l’immobilier qui rejetterait les populations modestes encore plus loin.
« Sur la Courneuve, c’est vrai qu’il y a des risques de gentrification. Il faut le savoir pour justement pouvoir contrôler ces dérives. Après, l’avantage du Grand Paris, c’est que ce n’est pas un modèle centralisé comme Paris. Le concept intérieur/extérieur propre au périphérique parisien disparaît », intervient à ce sujet Antoine Viger-Kohler, architecte de l’agence TVK justement chargée de dessiner la gare des 6-routes, une future station du Grand Paris Express.
Sur ce même chapitre, Gilles Poux, le maire de la Courneuve, lui aussi invité de l’émission, se veut également rassurant : « Aujourd’hui, La Courneuve intéresse, c’est vrai. Face à ce risque de gentrification, nous avons décidé de nous battre pour la reconstruction de logements sociaux. Ainsi, nous imposons systématiquement 30 % de logements sociaux sur les projets de promoteurs privés. »
Mais l’émission, parrainée par le Noiséen Mouloud Achour et d’ailleurs un peu inspirée de son Clique Dimanche sur Canal+, pratique aussi les changements de ton et de style. Dans la séquence suivante, on retrouve ainsi le collectif des Youtubeurs, qui décline le sujet dans un mode parodique. Leur angle : imaginer l’arrivée des Parisiens à La Courneuve du fait de la mutation du Grand Paris. Réactions, traits d’esprit, interviews se succèdent.
Des armes pour la suite
A la fin du conducteur, toute l’équipe se tombe dans les bras. Après avoir été félicitée par Sabrina Ouazani, Malika, 20 ans et présentatrice d’un jour, confie : « Je trouve ça super qu’on puisse creuser des thèmes qui nous tiennent à coeur. La rénovation urbaine par exemple, c’est un sujet qui concerne beaucoup d’entre nous. Mes parents, ça les a touchés directement : ils habitaient à Renoir puis on a été relogés au Mail de Fontenay avant d’être à Cosmonautes. Certes on a gagné en espace, mais la qualité des matériaux est nettement moins bonne. C’est important de rappeler que tout n’est pas rose, même dans la rénovation urbaine. »
Steeve Cark et Vincent Battal, encadrants sur ce projet, avaient eux aussi les yeux qui brillaient. « Clairement, ce type d’initiatives va leur donner des armes pour la suite. C’est important qu’ils comprennent qu’ils sont tout aussi capables que les autres, qu’il n’y a pas besoin de venir du 16e ou d’avoir fait Polytechnique pour prendre la parole », expliquait Vincent Battal, émerveillé par « l’énergie de ces adultes de demain ».
Et effectivement, Doriane, en 4e au collège Poincaré, ne disait pas autre chose : « C’est une super bonne idée, parce que ça nous incite à faire des projets comme les adultes. La preuve : moi au début, je prenais ça comme un passe temps. Maintenant c’est plus que ça : je ressens une vraie volonté d’engagement. » Alors ne zappez pas, LC Mag’ revient bientôt avec un prochain numéro…
Christophe Lehousse
Photos : © Virginie Salot / Ville de La Courneuve
Retrouvez ici la 2e émission du LC Mag, datée du 8 novembre 2017.
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