Lutte Bagnolet

Koumba Larroque décroche le bronze aux Mondiaux de lutte

A seulement 19 ans, la jeune sociétaire du Bagnolet Lutte 93 s’est parée du bronze pour ses premiers Mondiaux chez les seniors. Après son bronze européen de cet été, elle confirme sa trajectoire d’exception et se pose comme un des porte-drapeaux de la Génération 2024. REPORTAGE.

« C’est génial, je le sentais ! » Dans les tribunes, le président des Diables Rouges de Bagnolet, Didier Duceux, jubile, aux côtés des nombreux licenciés du club venus soutenir Koumba Larroque. La nouvelle recrue du club de Bagnolet – depuis mai dernier - l’a fait : elle est allée chercher la première médaille mondiale chez les seniors de son palmarès, chez les -69kg. A seulement 19 ans…

Face à l’Autrichienne Martina Kuenz, la jeune lutteuse tricolore n’a pas tremblé. Ce combat de la jeunesse (22 pour Kuenz, 19 donc pour Koumba) rejouait l’affiche de la finale des derniers Championnats d’Europe U23 et a connu la même issue : Larroque victorieuse. Sauf que cette fois, c’était pour le bronze.

"Je suis super heureuse. Ca compense la déception de ce matin", rayonnait Koumba Larroque après son combat. La native d’Arpajon, qui a signé chez les Diables Rouges de Bagnolet en mai, faisait là référence à sa défaite d’extrême justesse face à la Japonaise Sara Dosho. Dans ce combat d’ouverture contre la championne olympique en titre, la jeune guerrière aux dents longues avait déjà frôlé l’exploit, s’inclinant finalement 3-3, avec avantage à la Japonaise pour le dernier point marqué.
Après cette déconvenue, l’ancienne sociétaire de Sainte-Geneviève-des-Bois avait pourtant su se remobiliser très vite, ne laissant aucune chance à la Russe Anastasia Bratchikova, dans le combat de repêchage (4-1). Sa concurrente l’avait pourtant battue lors des derniers championnats d’Europe seniors, en mai, où elle était allée chercher l’or.
Mais Larroque prouvait qu’elle avait décidément de la ressource... Confirmant ainsi tout le bien que pensent d’elle ses coaches, Thierry Bourdin et Nodar Bokhashvili (ce dernier officiant d’ailleurs aussi chez les Diables Rouges, en plus de l’équipe de France).

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« Elle est vraiment bourrée de talent. Et encore, elle n’est que juniors 2e année, il ne faut pas l’oublier. Pour moi elle n’est qu’à 60 % de son potentiel », s’enthousiasmait après sa médaille de bronze le coach principal Thierry Bourdin, qui l’a croisée pour la première fois au pôle France de Ceyrat. « Dès que je l’ai vue, j’ai su qu’on avait affaire à un phénomène : elle a des qualités physiques hors normes, et elle a aussi appris à aiguiser son mental »

Après son bronze européen en mai, celle qui a tout gagné en cadets puis juniors se pose donc comme une sérieuse cliente pour les années à venir. « Elle a l’avenir devant elle et elle est déjà au plus haut niveau », jugeait sa partenaire de club et d’équipe de France Mathilde Rivière, un rien déçue par sa médaille en chocolat (5e) de mercredi chez les -55kg.
Ce qui ne l’a pas empêchée de souhaiter vivement la victoire de sa camarade, encouragée chaudement par toute l’Arena de Bercy. « Ce soutien m’a fait beaucoup de bien. Je sais que beaucoup de gens étaient là pour moi, et notamment de mon club, Bagnolet », n’oubliait pas de remercier la nouvelle porte-drapeau de la lutte féminine. Avant de donner rendez-vous pour les Jeux de Tokyo 2020. « C’est mon objectif, clairement, mais avant, je vais prendre quelques jours de vacances et aussi fêter mon anniversaire », lâchait avec le sourire celle qui a soufflé ses 19 bougies il y a 2 jours. Elle s’est déjà fait un beau cadeau…

Christophe Lehousse
photos : FFLutte/Stevan Lebras


Le Mondial de lutte vu par les petits Diables rouges

Les Championnats du monde de lutte étaient aussi l’occasion pour beaucoup de licenciés de Seine-Saint-Denis de s’imaginer à la place des champions de leur club. Reportage en compagnie des jeunes pousses du Bagnolet Lutte 93, l’un des plus gros clubs de cette discipline en France.

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Samy Alyafi apprécie en connaisseur le tombé - l’équivalent d’un ippon au judo - qui vient de terrasser une concurrente mongole. En ce jeudi, le jeune membre du club de Bagnolet en est déjà à son troisième jour aux Mondiaux de lutte à l’Arena de Bercy, et il en redemande. « Ces Mondiaux à la maison, c’est vraiment super ! C’est tellement bon de voir qu’il peut aussi y avoir de l’ambiance autour de la lutte, d’habitude classée sport confidentiel. », explique ce jeune lutteur de 17 ans, habitant de Bagnolet et inscrit chez les Diables Rouges depuis 2013.

A côté de lui, Sacha et Gagik Snjoyan, 17 et 16 ans et Gauthier Bachschmidt, 15 ans, ne perdent pas non plus une miette de ces joutes mondiales. « C’est génial d’être ici. Je n’avais jamais vu une compétition de cette importance en direct, apprécie, les yeux brillants, cet élève de 1ère S. Les tapis sont superbes, et le club a tellement de concurrents en équipe de France qu’on se devait d’être là pour les encourager. »

En effet, Mélonin Noumonvi, Koumba Larroque, Mathilde Rivière, ces champions qu’ils côtoient parfois lors des fêtes du club, sont là, dans l’arène, aux prises avec des adversaires du monde entier. A leurs côtés, les frères Christophe et Steeve Guénot, anciens lutteurs passés eux aussi par Bagnolet, leur prodiguent leurs conseils de médaillés olympiques.

La tête froide

De quoi donner des idées à ces jeunes gens aux yeux pleins de rêves. « Evidemment que je m’imagine à leur place, avoue Samy, qui est d’ailleurs venu à la lutte suite au titre de champion du monde de Noumonvi, en 2014. « A l’époque, je faisais déjà de la lutte au collège Langevin Travail, mais sans plus. Et puis, Mélo a ramené ce titre et cela m’a donné envie de rejoindre les Diables Rouges. J’y ai trouvé une vraie ambiance de famille », raconte-t-il. Alors, marcher dans les traces de son modèle, le jeune homme y songe forcément, lui qui a été sacré cette année champion de France cadets de lutte libre chez les -63kg et qui s’apprête à rejoindre le pôle France de Ceyrat (Puy de Dôme). Mais il s’efforce de garder la tête froide : « Je sais aussi qu’il ne faut pas décrocher à l’école, parce que la lutte, à de rares exceptions près, ne fait pas vivre en France », dit celui qui entre cette année en terminale L.
En cela, Samy a bien intégré les préceptes des Diables Rouges de Bagnolet, l’un des clubs historiques de la lutte en France, qui s’emploie à amener ses sociétaires vers le haut niveau, mais sans sacrifices. « En fait, on s’efforce de donner à chacun de nos 210 licenciés ce qu’ils viennent chercher. De l’exigence s’ils espèrent atteindre le haut niveau, du plaisir s’ils se souhaitent se cantonner à une pratique loisir », explique Didier Duceux, président du Bagnolet Lutte 93.

Pour ce club chaleureux et familial, les Mondiaux de lutte – les deuxièmes organisés en France après ceux de Créteil en 2003 - représentent forcément un temps fort. « Je ne sais pas si cet événement va provoquer un appel d’air pour notre discipline : on reste un sport dur, peu médiatisé. Mais pour nous, en Ile-de-France, c’est quand même une forme de reconnaissance » reconnaît le président des Diables rouges. Et de souligner, pas peu fier, que son club a aussi accueilli avant la compétition l’ensemble de la délégation sud-coréenne, qui était à la recherche d’un centre d’entraînement pour ses lutteurs dans la dernière ligne droite. « Ils ont pu profiter de nos installations. Ca me fait plaisir parce que ça veut dire que notre structure est réellement reconnue à l’international. », insiste-t-il.

La chasse aux préjugés

Et les femmes dans tout ça ? Pas de souci, elles sont bel et bien présentes, dans un club qui se fait fort de développer la pratique féminine. « La lutte, c’est autant un sport de filles que de garçons. Tous ceux qui disent le contraire ne font que donner dans des préjugés », martèle Andrea Duceux. La nièce du président et fille d’Eric, entraîneur du club de Neuilly-Plaisance, a la voix éraillée tant elle a encouragé Koumba Larroque, nouvelle recrue du club et toute fraîche médaillée de bronze de ces Mondiaux. « Si je me suis mise à la lutte, c’est une histoire de famille bien sûr, mais pas uniquement, témoigne la jeune femme de 18 ans, 3e des derniers championnats de France seniors et juniors. La lutte, c’est vraiment le dépassement de soi et la confrontation avec l’adversaire, et c’est ce que je recherchais. D’ailleurs, dans les présentations que nous faisons de temps en temps dans certaines écoles, les filles se montrent de plus en plus intéressées » Et avec le bronze mondial de Koumba Larroque, le phénomène n’est sans doute pas près de s’arrêter.

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