Seniors

Les vieux dans les yeux

Dans le sillage de la journée internationale des personnes âgées, la Semaine bleue, qui avait lieu jusqu’au 8 octobre, a été l’occasion pour les acteurs qui travaillent régulièrement auprès des aînés, de rendre plus visibles les actions menées en direction des personnes âgées isolées. Et aussi de sensibiliser le grand public sur la place et le rôle social que jouent les seniors dans notre société.

Quelque 300 000 personnes de plus de 60 ans « sont dans un isolement extrême en France », selon une étude menée par Les petits frères des Pauvres et publiée en septembre dernier, à l’occasion de la journée internationale des personnes âgées. Une situation que l’association laïque qualifie « de mort sociale ». Département le plus jeune de la région Île-de-France — un peu plus d’un séquano-dionysien sur cinq a entre 15 et 29 ans — la Seine-Saint-Denis n’échappe pas à cette réalité.

« Près de 25 % des plus de 75 ans vivent le sentiment d’isolement, ils sont 46 % chez les plus 80 ans. Et plus l’âge augmente — s’accompagnant souvent d’une perte d’autonomie qui ne permet plus de se déplacer ou moins — plus ce sentiment croît. La Seine-Saint-Denis est, par ailleurs, le territoire où la demande d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) augmente le plus en France », explique Isma Zalambani-Osmane, conseillère technique sociale du service population âgée au sein de la direction de la Population Agée et des Personnes Handicapées (DPAPH).

La précarité socio-économique est également un facteur qui concourt à l’isolement indique la conseillère. « 11 % des plus de 65 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté dans notre département contre 6,9 % en Île-de-France. Quand les moyens manquent pour sortir ou aller au cinéma, maintenir une vie sociale devient vite complexe », relève-t-elle. Et les effets sur les personnes sont lourds : défaut de soins, accroissement du besoin en accompagnement face à la perte d’autonomie, repli sur soi, déprime, dépression voire suicide. Dans ce contexte, et au regard du vieillissement de la population, la lutte contre l’isolement et la solitude des âgés est un enjeu de société majeur.

Afin d’enrayer cette spirale, le Département, chef de fil de l’action sociale sur le territoire, a d’ailleurs inscrit la lutte contre l’isolement des seniors « comme chantier prioritaire de son schéma départemental » depuis 2013 avec au cœur de cette démarche l’amélioration continuelle des conditions de vie des seniors en Seine-Saint-Denis. Une volonté qui s’accompagne d’un budget de quelque 200 millions d’euros chaque année. En avril 2016, il a également signé la charte Monalisa, pour Mobilisation nationale contre l’isolement social des personnes âgées. Objectif de ce dispositif : susciter et soutenir des actions en direction des personnes âgées isolées à leur domicile ou hébergées en établissements (maison de retraite, Ehpad, hôpitaux…). « Nous animons le comité de pilotage Monalisa sur le département en partenariat avec les communes et de multiples acteurs qui œuvrent dans le champ social, celui de la solidarité ou encore de la culture : institutions, associations, centre communal d’action sociale, circonscriptions d’action sociale… », détaille Isma Zalambani-Osmane.

Ce maillage territorial permet aujourd’hui de proposer des dizaines d’actions dédiées aux personnes âgées telles les visites régulières à domicile ou qui favorisent le lien intergénérationnel — une cartographie permet d’accéder facilement à l’ensemble des dispositifs dédiés aux séniors depuis le site internet du conseil départemental. C’est ce que propose la compagnie Ici même et là aussi (imla) à travers « Passe la parole », atelier théâtre et d’écriture réunissant personnes âgées et adolescents autour d’un projet commun tout au long de l’année scolaire. « L’idée est de construire un parcours d’accompagnement intergénérationnel et, parole après parole, de modifier la perception que les uns peuvent avoir des autres car, finalement, jeunes et vieux se côtoient peu », explique Hervé Vincent, chargé de production de la compagnie. Cette année, six projets de création théâtrale collective sont proposés à Pantin, Sevran, Livry-Gargan et aux Lilas, ils donneront lieu à des restitutions sur scène dans les prochains mois.

De son côté, Unis-Cité mobilise également des équipes de jeunes âgés de 16 à 25 ans, dans le cadre de leur service civique dont l’association est à l’origine, pour lutter contre l’exclusion et l’isolement des personnes âgées (uniscite.fr). « A travers notre dispositif Intergénéreux, une vingtaine de jeunes vont aller par binômes, à Bobigny, Pantin et Noisy-le-Sec, à la rencontre de séniors vivant à domicile afin de leur proposer des visites de convivialité, des sorties et des jeux de société ou encore animer, par groupe de 4 à 6 jeunes, des ateliers collectifs sur différentes thématiques : mémoire, cuisine, prévention des chutes… », explique Mathilde Mouton, responsable d’antenne Île-de-France de l’association. Le service civique est une étape de construction de soi au service des autres. Une fois par mois, les jeunes doivent suivre une journée de formation qui aborde, entre autres, des thèmes liés à l’environnement, à la santé et au lien social. Ils bénéficient, en outre, d’un accompagnement afin d’élaborer un projet dans lequel ils peuvent valoriser leur expérience auprès des personnes âgées.

La solitude, ça existe…

L’enquête menée par Les petits frères des Pauvres, dont les bénévoles assurent sur le département plusieurs actions de convivialité et des visites à domicile, révèle également que 6 % des plus de 60 ans, soit 900 000 personnes, vivent dans un isolement profond et n’ont de relation ni avec leur famille ni avec leurs amis. En outre, 15 % ne connaissent quiconque pour partager un repas ou, pour 27 %, pour sortir avec eux. De plus, trois sur dix, 32 %, n’ont personne avec qui échanger des choses intimes ou personnelles. Enfin, 50 % de plus de 60 ans n’ont aucune activité associative et 11 % expriment le sentiment d’être très souvent seuls.

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