Une exposition itinérante commémore le convoi des « 31000 »

Une exposition itinérante commémore le convoi des « 31000 »
Exposition

Le 24 janvier 1943, 230 femmes résistantes, emprisonnées au fort de Romainville, étaient déportées par les nazis à Auschwitz. 49 revinrent de ce camp de concentration et d’extermination. Pour célébrer la mémoire de ce convoi de déportation singulier, le Département et le Musée de la Résistance nationale ont coproduit une exposition qui fera cette année le tour d’une partie des collèges du territoire. Elle est accueillie en avant-première aux Lilas, à deux pas du fort de Romainville.

Elles s’appellent Charlotte Delbo, Danielle Casanova ou encore Jeanne Alexandre. Femmes résistantes, elles ont toutes en commun d’avoir combattu la barbarie nazie, d’avoir été détenues au fort de Romainville puis déportées à Auschwitz dans le même convoi, le 24 janvier 1943. Seulement 49 survécurent à cet enfer, et les 49 qui revinrent ont continué à militer et à dire leur refus du racisme, de l’antisémitisme et des politiques de discrimination.


80 ans après, le Département et la ville des Lilas, sur laquelle se trouve le fort de Romainville où étaient emprisonnées ces 230 combattantes avant leur déportation, ont choisi de célébrer leur mémoire à travers une exposition itinérante, à destination des collégiens du territoire. « Il est capital de transmettre la mémoire du combat de ces femmes, à l’heure où les derniers grands témoins de l’histoire sont en train de disparaître et où l’on voit resurgir de loin en loin des tentatives de révisionnisme ou de négationnisme. », insistait lors de la présentation de l’exposition Dominique Dellac, vice-présidente chargée notamment du patrimoine culturel et de la mémoire.

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La vice-présidente du Département à la Mémoire, Dominique Dellac

Particulièrement investi dans les enjeux de mémoire, le Département a d’ailleurs choisi de commémorer à plusieurs reprises les 80 ans qui nous séparent de l’année 1943, tournant dans la deuxième Guerre Mondiale et dont plusieurs actes se seront joués sur le territoire même de la (future) Seine-Saint-Denis.

Des femmes engagées

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L’historien Thomas Fontaine présente l’exposition

Avant d’être présentée dans les collèges, l’exposition sera visible du grand public jusqu’à fin janvier dans le hall de la mairie des Lilas. Sur ses panneaux, didactiques et émouvants, on en apprend davantage sur la destinée courageuse et tragique de ces 230 femmes. Pourquoi 31 000 d’ailleurs ? « Parce qu’à leur arrivée à Auschwitz, ces femmes se virent tatouer un numéro allant de 31 625 à 31 854. Pour deux tiers d’entre elles, c’était des militantes communistes. Il y avait aussi des gaullistes ou simplement des femmes révoltées par les lois raciales de Vichy et qui avaient caché des Juifs. Mais quelle qu’ait été leur orientation politique, elles avaient toutes en commun la défense du socle républicain et des valeurs de démocratie », explique l’historien Thomas Fontaine, auteur des textes de l’exposition.
« Pour cette exposition, on a notamment voulu mettre l’accent sur leur solidarité et leur engagement. Toutes, celles qui sont connues comme les plus anonymes d’entre elles, ont été portées par un engagement hors du commun, qu’elles auront même repris après leur déportation, pour celles qui en seront revenues », poursuit ce spécialiste de la question.
Militante communiste, Charlotte Delbo prendra ainsi la plume après son retour d’Auschwitz pour raconter l’histoire des 31 000 dans son récit bouleversant « Le convoi du 24 janvier » et répondra au négationniste Robert Faurisson. Journaliste et photographe avant guerre, Marie-Claude Vaillant-Couturier témoignera elle dans les grands procès contre les criminels nazis comme celui de Nuremberg.
Bien conçue, l’exposition a notamment l’intelligence de ne pas en rester aux statistiques, mais de mieux nous faire connaître les vies de ces femmes. « On a fait appel au dessinateur Antoine Silvestri pour dessiner les visages des 10 femmes qu’on avait retenues, car on voulait plus d’humanité et d’empathie dans les portraits que les clichés anthropométriques pris à leur arrivée à Auschwitz », commente encore Thomas Fontaine qui espère maintenant passer à la vitesse supérieure dans la transmission de la mémoire de ces femmes résistantes.

Projet d’un Mémorial au Fort de Romainville

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Commémoration des 80 ans du départ du convoi des 31000, dimanche 22 janvier 2023.

Depuis vingt ans, la ville des Lilas et un collectif d’historiens militent en effet pour que le Fort de Romainville, actuellement fermé au public à l’exception des Journées du Patrimoine, devienne un Mémorial national des femmes dans la Résistance et la Déportation. « La première des urgences, c’est de préserver les graffitis des prisonnières qui restent dans la casemate 17 du fort, pour qu’ils résistent au passage du temps et à l’humidité. Et puis, il y a donc ce projet que nous défendons fermement d’ouverture d’un musée dans ce lieu chargé d’histoire mais méconnu du grand public », pointait Lionel Benharous. Le maire des Lilas indiquait par ailleurs avoir obtenu de la secrétaire d’État à la Mémoire Patricia Miralles la mise à disposition de 300 000 euros pour des travaux de préservation de cette casemate.
En attendant de pouvoir visiter le fort, ce morceau d’histoire, les collégiens du Département pourront en tout cas découvrir l’histoire du « convoi des 31 000 » à travers l’exposition, sur ces 230 femmes qui peuvent leur paraître lointaines, mais qui se seront aussi battues pour eux.

Christophe Lehousse
Photos : ©Franck Rondot

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