Seine-Saint-Denis 2024

Ghada Hatem, au nom de toutes les femmes

Cette médecin gynécologue obstétricienne s’est battue pour doter le département d’un nouvel outil dans la lutte contre les violences faites aux femmes : la Maison des femmes à Saint-Denis, où sont dispensés conseils et soins. Portrait.

« Quand vous êtes confronté à un problème, vous avez deux solutions : soit courber l’échine et dire que ça vous dépasse, soit vous mettre en quête de solutions.  » Voilà une phrase signée Ghada Hatem, pragmatique par excellence. En 2010, cette chirurgienne spécialisée en gynécologie obstétrique arrive en Seine-Saint-Denis, nommée au poste de cheffe de la maternité de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis. Elle y découvre la grande solidarité entre les personnels, les dispositifs déjà mis en place par l’Observatoire départemental contre les violences faites aux femmes, mais aussi une série de problèmes propres au territoire, liés à une plus grande précarité ou aux phénomènes migratoires.

« Moi qui venais des Bluets et de l’hôpital d’instruction aux armées de Saint-Mandé, c’est sûr qu’auparavant, je n’avais pas eu tellement affaire à des femmes victimes d’excision ou à des problèmes de violence doublés de lourdes problématiques sociales », se souvient la praticienne de 59 ans.
« La Seine-Saint-Denis, c’est un petit bout de France avec des inégalités qu’il faut prendre en charge mais aussi toute sa richesse humaine. Une sorte de laboratoire. C’est la France de demain. », dit cette ambassadrice du « IN Seine-Saint-Denis », qui participe par ailleurs à la campagne « Seine-Saint-Denis 2024 ». Cette campagne lancée par le Département dans un contexte de disparition possible des départements de petite couronne vient rappeler la chance en termes de métissage et de jeunesse que représente la Seine-Saint-Denis pour le pays entier.

A Saint-Denis, cette chirurgienne expérimentée constate notamment que 14 % des quelque 4000 accouchées annuelles à la maternité de Delafontaine ont subi des excisions, parfois même sans en avoir conscience. Et même si le département s’est déjà doté de garde-fous face à cette pratique assez méconnue - « notamment grâce au travail en PMI (protection maternelle et infantile) de la docteur Emmanuelle Piet  » - Ghada Hatem émet l’idée d’une Maison des Femmes pour venir renforcer encore l’arsenal contre les violences faites aux femmes.

En juillet 2016, la praticienne a pu inaugurer cette structure aux murs colorés, adossée à l’hôpital Delafontaine, qui a aussi bénéficié d’une participation financière du Département. Regroupant une vingtaine de personnes, parmi lesquelles des chirurgiens, des sages-femmes ou des psychologues, elle est organisée en trois grands pôles : le Planning familial, pour les questions de contraception et d’interruptions volontaires de grossesse, les violences conjugales, et donc les consultations gynécologiques pour les femmes victimes d’excisions.
«  L’idée est celle d’une prise en charge globale, ponctue Ghada Hatem. En tant que femme victime de violences, si vous devez vous débrouiller toute seule, c’est compliqué. Dans cette Maison des Femmes au contraire, c’est plus facile pour passer d’un service à l’autre et les équipes échangent aussi pour assurer le suivi d’un dossier.  »

Pugnace et sachant en même temps fédérer, cette femme forte ne compte pas s’arrêter là : en février 2018, elle a lancé un crowdfunding sous le slogan « Soyons des Héroïnes » pour obtenir une extension de la Maison des femmes, malheureusement déjà trop petite pour ses 35 à 50 consultations quotidiennes. «  Le but est aussi de transmettre notre expérience et d’inciter à l’ouverture d’autres Maisons des femmes à travers la France », souligne la praticienne. Le combat de Ghada Hatem ne s’arrête jamais : cette femme habituée à déplacer des montagnes n’aura certainement pas peur de pousser quelques murs.

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