Histoire Associations

Le Cercle généalogique vous emmène dans les couloirs du temps

Pour vivre des aventures et résoudre des énigmes, pas besoin de polar, la famille suffit amplement ! Fondé il y a 30 ans, le Cercle généalogique de l’Est Parisien, basé au Blanc-Mesnil, va vous initier aux secrets des arbres de famille. Plongée dans un univers précis et passionnant.

Ce mardi soir, Bertrand Chaumelle a le sourire. « Je viens de tomber sur une source sur Internet qui me ferait remonter jusqu’en 778, et plus précisément à un roi, Louis Ier le Pieux ! » Autour du sexagénaire, cela chambre discrètement : on lui donne du « Messire » et du « Seigneur ».
Mais au-delà du clin d’oeil, les recherches de Bertrand lui ont beaucoup appris sur sa famille. « Du côté paternel, j’ai pu remonter de manière certaine jusque vers le milieu du XVIIIe siècle, dans le Cantal. Le village dont mes ancêtres seraient originaires s’appelle Chastel-Marlhac. Il n’existe plus aujourd’hui et a été remplacé par Le Monteil. Il me tarde maintenant d’aller sur place pour imaginer la vie de mes aïeux », explique cet habitant du Blanc-Mesnil, gagné par la passion de la généalogie il y a un peu plus d’un an.

Le cas de Bertrand est assez exceptionnel : tomber sur des nobles dans sa famille et pouvoir ainsi progresser à pas de géant dans son arbre grâce à des registres intacts, ça n’arrive pas toujours. Pour tout le reste, il y a le Cercle généalogique de l’Est Parisien. « En règle générale, la Révolution, c’est un cap pas évident à passer, explique ainsi Sébastien Lequeux, président de l’association. Parce que les registres paroissiaux qui faisaient à l’époque office d’état civil ont parfois été endommagés. Alors, il faut ruser, contourner la difficulté... »
Et dans cet art, cette association, qui va fêter cet été ses 30 ans, est passée maître. Recensements de population, fiches matricules de l’armée, échanges avec d’autres associations de la fédération française de généalogie : il y a ainsi mille et une manière de débloquer des situations qui semblent des impasses. « La généalogie, c’est un peu un jeu de piste, une sorte d’enquête policière qui fait appel à nos petites cellules grises », remarque encore Sébastien Lequeux.

JPEG - 92.9 kio

Chaque mardi soir, le Cercle, niché dans le château d’eau du Blanc-Mesnil, propose ainsi à ses membres de résoudre différents problèmes. Chaque adhérent- ils sont une cinquantaine- mène ses recherches sur les différents ordinateurs à disposition. Mais quand l’un d’eux tombe sur un os, les autres viennent l’épauler. « Avant de tomber sur cette association, j’étais coincé », témoigne ainsi Jean-Michel Gras, nouveau membre arrivé il y a seulement 5 mois. Entre 1815 et 1848, je butais sur une ancêtre que je n’arrivais pas à localiser. Et là, Marie, la secrétaire de l’association, m’a fait découvrir les fiches matricules (pour la conscription, ndlr) Du coup, je suis tombé sur l’adresse du mari de cette ancêtre et c’était reparti pour 300 ans ! », poursuit, jovial, cet habitant du Val d’Oise qui s’est mis à la généalogie pour « en faire encore profiter » son père de 95 ans.

De ces multiples recherches surgissent quelques certitudes pour le département, qui soutient du reste financièrement l’association : comme l’ensemble du Bassin parisien, il fut un lieu de passage ou de travail. « Nous avons peu d’adhérents vraiment enracinés en Seine-Saint-Denis. Très vite, on a des arbres dont les branches vont vers la province ou l’étranger », confirme Sébastien Lequeux, lui-même une exception à la règle puisque son arrière-grand-mère avait déjà ouvert une épicerie à Drancy. « En même temps, cela fait aussi comprendre à quel point nous sommes tous le fruit d’un brassage, abonde Geneviève Camus, l’ancienne présidente de l’association qui a passé la main depuis 2 ans. Moi par exemple, j’ai pour habitude de dire que mes ancêtres vont du Cap Finisterre espagnol à Messine. Par les temps qui courent, c’est parfois bon de se rappeler des choses comme ça », insiste cette femme à l’accent rocailleux du Sud-Est.

Passionnés d’histoire en général, les membres de l’association mettent aussi à profit leur rendez-vous hebdomadaire pour avancer dans des travaux moins personnels. En collaboration avec les archives départementales, le Cercle s’est ainsi lancé dans un ambitieux inventaire de tous les soldats nés en Seine-Saint-Denis partis sur le front durant la première Guerre Mondiale. Et édite un bulletin trimestriel très bien documenté. Où l’on peut par exemple apprendre que le chimiste Berthollet, inventeur de l’eau de Javel, habita la Maison Gainville, toujours existante aujourd’hui à Aulnay. Ou que le premier sanatorium de France vit le jour en 1881 à Villepinte.
Mais la généalogie, c’est aussi le contact humain. Et ça, on ne l’oublie pas au cercle du Blanc-Mesnil. Tout là-haut, dans le château d’eau qui abrite leur permanence, les membres finissent donc traditionnellement leur session de recherche autour d’un verre de l’amitié. Ou pour le dire en bon généalogiste, un petit apéro des familles.

Pour rendre visite au Cercle généalogique de l’Est Parisien, écrivez à contact@cgep93.org
Permanences tous les mardis soir au Blanc-Mesnil, 40 avenue de la Division Leclerc et certains samedi après-midis à Noisy-le-Sec
Cotisation annuelle : 38 euros

Christophe Lehousse

JPEG - 75.3 kio

Ils ont fait leur arbre au Cercle :

JPEG - 14.5 kio- Jean Martinot, habitant de Drancy, 80 ans

« La généalogie, je m’y suis mis il y a 4 ans. Ça m’est venu parce qu’une cousine a demandé à son grand-oncle de faire son arbre et on s’y est mis tous les deux. Très vite, je me suis pris au jeu. On s’aperçoit vite que paradoxalement, c’est assez facile de remonter dans le temps avant 1900, mais il y a un trou entre 1900 et nos jours en raison d’une loi qui interdit aux archives publiques de communiquer les actes de naissance et de mariage de moins de 75 ans. De manière générale, je me suis aperçu qu’on sort assez vite de Seine-Saint-Denis. Moi, ce sont mes parents qui sont venus y habiter. Mon père a créé une entreprise d’électricité en 1933 à Drancy. Mais avant ça, mes ancêtres vivaient tous du côté de Thann, en Alsace. Pour beaucoup d’entre eux, c’était des forgerons, qui travaillaient le minerai de fer. D’ailleurs, c’est de là que viendrait mon nom - Martinot- en référence aux marteaux-pilons des forgerons que dans le temps on appelait des martinets. »

JPEG - 14.1 kio- Hervé Salmon, habitant de Drancy, trésorier adjoint de l’association

« La généalogie, je suis tombé dedans il y a assez longtemps, du fait de mon métier : je me suis occupé de l’état civil à la mairie du Blanc-Mesnil. Du côté paternel, je suis remonté le plus loin possible, jusqu’en 1650, date à partir de laquelle il n’y a plus d’archives. Mais ce qui me plaît dans la généalogie, ce n’est pas uniquement remonter le plus loin possible, c’est imaginer la vie des gens, donner un peu de chair à tout ça. Par exemple, j’ai découvert que du côté de mon père, beaucoup étaient forgerons de métier. Ils habitaient les forges de la Hunaudière, un site à côté de Sion les mines, dans l’actuelle Loire-Atlantique. Du côté de ma mère, mes ancêtres étaient vignerons vers Epernay. Mais pas dans le champagne : dans le vin rouge parce que le champagne n’était pas aussi répandu qu’il l’est maintenant. Avec internet, tout va plus vite aujourd’hui, beaucoup d’archives sont numérisées. Mais moi, je préfère quand même me rendre sur place et rêver à comment vivaient mes ancêtres. »

JPEG - 16.8 kio- Chantal Martin, habitante de Noisy-le-Sec

« J’ai commencé à faire mon arbre au sein de l’association en septembre 2016. Parce que ma mère a 95 ans, que c’est encore le bon moment pour lui demander des détails et aussi pour partager des choses avec elle. Je trouve que c’est un beau passe-temps parce que je me fais mon cinéma personnel avec ça. Avec tous les détails que je collecte et mon fort pouvoir d’imagination, je vois revivre mes ancêtres. Par exemple, j’ai une arrière-grand-mère qui me passionne. C’était l’aînée de 6 enfants, qui a eu elle-même 6 enfants. Autant dire qu’avec le travail qu’elle devait aussi réaliser aux champs – elle était femme d’un cultivateur qui vendait sa force de travail – c’était du costaud. Eh bien, je sais où elle est née – dans le Poitou - où elle a vécu, mais je ne sais pas où elle est morte. Mais comme je sais qu’elle a fini ses jours dans la maison d’un de ses fils et qu’elle y est probablement morte, il me reste un espoir. »

Dans l'actualité