"Drancy, au seuil de l’enfer" : exposition des dessins de Georges Horan-Koiransky
Le Mémorial de la Shoah de Drancy expose en ce moment les estampes du dessinateur Georges Horan-Koiransky, témoin particulier de l’internement dans le camp de Drancy, le plus important camp de transit des Juifs en France avant leur déportation vers les camps de l’Est de l’Europe. VIDÉO.
Une longue file de silhouettes, tête basse, marche en rangs serrés vers un bâtiment aux droites dures, sous la surveillance de policiers. Quelques uns se lavent, nus et coude à coude face au lavabo. Un homme traverse la cour, porte deux seaux de café. Des enfants arrivent de la gare du Bourget, sans leurs parents. Durant les deux ans et huit mois de son internement au camp de Drancy, Georges Horan-Koiransky n’a pas cessé de dessiner. Il y est arrivé le 12 juillet, un jour après son arrestation. Son voisin l’avait dénoncé comme juif. Très vite, il découvre la réalité de ce camp. Ici règnent la malnutrition, le désœuvrement, le découragement. Les tensions entre détenus sont permanentes, attisées par le manque nouriture, le dénuement, le froid, le désespoir. Tout cela sous la surveillance des gendarmes français. Georges Koiransky sait dessiner, il a fait les Beaux-Arts en cours du soir et est dessinateur industriel chez Farman. Son talent n’échappe pas à René Blum, frère de Léon et autorité morale du camp. René est à Drancy depuis plus longtemps, il y est arrivé en décembre 1941. René Blum demande à Koiransky de dessiner pour témoigner du quotidien des détenus, d’accopmagner des textes qu’il a commencé à rédiger. Dès qu’il le peut, comme il le peut, Georges Korainsky retrace sur papier le maximum de scènes de la vie de Drancy. Il accumule les preuves du crime qui se joue là, sous ses yeux. La tâche est difficile, risquée. Bien des fois le dessinateur se cache du regard des gardiens derrière les dos complices de camarades. Il cherche à voir le plus possible, pour affiner son témoignage. Bien vite, il comprend avec l’arrivée des femmes dans le camp que ce qui attend les déportés en Allemagne, ce ne sera certainement pas qu’un camp de travail… Pour tout voir, Korainsky se porte volontaire pour la « corvée du Bourget » : accueillir les nouveaux arrivants à leur descente du train. C’est ainsi qu’après la grande rafle du Vel d’hiv, il assiste à l’arrivée d’enfants juifs. Silencieux, apeurés, ils avancent en rang. Pas un parent, pas un adulte qui les accompagne à l’exception de quelques infirmières qui choisissent de rester avec eux, parfois jusqu’au bout... Cette fois, il en est certain, les déportés ne reviendront pas des convois qui partent vers l’Est. On envoie pas des enfants dans des camps de travail…
Finalement, grâce à la mobilisation de ses proches, Georges Korainsky parvient à se faire déclarer « non juif » le 25 janvier 1943 et est libéré du camp de Drancy le 13 mars. Dès sa sortie, il se met à rédiger un journal, autant pour témoigner que pour libérer son esprit des images qui le hante. Mais il n’en a pas fini avec la guerre ; Il s’engage dans la Résistance et se fait appeler Georges Horan. On ne connaît pas précisément son rôle, mais il aurait participé à la libération de Paris. Parralèlement, il poursuit son projet de recueil de dessins, sans l’aide de René Blum, mort à Auschwitz en septembre 1942. Après guerre, il édite à compte d’auteur son recueil de dessins sous le titre Le camp de Drancy, seuil de l’enfer juif.
A deux pas de la cité de la Muette, l’ancien camp de Drancy, l’exposition met en perspective les dessins de Georges Horan Korainsky, les situe dans leur contexte. Les dessins au fusain, au crayon, sont d’autant plus poignants. Ils permettent de mieux comprendre la réalité du quotidien de ces hommes, femmes et enfants internés, persécutés, déportés et assassinés au seul motif de leur appartenance religieuse.
Un recueil pour mémoire
Dans son recueil d’estampes intitulé "Le camp de Drancy, seuil de l’enfer juif", publié en 1947 et jamais réédité, il relate en dessins les scènes auxquelles il a assisté lors de son propre internement en 1942 et 1943. Cependant, jusqu’à très récemment, on ignorait quasiment tout de l’auteur, protégé par son pseudonyme. Depuis peu, grâce à ses proches, il est possible d’en savoir beaucoup plus sur Georges Koiransky (1894- 1986) : croquis, dessins, courriers clandestins et officiels, documents administratifs et photographies et, enfin, un Journal d’internement inédit, écrit en 1943, sont désormais accessibles. Cette redécouverte éclaire son œuvre et permet la réévaluation de ce « témoignage graphique » unique.
Retrouvez plus d’informations sur l’artiste et l’exposition : Drancy.memorialdelashoah.org
Tarif : gratuit sur réservation à education@memorialdelashoah.org ou au 01 53 01 18 01
Suivre l’exposition sur les réseaux sociaux : #ExpoHoranDrancy
Visites guidées :
– mercredis 25 octobre, 15 novembre et 6 décembre 2017 de 16h à 17h30
– mercredis 3 et 31 janvier, 21 février et 14 mars 2018 de 16h à 17h30
Informations pratiques
Mémorial de la Shoah, Drancy
110-112 avenue Jean-Jaurès
93700 Drancy
Tél. : 01 42 77 44 72
contact@memorialdelashoah.org
Mémorial de la Shoah, Drancy
Complémentaire du Mémorial de la Shoah de Paris, le Mémorial de la Shoah de Drancy est un lieu de médiation entre le site de l’ancien camp et le public, un lieu d’histoire et de transmission. Il permet au public scolaire comme au grand public de mieux connaître l’histoire de la cité de la Muette et notamment le rôle central du camp de Drancy dans l’exclusion des Juifs de France pendant la Seconde Guerre mondiale et dans la mise en œuvre de la « Solution finale ».
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