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Les jeunes producteurs se serrent les coudes

La productrice de L’Ascension Laurence Lascary a fondé la Fédération des Jeunes Producteurs Indépendants. Les 7 et 8 juin, cette association organise ses Journées ouvertes aux professionnels du cinéma et aux étudiants. Interview de cette ambassadrice In Seine-Saint-Denis.

Vous avez fondé en 2013 la Fédération des jeunes producteurs indépendants. Ses membres sont-ils vraiment si jeunes ?

Le critère pour adhérer à la FJPI est d’avoir moins de sept ans d’activité en tant que producteur délégué. Si on faisait la moyenne d’âge on devrait être autour de 37-40 ans. Je n’ai pas de statistique mais ça doit correspondre à l’âge où on décide de monter une société de production.

Qui sont ces jeunes producteurs ?

Il y a une grande variété de parcours en fait. Certains ont travaillé pour d’autres producteurs, d’autres dans ce métier viennent de la pub. Il y a différents cas de figure. L’année prochaine cela fera cinq ans que l’association existe. On commence à être connu. J’ai l’impression qu’on est en train de franchir un cap mais c’est un travail quasi-quotidien pour se faire connaître des décideurs. On a de plus en plus de partenaires : institutionnels, médias. C’est ce qui va nous aider à devenir incontournables, je pense.

Pourquoi avoir créé vous-même votre boite de production ?

Quand on crée une société de production -il y en a déjà énormément : plus de 5 000 en France- c’est que l’on se dit qu’on est capable d’apporter quelque chose de nouveau et de différent.

Les choses vont-elles mieux pour vos adhérents ?

Non, c’est toujours très difficile. Justement nous menons tout un travail pour rompre l’isolement des producteurs. Pour montrer que ce n’est pas « marche ou crève ». Qu’en ayant une démarche de coopération, une démarche solidaire, on peut faire avancer individuellement les sociétés des uns et des autres. Je ne vais pas vous mentir, c’est un métier très difficile qui repose sur la confiance, sur les relations, donc sur l’expérience. C’est un métier où on doit développer des projets pour qu’ils puissent voir le jour. Le développement coûte cher et pendant ce temps là on doit générer du chiffre d’affaires et payer ses frais généraux. Ça demande de l’ingéniosité, de la patience, de la persévérance.

Être producteur cinéma audiovisuel et faire partie de l’économie sociale et solidaire : est-ce compatible ?

Moi, par exemple j’ai l’agrément social et solidaire. J’ai un autre producteur qui est en scop (société coopérative de production). C’est comme dans n’importe quel autre métier, cela dépend du travail que vous faites, de l’engagement de votre boîte, de son engagement sociétal. Après avec l’association, on monte un projet de groupement d’employeurs pour mutualiser les métiers et aider les entreprises à se développer. On se positionne sur le développement économique tout en ayant conscience de nos responsabilités sociétales.

C’est nouveau comme démarche ?

C’est sûr que ce n’est pas la règle mais on n’est pas la première initiative de ce genre, je pense…

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Le secteur est en pleine mutation. La Seine-Saint-Denis a-t-elle une carte à jouer ?

Oui, la Seine-Saint-Denis a évidemment une carte à jouer car c’est un département jeune. Les jeunes sont en train de prendre possession de tous les outils qui permettent de créer des films. Aujourd’hui on peut faire un film avec un téléphone portable, avec un appareil photo. Tous les gens en ont bien conscience. Ils créent. Ils n’attendent pas qu’on leur donne la permission, comme c’était le cas avant. Avant il fallait de l’argent. Du matériel qui coûte cher, beaucoup de techniciens. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les jeunes prennent leur place par leurs propres moyens. Ils créent par leurs propres moyens. Plateforme web, Youtube, Facebook… c’est en train de bouger car il y a un accès direct à la création et aussi au public. Ça redistribue un peu les cartes, ça démocratise. Si on veut gagner sa vie avec, il faut mettre un pied du côté de l’industrie. Mais internet, c’est quand même un formidable moyen pour se faire connaître et ça ouvre de nouvelles opportunités. Avant, il y avait plus de conditions et de barrières à l’entrée. Ces barrières sont un peu tombées.

Vous producteurs, comment vous vous positionnez vis-à-vis de ces nouvelles formes de création ?

Ça, ça va être une grande question. Ces nouvelles manières de créer ça entraine nécessairement une évolution du métier de producteur. Cela fait partie des sujets qui seront abordés lors de nos tables rondes.

Quel est l’objectif des journées du 7 et 8 juin que votre fédération organise à la Maison de Sciences de l’Homme Paris Nord ?

Cet événement a pour but d’attirer l’attention sur de jeunes producteurs et permettre aux décideurs qui travaillent au sein des chaines télé, de sociétés de distribution de films de venir à notre rencontre, de créer un premier lien avec des personnes que pour la plupart ils ne connaissent pas ou pas beaucoup. On met en commun nos réseaux. En cela, je trouve que c’est très innovant. Chacun va dire « Tiens moi je connais untel chez M6 », « Moi chez Canal + ». Pour faire venir un maximum de décideurs et que ça puisse bénéficier à l’ensemble de nos membres.

Qui sont les décideurs ?

Quelqu’un qui va acheter des documentaires pour France 2, une personne qui va acheter des courts-métrages pour Canal +, un distributeur de films pour le cinéma, un producteur d’une société plus importante qui va venir chercher des produits à coproduire. C’est assez varié. C’est tout type de personnes qui va venir nous aider à monter nos projets.

Ils viennent aussi se ressourcer auprès de jeunes ?

Ils ont une conception de leur métier où il faut être à l’affût de nouveaux projets, de nouvelles opportunités. Donc ils viennent explorer ce qu’on a à proposer.

Ce sont des chasseurs de têtes ?

Oui en quelque sorte. C’est du business. Quand on cherche à investir. C’est comme une société qui cherche de la croissance externe et qui cherche à investir.

Les chaines télé soutiennent-elles les jeunes producteurs ?

Si elles le font ce n’est pas dans une optique philanthropique. Si elles pensent que le projet est valable, elles vont y prendre part.

L’ambiance de ces journées est plutôt business- business ou conviviale ?

C’est très convivial car les relations interpersonnelles dans nos métiers sont extrêmement importantes. C’est comme ça qu’on crée des liens et que derrière on peut avoir envie de se revoir, avoir envie de travailler ensemble. C’est un peu incontournable.

Combien de personnes attendez-vous pour ces journées ?

Entre 250 et 300 personnes. D’un côté, il y aura les tables rondes, les réflexions, les ateliers et le marché le 7 juin où l’on fera se rencontrer les producteurs et les décideurs. Ces journées sont gratuites pour les étudiants. Attention, inscrivez-vous vite le nombre de places est limité.

Vous-mêmes, jeunes producteurs vous intéressez-vous aux jeunes réalisateurs débutants ?

De fait de toute façon, quand on est jeune producteur, on travaille nécessairement avec de jeunes auteurs. Car les talents plus reconnus ne vont pas aller s’embarrasser avec un jeune producteur qui va mettre trois ans à développer un film, là où un producteur plus aguerri va mettre six mois. C’est dans l’ordre naturel des choses que des jeunes producteurs accompagnent de jeunes auteurs.

Et pour les auteurs ?

Ce qu’on demande aux décideurs, on se l’applique aussi en organisant régulièrement ce qu’on appelle les marchés aux producteurs :le JJPI urban tour où on permet à des auteurs qui ont des profils autodidactes de présenter des projets à des producteurs, à nos membres. Ils vont écouter les pitchs. Cela peut aller plus loin avec des collaborations ou des conseils pour améliorer les projets. Voilà un peu notre démarche.

Un bon film c’est d’abord un bon scénario, non ?

Oui. D’ailleurs le métier de scénaristes n’est pas forcément très valorisé. Il n’a pas autant de prestige que le métier de réalisateur. Une des clefs ce serait de voir comment on peut améliorer le statut des scénaristes en France. Quand on voit un film français, est-ce qu’on sait qui l’a écrit ? Non. Aux Etats-Unis, les scénaristes sont en bonne place, au même niveau que les réalisateurs. La nouvelle vague a mis sur le haut du Panthéon ce concept d’auteur-réalisateur. Aujourd’hui on a beaucoup de scénaristes qui veulent être réalisateurs.

Vous avez adapté un livre, d’ailleurs ?

Je suis bien placée pour vous dire que cela nous a pris énormément de temps pour écrire cette adaptation. Ça nous a pris plus de deux ans pour obtenir la version qu’on a à l’écran !

Renseignements sur la Journée des Jeunes Producteurs Indépendants ici.

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